« C'est peut-être l'émission la plus dure pour moi », a annoncé ce matin l'animateur Paul Arcand, un ami de Jean Lapierre depuis plus de 22 ans, en ouverture de son émission radiophonique Puisqu'il faut se lever.

Tous les jours, Jean Lapierre, décédé hier dans un écrasement d'avion, tenait une chronique politique à l'émission.

« Quand une tragédie vous touche directement, ce n'est pas simple. Mais par respect pour Jean et pour les auditeurs, on a le goût d'être ici ce matin. On va faire l'émission », a ajouté l'animateur, qui dit avoir un « chagrin énorme ».

Paul Arcand a raconté avoir rencontré Jean Lapierre à l'époque de la fusion forcée entre les stations de radio CKAC et CJMS. « En 30 secondes, avec son accent des Îles, son humour et ses premières vacheries, on s'est entendu tout de suite », dit-il.

Les deux hommes se parlaient « six jours par semaine » au téléphone, même le samedi. « Il m'envoyait toujours un message avant disant : "Es-tu parlable?" », raconte Paul Arcand.

La discussion pouvait être longue. « On jasait. Du mémérage. Des choses qui ne se racontent pas en ondes. C'était dans ses meilleures chroniques », dit Paul Arcand.

Jean Lapierre avait aussi l'habitude d'appeler son ami en après-midi, pour lui raconter avec quel politicien, homme d'affaires ou syndicaliste, il avait dîné.

Hier, en apprenant qu'un avion s'était écrasé aux Îles-de-la-Madeleine, Paul Arcand a tenté d'appeler Jean Lapierre trois, quatre fois. Mais son ami n'a jamais répondu.

« Il n'est pas remplaçable. Ce ne sera plus comme c'était », a souligné l'animateur.

Paul Arcand a avoué se demander pourquoi l'avion privé qui transportait Jean Lapierre aux Îles-de-la-Madeleine a décollé malgré les conditions houleuses. « Mais je ne suis pas dans un état d'esprit d'inquisition », dit-il.

Paul Arcand a annoncé que son émission sera « comme un vaste party de homards », en hommage à Jean Lapierre qui tenait chaque année une fête mémorable où des politiciens de tous les horizons faisaient des pieds et des mains pour avoir la chance de prendre part à l'évènement.L'un des premiers invités a été le premier ministre du Québec, Philippe Couillard. Ce dernier a déclaré que Jean Lapierre « était un homme très influent, que les Québécois aimaient ». « Chaque matin, on voulait savoir de quoi parlait Lapierre », a déclaré M. Couillard. Pour le premier ministre, Jean Lapierre était une « voix enjouée ». « On sentait parfois sa frustration, mais pas la mesquinerie », dit-il.

L'ex-politicien Jean Cournoyer, qui a coanimé à la radio de CKAC avec Jean Lapierre dans les années 1990, a livré un témoignage des plus émouvants. « C'est comme si j'avais perdu un de mes enfants. Je l'ai élevé le petit, a dit M. Cournoyer, un sanglot dans la voix. Avoir un ami comme Jean, c'était le summum de l'amitié ».

Peu après 7 heures, heure à laquelle Jean Lapierre tenait normalement sa chronique quotidienne, Paul Arcand a répété que ce moment ne sera « plus jamais le même » et a diffusé un montage des bons moments de Jean Lapierre à l'émission. « Ça me fait tout drôle de vous passer ça ce matin et de me dire que ce sera la dernière fois », affirme l'animateur.

L'ex-premier ministre Lucien Bouchard est venu dire que la mort de son ami est « cruelle et insensée ». « Il n'y avait pas de distance entre lui et la population. Il allait se promener dans les centres d'achat le samedi pour savoir ce qui se passait », se souvient M. Bouchard, qui était très proche du défunt.

Paul Arcand a raconté que Jean Lapierre citait occasionnellement un « ancien premier ministre », faisant ainsi référence à Lucien Bouchard. « Il m'arrivait de l'entendre dire des choses que je lui avais dites, a poursuivi Lucien Bouchard. Toujours avec respect. Je n'ai jamais rien confié à Jean qu'il a dévoilé alors qu'il n'aurait pas dû le faire ». Il estime que le style et la personnalité de Jean Lapierre « ne seront jamais remplacés ».

L'ex-premier ministre Brian Mulroney a affirmé que tous les matins, il attendait la chronique de Jean Lapierre avant de commencer sa journée « pour voir ce qui se passait ». « C'était un gentleman. Respectueux des autres et respectés », a déclaré M. Mulroney.