(Ottawa) La cheffe de cabinet du premier ministre Justin Trudeau a affirmé qu’elle se demande si elle aurait pu en faire plus pour lutter contre l’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, mais a refusé d’expliquer comment son patron a été tenu dans l’ignorance d’une allégation contre l’ancien haut commandant.

Katie Telford a témoigné vendredi pendant près de deux heures devant le comité de la défense nationale de la Chambre des communes, soutenant qu’elle avait été informée du contenu d’une plainte contre l’ancien chef d’état-major Jonathan Vance seulement en février, au moment où elle a été rendue publique.

Les conservateurs fédéraux ont fait pression pour savoir ce qu’elle savait exactement de la situation en 2018. Ils allèguent qu’il est impossible qu’elle ou M. Trudeau ne sût pas que l’allégation contre le général Vance fût de nature sexuelle, et ils soulignent que le gouvernement libéral n’a pas agi dans un tel dossier alors qu’il se targue pourtant d’être féministe.

Mme Telford a témoigné que le conseiller politique principal de M. Trudeau à l’époque, Elder Marques, lui avait dit en 2018 qu’il s’agissait d’une plainte d’« inconduite personnelle » contre M. Vance, et qu’elle avait été dirigée vers le canal approprié du Bureau du Conseil privé, où le processus était en suspens faute d’informations additionnelles.

« On nous a clairement dit que cette affaire devrait être traitée par (le Bureau du Conseil privé) et qu’il aurait été inapproprié que le personnel politique ou les politiciens soient directement impliqués. La dernière chose que je voulais faire était de refuser une intervention à la plaignante », a-t-elle dit au comité.

« Je ne connaissais pas la nature de la plainte. Je ne connaissais pas le fond de la plainte. Je ne connaissais pas les détails de la plainte… Je ne savais pas d’où venait la plainte. »

Mais elle a dit qu’après que Global News a révélé qu’il s’agissait d’allégations d’inconduite sexuelle, elle a rejoué des conversations passées dans sa tête avec des soldates et s’est demandé ce qu’elle aurait pu faire de plus pour créer un espace sûr.

Elle se demande si elle aurait pu faire plus d’efforts pour garantir la mise en œuvre d’un rapport de 2015 de l’ancienne juge de la Cour suprême Marie Deschamps qui recommandait un système de signalement indépendant des inconduites sexuelles dans l’armée.

Mme Telford a également dit qu’elle s’était demandé si elle aurait dû interroger davantage M. Vance quand il lui a parlé de son engagement envers le mouvement #moiaussi et à quel point il était frustré que les ordres ne suffisent pas à provoquer le changement.

« Mais par-dessus tout, j’ai pensé aux femmes et aux hommes courageux des Forces armées canadiennes qui sont confrontés à un harcèlement et une inconduite impensables et inacceptables dans l’exercice de leurs fonctions », a-t-elle affirmé.

Il est clair qu’il reste du travail à faire, et c’est pourquoi le gouvernement a annoncé un nouvel examen dirigé par l’ancienne juge de la Cour suprême Louise Arbour visant à créer une surveillance externe, a-t-elle fait valoir.

Le témoignage de Mme Telford est intervenu après que les conservateurs ont pressé M. Trudeau — qui avait nié avoir personnellement eu connaissance de toute allégation — de la licencier si elle ne l’avait pas informé de la plainte. Cette demande n’a été appuyée par aucun autre parti de l’opposition lorsqu’elle a été mise aux voix à la Chambre des communes plus tôt cette semaine.

Vendredi, Mme Telford a également témoigné qu’elle avait demandé à l’époque si la sécurité était un problème et qu’elle avait été assurée que ce n’était pas le cas.

« Si vous ne pensiez pas qu’il s’agissait d’une plainte pour inconduite sexuelle, quel genre de plainte pensez-vous que c’était ? », a demandé le porte-parole du NPD en matière de défense, Randall Garrison.

Le porte-parole conservateur en matière de défense James Bezan et d’autres députés ont demandé à plusieurs reprises à Mme Telford si elle avait délibérément gardé M. Trudeau dans l’ignorance de l’allégation et qui avait décidé de ne pas lui dire. Elle n’a pas répondu directement aux questions.

L’allégation concernait un courriel obscène que M. Vance aurait envoyé à une subalterne en 2012, avant de devenir chef de la défense.

La police militaire enquête actuellement sur cette plainte ainsi que sur une autre allégation selon laquelle M. Vance a eu une relation sexuelle avec une autre militaire sous son commandement.

M. Vance n’a pas répondu aux demandes pour commenter le dossier, mais Global News affirme qu’il a nié toute conduite inappropriée.