Les Américains les appellent les porch pirates. Ils sont en fait des cambrioleurs qui se spécialisent dans le vol de colis laissés devant la porte des maisons. On a commencé à entendre parler d’eux il y a environ deux ans. Ils étaient peu nombreux et agissaient surtout aux États-Unis.

Mais avec la popularité grandissante du commerce en ligne, les « pirates de perron » se multiplient et agissent maintenant un peu partout. On en retrouve maintenant au Québec, notamment à Montréal. Un survol des réseaux sociaux suffit à nous faire prendre conscience de l’ampleur de la situation.

Mara Welch, une résidante de Dorval, attendait impatiemment la livraison de marchandises, des cadeaux de Noël, commandée chez Amazon. Dans la journée de lundi, les compagnies de livraison Purolator et Intelcom Express l’ont avertie que les colis étaient livrés. À l’arrivée de son conjoint à la maison, les colis, qui avaient été laissés devant la porte, avaient disparu.

Le couple a visionné les images prises par la caméra de surveillance installée devant leur résidence. « On a vu une personne, on pense que c’est une femme, prendre les colis et repartir avec eux à vélo », m’a raconté Mara Welch.

Le conjoint de Mara a ensuite pris contact avec la police. « Ils nous ont tout de suite demandé si la personne était à vélo, dit la jeune femme. Ce n’était donc pas la première plainte du genre. »

Toujours lundi, Matthew Warsh, un citoyen de Dollard-des-Ormeaux, a également été victime d’un vol de colis. Le larcin a été commis vers 15 h 30. Les deux caméras de surveillance fixées devant sa demeure montrent une femme, le capuchon de son manteau couvrant partiellement son visage, se rendre nonchalamment avec une circulaire à la main devant la porte de la résidence de M. Warsh et s’emparer d’un gros colis.

« Nous recevons régulièrement des colis, m’a dit Matthew Warsh. Au moins une fois par semaine. C’est la première fois que ça nous arrive. » Dans la boîte se trouvaient des couches et des loquets de sécurité pour maintenir les portes d’armoires fermées.

Matthew Warsh a publié ces images sur la page Facebook West Island Watch. Il a aussi fait part de ce vol à une équipe de Global News. Il a reçu des centaines de commentaires. Mardi soir, un citoyen lui a téléphoné pour lui dire qu’il pensait connaître la personne qui apparaît dans la vidéo. M. Warsh a maintenant l’intention de porter plainte à la police.

Précisons que dans les deux cas, les victimes n’ont eu aucun mal à obtenir de nouveau les produits qui avaient été volés de la part des commerçants.

Au SPVM, on reconnaît que le « phénomène est connu » et il est pris « au sérieux ». On ne dispose toutefois pas de statistiques concernant précisément ce type de vol. C’est tout ce qu’on a pu me dire à ce sujet.

Par ailleurs, il est extrêmement difficile d’obtenir des renseignements sur le vol des colis auprès des grands acteurs du commerce en ligne. Ceux-ci tentent par tous les moyens d’éviter le sujet. Chez Amazon, leader du commerce en ligne, on s’est limité à me dire (par l’entremise de la firme de relations publiques National) que « la grande majorité des livraisons parviennent aux clients sans incident ».

J’ai soumis d’autres questions à Amazon. On s’est borné à me dire que leur réponse était contenue dans le précédent courriel. Chez La Baie d’Hudson, l’une des plus importantes chaînes de grands magasins au pays, on n’a pas souhaité répondre à mes questions.

Du côté des entreprises qui assurent les livraisons, on est également très réticents à aborder ce sujet. « Dans un marché très compétitif, vous comprendrez que c’est difficile pour nous d’aborder cela », m’a dit James Anderson, directeur des communications chez FedEx.

Ce dernier est le seul, parmi les entreprises qui assurent la livraison de colis à domicile, qui a accepté de répondre à mes questions de vive voix, notamment celles qui entourent l’un des procédés utilisés par les voleurs aguerris. En effet, certains n’hésitent pas à suivre les camions de livraison afin de repérer plus facilement les endroits où ils peuvent dénicher des colis.

« Oui, cela est vrai, m’a dit James Anderson. Et c’est un problème. Cela dit, nos employés, lorsqu’ils sont témoins de comportements suspects ou remarquent des situations anormales, n’hésitent pas à les communiquer aux autorités. »

Chez Intelcom Express, la porte-parole Valérie Cloutier nous a indiqué que « la politique est de ne pas donner d’entrevues ». Chez Postes Canada, on s’est contenté de me faire suivre platement des conseils de sécurité entourant la livraison des colis.

Avec ou sans témoignages de ces firmes, reste que ce phénomène est réel. Un sondage réalisé pour le compte de FedEx Express Canada auprès de 1500 Canadiens et dont les résultats ont été publiés il y a quelques semaines indique que 29 % des personnes interrogées avaient été victimes d’un vol de colis.

Le problème est à ce point important que l’Office de la protection du consommateur a publié un communiqué, le 27 novembre dernier, sur les recours qui s’offrent aux consommateurs dont le colis a été volé. Charles Tanguay, porte-parole de l’organisme, m’a assuré que, dans un tel cas, le consommateur était protégé.

Le commerçant a l’obligation de prendre les moyens qui s’imposent pour que vous receviez le colis demandé. Mais il arrive que le commerçant et la compagnie qui assure la livraison se renvoient la responsabilité. Ça dépend de l’entente qu’ils ont.

Charles Tanguay, de l’Office de la protection du consommateur

En effet, il existe plusieurs façons de procéder. Le livreur peut laisser un avis et demander au client de venir cueillir le colis dans un point de chute précis. On peut également exiger ou non une signature. « Avec la période achalandée des Fêtes, on préfère souvent laisser tout simplement le colis devant la maison », ajoute Charles Tanguay.

Face à ce problème, les entreprises assurant la livraison des colis ont développé des systèmes très perfectionnés qui permettent aux clients de suivre à la trace l’itinéraire des colis. Un suivi serré du chemin de l’envoi demeure, selon James Anderson, le meilleur moyen de lutter contre les vols. « Notre sondage nous apprend que 68 % des personnes interrogées se disent préoccupées par le vol de colis. Un bon suivi du colis est la meilleure façon de les rassurer. »

Certains livreurs vont même jusqu’à photographier le colis une fois qu’il est déposé devant la porte. « Mais une photo, ça vaut ce que ça vaut, dit Charles Tanguay. Ça protège le livreur, c’est tout. » En effet, des personnes qui ont été victimes de vol avaient reçu une photo de leur colis… avant le méfait.

Le commerce en ligne est un nouveau phénomène social et commercial. On découvre ses bienfaits. Et ses revers. En pleine émergence, il force une forme d’adaptation pour tous les maillons de la chaîne : les commerçants, les entreprises qui assurent la distribution et les consommateurs.

Tout le monde se conjugue à ce système révolutionnaire qui agit en ce moment comme un rouleau compresseur. Tout le monde. Même les criminels.