La question de la consommation d’alcool dans les parcs de Montréal est la preuve qu’en route vers un scrutin, tout peut devenir un enjeu électoral.

Denis Coderre a fait part de sa stratégie pour régler cette situation devenue critique. Et pour cela, Coderre a fait du grand Coderre : il a balancé une heure de fermeture. On arrête de boire à 20 h. Bang ! C’est réglé !

De son côté, la mairesse Valérie Plante a répliqué en disant que le point de vue de son adversaire était « déconnecté de la réalité et rétrograde ». En fait, Plante a fait du grand Plante : elle a pelleté en avant le problème comme elle l’avait fait l’an dernier avec les campements. Elle a ajouté que limiter la consommation d’alcool dans les parcs n’était « pas dans les plans » pour le moment.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Rassemblement au parc La Fontaine au premier jour du déconfinement, vendredi dernier

OK, mais qu’est-ce qui est dans son plan ?

Il est clair que les deux approches sont intimement liées à des objectifs politiques. Le désir de renforcer sa marque de commerce auprès d’un électorat convoité pour Coderre, la crainte de décevoir sa base électorale pour Plante.

Quelques heures après la déclaration de Denis Coderre, un groupe a organisé l’évènement « Cheers à Denis » dans les parcs de Montréal. Ce happening a lieu ce vendredi soir, à 20 h 01. Ça sera l’occasion pour les participants de trinquer en disant que Denis Coderre est un mononcle fini.

Du bonbon pour le clan Plante.

Sauf que la question des parcs mérite plus qu’une guéguerre politique et un party ironique.

Les parcs de Montréal sont devenus, depuis le début de la pandémie, une oasis de rêve pour ceux qui ont du mal à composer avec la fermeture des bars et l’interdiction des rassemblements intérieurs.

Je me suis retrouvé à quelques reprises l’été dernier dans le parc La Fontaine avec des amis. Comme tout le monde, on a mangé accessoirement des carottes et des céleris pour pouvoir s’enfiler quelques verres de rosé. J’avoue que l’ambiance était extraordinaire.

Sauf que tout cela a pris une ampleur considérable au cours des dernières semaines. Certains vendredis ou samedis, il y a des foules gigantesques dans les parcs. Les attroupements s’éternisent jusqu’à très tard. Certaines personnes s’improvisent DJ, d’autres font sauter des feux d’artifice. Ce sont des bars à ciel ouvert.

Le lendemain, ces lieux se retrouvent dans un état lamentable. Et je pèse mes mots. Ce sont des dépotoirs à ciel ouvert.

Les résidants qui veulent profiter de ces parcs le jour doivent se trouver une place parmi les boîtes de pizza et les canettes de bière. Et je ne vous parle pas de ceux qui vivent près de ces lieux. Mettez-vous à leur place un instant.

L’autre aspect non négligeable de ces fiestas est l’impact négatif qu’ont ces rassemblements sur la biodiversité de ces lieux. Ces espaces verts ne peuvent subir l’assaut de milliers de gens au quotidien sans en subir des contrecoups. Attendons-nous de voir des centaines d’arbres ou d’espèces végétales malades ou abîmés pour agir ?

Certains pensent que cet engouement pour les parcs est passager. Dès que les bars vont rouvrir et que les rassemblements intérieurs seront permis, les parcs vont se vider, croit-on. Je ne le pense pas. Il y a une habitude qui est en train de s’ancrer.

Dommage pour les propriétaires de bar…

C’est pour cela que je dis qu’il faut avoir une réflexion sérieuse sur l’utilisation des parcs par les citoyens. Il y a un énorme travail de sensibilisation à faire auprès du public.

Valérie Plante a peur d’interdire. Mais elle pourrait peut-être songer à encadrer. La première étape serait sans doute d’aller voir ce qu’on fait ailleurs.

À Toronto, Vancouver, Calgary et Edmonton, ce débat fait également rage. Plusieurs projets pilotes sont en marche, mais avec des balises. La consommation d’alcool est permise dans certains parcs seulement. À Vancouver, on a même identifié des zones précises où l’on peut boire de l’alcool. La consommation est permise jusqu’à 21 h ou 22 h.

À Montréal, la gestion des parcs relève des arrondissements, ce qui complique ce dossier. Une fois de plus, on se retrouve avec une gestion de style Far West.

Ce débat survient alors que la Société du Vieux-Port, l’organisme fédéral responsable de ce secteur, a pris la décision de fermer l’accès au site de minuit à 6 h du matin. Les évènements violents du week-end dernier sont à l’origine de cette mesure.

Montréal se déconfine à une vitesse inouïe. L’impatience se lit sur les visages. Le beau temps fait son œuvre. La frénésie autour des exploits du Canadien s’ajoute au reste. Il faudrait tout de même continuer à respirer par le nez.