Elles ont lu une chronique dans laquelle je parlais de patrimoine et elles m’ont écrit. « Elles », ce sont Claire Trencia, Marie-Christine Lambany et Johanne Saulnier, qui font partie d’un groupe de citoyens de Saint-Ambroise-de-Kildare, une municipalité d’à peine 4000 habitants de la région de Lanaudière.

Le Groupe de la Principale, en référence à la rue Principale dont on tente de protéger le caractère patrimonial, a été créé afin d’obtenir plus de transparence de la part de l’administration de Saint-Ambroise, dont le maire est François Desrochers.

Le combat des derniers mois du groupe a été la sauvegarde d’une maison ancestrale qui a appartenu à la famille Laporte et qui est située au 421, rue Principale. La matriarche est morte en 2018. Un de ses petits-fils a tenté de faire l’acquisition de la propriété. Il a offert 175 000 $. La succession a préféré la vendre à un promoteur immobilier pour 230 000 $. La transaction a eu lieu en mai 2019.

Ça tombait bien, quelques mois plus tôt, un changement de zonage avait permis la construction de type multilogement dans cette zone. Car ce qui a intéressé le promoteur, ce n’était pas le charme de cette maison construite au début du XXsiècle, mais plutôt le terrain qui allait lui permettre de construire deux immeubles de 12 condos chacun.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Marie-Christine Lambany, Claire Trencia et Johanne Saulnier du Groupe de la Principale ont tenté de sauver la demeure ancestrale ayant appartenu à la famille Laporte et qui est située au 421, rue Principale, Saint-Ambroise-de-Kildare.

Les citoyens du Groupe de la Principale déplorent le manque de transparence de l’administration de la municipalité. « Les avis publics ne contiennent pas les adresses, dit Johanne Saulnier. Depuis le début de la pandémie, les réunions du conseil se déroulent à huis clos. Ils rendent disponible la retranscription audio trois jours plus tard. Comment voulez-vous que l’on suive ça ? »

Quand les membres du groupe demandent des précisions, les réponses sont difficiles à obtenir. « J’ai demandé s’il y aurait d’autres projets immobiliers sur la rue Principale, raconte Claire Trencia. Vous savez ce qu’on m’a répondu dans un courriel ? “Oui !” »

C’est une gestion hermétique. Il n’y a aucune consultation. Ils gèrent la municipalité comme une PME. Mais la municipalité, c’est nous.

Claire Trencia

Ces trois femmes le reconnaissent, le maire les trouve « ben fatigantes ».

« Elles me demandent des choses confidentielles, dit René Charbonneau, directeur général de Saint-Ambroise-de-Kildare. Pour le reste, qu’elles nous posent leurs questions ! On va les écouter. »

Au cours des dernières semaines, le promoteur avait installé une pancarte devant la maison Laporte. Il avait écrit : « Maison à donner ». Il offrait gratuitement la résidence à celui qui aurait les moyens de la déménager. Cela aurait coûté une fortune.

Après avoir lancé une pétition en mai dernier qui a réuni 850 signatures, le Groupe de la Principale a tenté d’obtenir du ministère de la Culture un classement. Sans succès. Marc Laporte, le petit-fils de l’ancienne propriétaire, a réitéré son intention de faire l’acquisition de la maison. Le promoteur a exigé 600 000 $.

La rue Principale de Saint-Ambroise-de-Kildare est coupée en deux par la route 343. Un des côtés est bordé de jolies maisons ancestrales et d’arbres matures. L’autre côté, celui où se trouve la maison Laporte, est plus amoché. Il souffre d’un curieux mélange de styles et d’époques comme le Québec en a le secret.

C’est dans cette zone qu’on a fait naître un quartier complet de condominiums sur les terrains où se trouvait l’ancien ciné-parc de Saint-Ambroise. Au moins, ce secteur est isolé et ne fait d’ombre à celui qui environne l’église et le presbytère, un autre bâtiment dont l’avenir est incertain.

« La municipalité manque le bateau, dit Claire Trencia. On pourrait créer quelque chose de beau pour attirer les gens. On est plutôt en train d’enlaidir le village. »

« Nous devenons doucement une banlieue de Joliette, ajoute Marie-Christine Lambany. Ce n’est pas pour cela qu’on est venues s’installer ici. »

Destruction de la maison Laporte
  • Vendredi, à l’aube, des grues et des camions sont arrivés devant la maison Laporte. Au bout d’une heure, cette demeure qui avait vu défiler tant de vies et d’histoires s’est affaissée.

    PHOTO FOURNIE PAR JOHANNE SAULNIER

    Vendredi, à l’aube, des grues et des camions sont arrivés devant la maison Laporte. Au bout d’une heure, cette demeure qui avait vu défiler tant de vies et d’histoires s’est affaissée.

  • Vendredi, à l’aube, des grues et des camions sont arrivés devant la maison Laporte. Au bout d’une heure, cette demeure qui avait vu défiler tant de vies et d’histoires s’est affaissée.

    PHOTO FOURNIE PAR JOHANNE SAULNIER

    Vendredi, à l’aube, des grues et des camions sont arrivés devant la maison Laporte. Au bout d’une heure, cette demeure qui avait vu défiler tant de vies et d’histoires s’est affaissée.

  • Vendredi, à l’aube, des grues et des camions sont arrivés devant la maison Laporte. Au bout d’une heure, cette demeure qui avait vu défiler tant de vies et d’histoires s’est affaissée.

    PHOTO FOURNIE PAR JOHANNE SAULNIER

    Vendredi, à l’aube, des grues et des camions sont arrivés devant la maison Laporte. Au bout d’une heure, cette demeure qui avait vu défiler tant de vies et d’histoires s’est affaissée.

  • Vendredi, à l’aube, des grues et des camions sont arrivés devant la maison Laporte. Au bout d’une heure, cette demeure qui avait vu défiler tant de vies et d’histoires s’est affaissée.

    PHOTO FOURNIE PAR JOHANNE SAULNIER

    Vendredi, à l’aube, des grues et des camions sont arrivés devant la maison Laporte. Au bout d’une heure, cette demeure qui avait vu défiler tant de vies et d’histoires s’est affaissée.

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Je me suis entretenu avec M. Charbonneau jeudi après-midi. Vendredi, à l’aube, des grues et des camions sont arrivés devant la maison Laporte. Au bout d’une heure, cette demeure qui avait vu défiler tant de vies et d’histoires s’est affaissée. On a aussi abattu les vieux arbres qui étaient autour. Johanne Saulnier a assisté à ce triste spectacle.

Les membres du Groupe de la Principale savaient qu’il était trop tard pour sauver cette maison. Mais leur démarche leur a permis de se faire entendre, de faire sentir leur présence.

Ce qui se passe à Saint-Ambroise-de-Kildare frappe d’autres petites municipalités des alentours : Sainte-Marcelline, Saint-Charles-Borromée, Saint-Jacques. Ces villes font les frais de l’étalement urbain. Certains maires ou promoteurs ne diraient sans doute pas la même chose.

Mais entre cette condomisation de nos villes et villages et la défense de notre patrimoine, il devrait y avoir de la place pour de la transparence, pour le point de vue des citoyens, pour une forme de respect.

J’ai voulu vous raconter l’histoire de cette maison et la lutte ratée pour sa protection, car elle ressemble à des milliers d’autres qui ont cours en ce moment au Québec.

Des maires insouciants et peu cultivés, de même que des promoteurs guidés par l’appât du gain, il y en a trop au Québec. Les citoyens ont raison de se lever et de faire front commun.

Nos villes et villages ont été défigurés, lacérés, dénaturés. Quand on les traverse, on n’y voit que des boulevards hideux, des arches de McDonald’s et des condominiums dont les styles architecturaux semblent avoir été tous choisis dans le même catalogue.

Le Groupe de la Principale a perdu cette manche. Mais il n’a pas dit son dernier mot.

Souhaitons que le Québec s’enrichisse de milliers de Groupes de la Principale.