Objet de nombreux litiges depuis la crise de 1990, la pinède d’Oka divise maintenant les membres de la communauté mohawk de Kanesatake. La coupe d’arbres par des vendeurs de cannabis et de tabac a causé la colère de leurs concitoyens.

« On en a assez, on est fatigués de voir les gens penser qu’ils ont le droit de prendre ce qui ne leur appartient pas », souffle la militante autochtone Ellen Gabriel, au cours d’une manifestation qui a eu lieu mercredi à Kanesatake.

Une dizaine de militants se sont rassemblés à la lisière de la forêt de pins. Autour d’eux, des troncs coupés jonchent le sol. « Nous sommes ici pour dénoncer le caractère illégal de certains individus de la communauté qui coupent des pins pour leur propre usage », explique Ellen Gabriel.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

La militante autochtone Ellen Gabriel a participé à la manifestation.

À sa droite, des arbres ont été coupés pour laisser la place à un stationnement en chantier. Celui-ci servira à accueillir la clientèle d’une cabane à cannabis, comme il y en a une vingtaine en bordure de la route 344.

« Nos ancêtres se sont battus pour cette terre. Ils ont mis leur vie en danger pour ça. Et c’est ce que ces personnes vont lui faire ? », scande Lysa Gibson, debout sur une pile de branches.

Lors de la crise d’Oka, les projets de développement de terres d’un promoteur privé et de la Ville d’Oka qui visaient la pinède ont été vivement contestés par les Mohawks. Aujourd’hui, la forêt est toujours objet de litiges, cette fois entre les membres de la communauté.

« Cela va à l’encontre de nos enseignements ancestraux. Ces gars ont de l’argent et ils pensent que ça leur donne le pouvoir de faire ce qu’ils veulent », poursuit Mme Gabriel, en montrant du doigt le chantier.

« Qui embauche ici ? »

Josh Gabriel est le propriétaire de Big Chief’s, une cabane de cannabis et de tabac. Il se justifie d’avoir coupé des arbres pour pouvoir bâtir son commerce ainsi qu’un stationnement. Selon lui, c’est le seul moyen pour développer une économie sur le territoire.

« Qui embauche ici ? Personne n’a les qualifications. Il y a un manque d’éducation, un manque de financement pour nos écoles. C’est plus difficile chaque année », raconte M. Gabriel, dont l’entreprise emploie 30 personnes. Son père avait milité lors de la crise de 1990.

« Les gens ont de la difficulté à survivre ici. Si on gagne, c’est toute la communauté qui gagne, conclut M. Gabriel. Alors, oui, on coupe des arbres, mais maintenant on a l’argent pour en replanter. »

Le grand chef de Kanesatake, Serge Simon, ne cache pas son opposition à ces cabanes à cannabis. Seulement, il estime ne pas avoir les ressources nécessaires pour renforcer le moratoire de 2010 qui interdit le développement des terres de la communauté sans son consentement. En effet, Kanesatake n’a plus de corps policiers depuis la disparition des Peacekeepers, il y a une quinzaine d’années.

« On pointe du doigt notre communauté comme quoi on fait ci, on fait ça, mais comment on peut gouverner sans les ressources de base ? », indique M. Simon. Il renvoie la balle au gouvernement fédéral, qui, selon lui, a l’obligation de fournir ces ressources.