Le gouvernement Couillard s'engage à ce que 20 personnes lourdement handicapées résidant dans une « ressource intermédiaire » spécialisée ne soient pas transférées dans des CHSLD. Même si c'est sa volonté, il ne peut toutefois garantir qu'elles demeureront là où elles résident actuellement - ce qu'elles étaient pourtant venues réclamer à l'Assemblée nationale, mardi.

Des résidants de la Maison Jean-Eudes-Bergeron, à Alma, ont fait le déplacement jusqu'à Québec avec des proches, en dépit des difficultés liées à leur handicap. Le groupe est venu réclamer une intervention financière d'urgence au premier ministre Philippe Couillard et à la ministre Lucie Charlebois, une intervention visant à permettre leur maintien dans cette résidence. Il manquerait 25 000 $ par mois pour assurer son fonctionnement, sa survie.

« On est très bien où on est. J'ai fait des promesses à mes amis : s'il le faut, je vais m'enchaîner à notre bâtisse », a déclaré Gino Lebel, porte-parole des résidants de la Maison Jean-Eudes-Bergeron, aux côtés des députés péquistes Alexandre Cloutier et Dave Turcotte. M. Lebel, âgé de 43 ans, souffre de dystrophie musculaire. Il a besoin d'une aide respiratoire.

Des « cases »

Les grilles de classification de l'administration gouvernementale ne correspondent pas aux besoins, a dénoncé Alexandre Cloutier en pressant le gouvernement de créer de « nouvelles cases » s'il le faut.

« C'est une aberration du système », selon lui. Non seulement « ils ne veulent pas vivre en CHSLD » - où il en coûterait d'ailleurs plus cher à l'État -, mais « ils veulent continuer à vivre à leur résidence, qui est un milieu de vie exceptionnel », a-t-il dit.

« En 11 ans de vie parlementaire, il y a rarement un dossier qui est venu me chercher autant que la Maison Jean-Eudes-Bergeron. »

Ces personnes handicapées « ont développé un attachement sincère et profond à la Maison. C'est leur milieu de vie », a renchéri M. Turcotte.

MM. Cloutier et Turcotte ont fait valoir qu'un soutien financier d'urgence laisserait du temps pour trouver un financement pérenne et suffisant.

Un espoir

« Le premier ministre est aussi sensible que moi » à la situation de ces personnes qui ne veulent pas déménager, a indiqué la ministre Lucie Charlebois. « Il n'y a personne qui souhaite qu'elles aillent en CHSLD ; et, je vous le dis, là, ça n'arrivera pas. C'est clair, là. Ça n'arrivera pas qu'elles soient en CHSLD. »

Mme Charlebois a dit être prête « à ajuster nos ressources ». Mais encore faut-il parvenir à une entente avec le propriétaire de la résidence, a-t-elle expliqué. À défaut d'y parvenir, les personnes concernées devront déménager dans d'autres « ressources intermédiaires » de la région.

Après avoir rencontré le groupe de résidants, la ministre a réitéré que sa volonté est de faire en sorte qu'ils puissent demeurer là où ils habitent.

Le gouvernement avance prudemment, car il craint de créer un précédent. D'autres « ressources intermédiaires » répondant à différents besoins ont mis la clé sous la porte ces derniers mois.

Gino Lebel a quitté l'Assemblée nationale sans avoir obtenu de garantie. Mais il a dit rentrer chez lui avec une « espérance », un espoir que son appel soit entendu.

En soirée, le cabinet de la ministre Lucie Charlebois a fait savoir que le financement de la Maison Jean-Eudes-Bergeron serait assuré au moins pour les mois de juillet et d'août, le temps de travailler sur la suite des choses.

Un débat sur «monsieur»

(Louis Tremblay, Le Quotidien) - Le sort de la vingtaine de résidants de la Maison Jean-Eudes-Bergeron d'Alma a fait monter le ton à l'Assemblée nationale mardi.

Les questions du député péquiste Alexandre Cloutier n'ont visiblement pas plu au premier ministre Philippe Couillard. Ce dernier a reproché au député péquiste de manquer de respect à l'endroit de Gino Lebel, un jeune homme atteint de dystrophie musculaire qui refuse catégoriquement de quitter cette résidence pour retourner en centre hospitalier de soins de longue durée (CHSLD).

Le député de libéral a reproché à Alexandre Cloutier d'appeler Gino Lebel par son prénom à l'Assemblée nationale au lieu de le désigner comme M. Lebel. Ce à quoi Alexandre Cloutier, visiblement choqué contre le premier ministre, a rétorqué qu'il se permettait une certaine proximité avec Gino Lebel puisqu'il s'agissait d'un ami et surtout qu'il s'était « investi énergétiquement » depuis des mois dans ce dossier afin d'éviter la fermeture de la maison.

Le chef de l'opposition et député péquiste de Rosemont, Jean-François Lisée, a pour sa part accusé le gouvernement du Québec d'être à l'origine de ces ressources intermédiaires. Selon ce dernier, Québec impose des compressions budgétaires dans les CIUSSS et CISSS qui à leur tour sont dans l'obligation de transférer ces compressions sur d'autres organismes, dont ces résidences.