Hier, les sinistrés de Sainte-Marthe-sur-le-Lac n’étaient pas étonnés du geste de Jean-François Chénier, l’homme de 38 ans qui avait foncé, la veille, avec sa voiture, vers le centre communautaire de la ville.

La détresse psychologique des gens interrogés par La Presse – impatients, en colère, à bout de nerfs – était palpable.

« Je comprends cet homme, on est bafoués », a déclaré Sophie Lajoie, dans le minuscule espace désordonné de la roulotte où elle, son mari et ses deux enfants s’entassent temporairement. « On se réveille avec le stress d’attendre des réponses du gouvernement pour nos permis de reconstruction. »

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Centre communautaire de Sainte-Marthe-sur-le-Lac

Coincée au milieu de ses effets personnels disposés tant bien que mal dans l’espace étouffant, elle soupire et retient ses larmes. 

Je ne peux pas continuer à vivre comme ça. Je vais où, moi, cet automne ? Je fais quoi ? On ne me donne aucune réponse, on me dit d’attendre.

Sophie Lajoie, sinistrée de Sainte-Marthe-sur-le-Lac

Sa maison, complètement détruite, donne l’impression d’avoir été assiégée. Meubles, toilettes, plancher : tout a été rasé. Elle a vu son sofa pourrir sur le bord de l’eau, la boîte à souvenirs de ses enfants emportée dans le courant, sans oublier la peine de tout un voisinage qu’elle côtoie depuis 15 ans.

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La maison de Sophie Lajoie, complètement détruite, donne l’impression d’avoir été assiégée. Meubles, toilettes, plancher : tout a été rasé.

Dans le parc de maisons mobiles, secteur très touché par les inondations, Roland Gariépy erre tristement autour de sa maison, ancien « royaume » dans lequel il espérait vivre sa retraite. « Je ne le blâme pas », a-t-il dit au sujet de Jean-François Chénier, ajoutant qu’il ne serait pas surpris qu’un incident similaire se répète à cause du désespoir des sinistrés.

Il habite chez un parent, mais se rend chaque jour à son ancien domicile pour constater l’état des lieux. « Je vis dans le stress de ne pas savoir où je vais vivre et avec quel argent. Je suis incapable de faire mon deuil, car je ne sais pas où je vais. »

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Roland Gariépy habite chez un parent, mais se rend chaque jour à son ancien domicile pour constater l’état des lieux.

« Je vais arrêter de venir ici chaque jour lorsqu’on me dira clairement ce qui va arriver à ma maison », a-t-il confié, les yeux remplis d’eau. Pour le moment, il vit avec les souvenirs d’un charmant potager et d’un jardin luxuriant. « C’était mon paradis, cet endroit », a-t-il dit en brandissant l’album photo de son domicile avant la catastrophe, qu’il garde près de lui en tout temps.

Vidéo troublante

Pendant ce temps, à Saint-Jérôme, Jean-François Chénier a été accusé de conduite dangereuse et d’agression armée. Il demeurera détenu. Son état psychologique sera évalué.

Jean-François Chénier exprimait sa frustration face aux inondations de Sainte-Marthe-sur-le-Lac sur les réseaux sociaux. Deux semaines plus tôt, l’homme avait mis en ligne une vidéo confuse et troublante, dans laquelle il menaçait directement le gouvernement du Québec.

« Vous nous avez réinondés une deuxième fois, cette fois-ci à grands coups de bureaucratie, de procédures, de protocoles et de documents, dit-il dans la vidéo. Désormais, je vous prends en chasse tant et aussi longtemps que vous n’aurez pas remboursé chaque centime et chaque minute que vous me devez, et tant que vous ne vous serez pas amendés en bonne et due forme face aux gens de Sainte-Marthe-sur-le-Lac. 

« Vous allez payer d’une façon ou d’une autre, ajoute-t-il, dans la vidéo. […] Je ne pardonne pas, soyez prêts à faire face au karma. »

Le montage, de près d’une heure, est essentiellement constitué d’images n’ayant aucun lien avec les inondations. Il comprend en outre des références satanistes.

Selon nos informations, Jean-François Chénier n’était pas connu des services policiers locaux. Il s’était rendu à quelques séances d’informations destinées aux sinistrés dans les dernières semaines.