Le brouillard s'est dissipé autour des Îles-de-la-Madeleine, mercredi, mais la peine étreignait toujours le petit archipel, en deuil de son « ambassadeur ». Depuis la mort tragique du chroniqueur politique Jean Lapierre, mardi, les hommages fusent de toutes parts, léger baume sur la douleur de sa soeur, Marie-Laure.

« On ne peut pas dire à quel point on apprécie les hommages, ça nous fait énormément de bien. »

Marie-Laure Lapierre traverse une épreuve cruelle. Trois de ses frères, dont le chroniqueur politique Jean Lapierre, sa soeur et sa belle-soeur ont péri, mardi, dans un écrasement d'avion alors qu'ils se rendaient aux Îles afin de préparer les funérailles de son père Raymond C. Lapierre.

Dans l'embrasure de la porte de la maison de ses parents, mercredi soir, Mme Lapierre a déclaré qu'elle était trop ébranlée pour accorder une entrevue. « On n'a pas beaucoup ouvert la télévision parce que c'est trop difficile, mais on remercie tous les gens qui ont rendu hommage », a-t-elle tenu à souligner avant de refermer la porte.

Un vent de tristesse avait envahi les Îles-de-la-Madeleine, mercredi, alors que les Madelinots pleuraient la disparition de leur « ambassadeur », Jean Lapierre. Les nombreux témoins qui ont accouru sur la scène mardi étaient quant à eux encore très secoués.

« Je n'ai pas dormi de la nuit, les images de l'accident tournaient en boucle dans ma tête », a raconté Frédérick Duval, qui a vu par la fenêtre de sa cuisine l'avion sortir de la brume pour s'écraser sur une pente, rebondir puis se casser en deux dans les airs. « On a perdu quelqu'un d'important, il était hyper apprécié, hyper aimé, c'était un maudit bon ambassadeur des Îles », a-t-il ajouté.

Nicolas Arseneau vit sur le flanc de la colline qui surplombe les lieux de la tragédie. Il est l'un des premiers à être arrivé sur les lieux après l'écrasement. La première chose qui l'a frappé est le silence.

« Dès que je me suis approché de l'avion, j'ai su qu'il n'y avait rien à faire », a-t-il raconté.

« Dans les films, on voit des flammes et de la fumée, mais c'était complètement différent. Il n'y avait aucun bruit, c'était surréaliste, presque paisible. On aurait dit que c'était survenu il y a plusieurs semaines. »

Luc Dansereau et Debby-Ann Tardif vivent un peu plus haut, au sommet de la colline. Leur vue bucolique était surréaliste mercredi. Au milieu des maisons multicolores, la carcasse de l'avion éventré était échouée au milieu d'un champ.

M. Dansereau, un médecin, s'est rapidement offert pour aider au triage des victimes après avoir aperçu les gyrophares des ambulances. Il ne peut entrer dans les détails en raison du secret professionnel, mais il dit qu'il gardera un souvenir sombre de cette « triste, triste, triste » journée.

La plupart des témoins interrogés racontent qu'il y avait un lourd brouillard au moment de l'accident. Tous ont été étonnés d'entendre un moteur d'avion dans de telles conditions météorologiques. « Il y avait de la brume jusque sur la galerie », a raconté Martine Martin, qui vit aussi sur le flanc de la colline en face des lieux de l'écrasement. « On le sait que dans ce temps-là, les avions restent cloués au sol. Quand j'ai entendu l'avion je me suis dit voyons, ça ne se peut pas. »

PHoto Olivier Pontbriand, La Presse

Cinq membres de la famille Lapierre sont morts, de même que le pilote et le copilote, dans l'écrasement de leur appareil mardi, aux Îles-de-la-Madeleine. 

Le BST à la recherche du GPS de l'avion

L'avion qui s'est tragiquement écrasé aux Îles-de-la-Madeleine s'est-il dirigé à l'aide d'un GPS ? C'est la question à laquelle les enquêteurs du Bureau de la sécurité des transports (BST) tentent actuellement de répondre. Puisque l'aéronef n'était pas muni d'une boîte noire (FDR) ou d'un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR), cet appareil pourrait fournir des données précieuses pour comprendre les circonstances de l'accident.

« Ce que l'on va essayer de récupérer d'abord, c'est un GPS », a expliqué André Turenne, enquêteur principal du BST, lors d'un point de presse en début de soirée près des lieux de l'accident. « S'il y avait un GPS à bord, on va être en mesure d'avoir les informations sur le vol jusqu'à l'impact. On va par exemple être capable de répondre aux questions sur la vitesse d'approche, sur le moment où il a fait son virage et si le pilote était en connaissance de sa position réelle. »

Le « facteur » brouillard analysé

Six enquêteurs du Bureau de la sécurité des transports sont arrivés sur les lieux hier après-midi. Au cours des prochains jours, les enquêteurs du BST font examiner l'épave de fond en comble, puis vont prendre des dispositions pour transporter la carcasse au laboratoire du BST à Ottawa.

M. Turenne a souligné que le brouillard était un « facteur » présentement étudié par les enquêteurs. Au moment de l'accident, la visibilité était de quatre kilomètres et le plafond nuageux était à 61 mètres du sol. Selon le BST, les vents soufflaient de l'est-nord-est à 20 km/h, avec des rafales jusqu'à 30 km/h.

« On va prendre les données météorologiques qui étaient disponibles au pilote avant l'événement et voir s'il y a eu détérioration des conditions au fur et à mesure que son vol s'est approché des Îles-de-la-Madeleine. »

La SQ enquête aussi

Afin d'éloigner les médias, la Sûreté du Québec (SQ) a érigé hier un large périmètre de un kilomètre autour de la scène de l'accident. Le corps policier provincial a aussi dépêché des enquêteurs afin d'écarter toute thèse criminelle comme cause de l'accident. Selon Martine Asselin, porte-parole de la SQ, une dizaine de témoins ont été rencontrés dans le but de reconstituer les 24 dernières heures des sept passagers de l'avion.