Les saisies de véhicules d'Uber ne donnant pas les résultats escomptés, des membres de l'industrie du taxi réclament maintenant la suspension pure et simple du permis de conduire des conducteurs pris à faire du transport illégal. Le ministre Robert Poëti n'écarte pas un tel scénario, précisant que l'efficacité des mesures prises était en évaluation.

Demain, le ministre des Transports organise à Montréal une consultation sur l'industrie du taxi. Officiellement, la rencontre doit servir à échanger sur les mesures à prendre pour moderniser ce secteur d'activité. Des représentants des chauffeurs comptent toutefois en profiter pour réclamer un renforcement de la lutte contre les services comme UberX.

Un regroupement d'entreprises et de coopératives de taxi demandera en effet à Québec de resserrer les mesures prises contre les chauffeurs pris à faire du transport illégal. « Ce n'est pas assez de saisir les véhicules et d'imposer des amendes de 1000 $. Uber est une entreprise multimilliardaire, alors elle paye l'amende des chauffeurs et leur loue même une voiture pour qu'ils puissent continuer à faire du transport en attendant de retrouver leur véhicule. Il faut suspendre le permis de conduire des gens qui travaillent illégalement », tranche Dory Saliba, président du Comité provincial de concertation et de développement de l'industrie du taxi.

Le Bureau du taxi de Montréal dit avoir saisi 186 véhicules pour transport illégal depuis le début de 2015. Les saisies se sont multipliées en juin alors que l'on compte 96 véhicules remorqués pour ce seul mois. Depuis le début de juillet, quatre chauffeurs ont dû rentrer à la maison à pied après avoir été interceptés pour transport illégal. « On maintient la pression. En fait, on peut même dire qu'on l'augmente », dit une porte-parole du Bureau, Marie-Hélène Giguère.

« Le problème est beaucoup plus profond que la saisie des véhicules. Des amendes de 300 $ à 1000 $, ce n'est pas terrible. », soutient Dominique Roy, président-directeur général de Taxi Diamond.

En entrevue à La Presse, le ministre des Transports indique que l'efficacité des saisies est présentement évaluée. Interrogé sur la possibilité d'aller jusqu'à suspendre le permis des chauffeurs, il répond ne pas exclure un tel scénario. « La porte n'est pas fermée à aller plus loin », a indiqué Robert Poëti.

Une industrie à moderniser

Contrer Uber ne suffit toutefois pas. Le ministre estime que la journée de consultation de demain doit permettre de trouver des solutions pour moderniser le secteur du taxi. « Ça fait un certain temps qu'on est préoccupés par l'industrie du taxi, au-delà des attaques d'UberX », dit-il.

La journée de consultation, à laquelle Uber n'est pas conviée, rassemblera plus de 25 représentants de l'industrie et du secteur du tourisme. Les participants aborderont la question de la qualité des services, ainsi que de l'encadrement de l'industrie, selon le programme obtenu par La Presse. Ils devront notamment discuter de la tarification pour voir si celle-ci freine le développement de l'industrie. Ils devront aussi se prononcer sur la possibilité d'obliger certains modes de paiement, comme le paiement électronique.

« Ce n'est pas normal en 2015 que des taxis n'acceptent pas encore le paiement avec carte de crédit ou débit », dit d'ailleurs Dominique Roy. Il souligne que son entreprise, Taxi Diamond, qui regroupe environ le quart des chauffeurs de l'île, s'est convertie au paiement électronique depuis 2009.

La rencontre de demain se déroule alors que la Ville de Toronto a échoué en cour à obtenir une injonction contre Uber, la semaine dernière. À ce sujet, le ministre Poëti assure que ce revers ne change en rien l'approche du Québec. Soulignant que la législation encadrant les taxis diffère en Ontario et au Québec, il n'hésite pas à continuer à qualifier UberX de transport illégal.

« Il ne faut pas paniquer, ce n'est pas catastrophique », a lui aussi estimé Dory Saliba. Il se dit d'autant plus rassuré que l'industrie a l'écoute de la Ville de Montréal et du gouvernement. Tant que les chauffeurs sentiront cette écoute, il croit que Montréal évitera des dérapages comme ceux observés en France lors de manifestations contre Uber.

Poëti: une réunion mercredi

Le ministre des Transports, Robert Poëti, hésite à saisir les véhicules ou suspendre les permis des chauffeurs qui assurent les services d'Uber X à Montréal. Ce système est illégal, de marteler le ministre, refusant toutefois de préciser ses intentions à l'égard des permis de conduire des chauffeurs illégaux. «Il est clair que c'est illégal, mais concernant l'avenir, je ne vais pas l'expliquer médiatiquement actuellement», a-t-il soutenu.

Une rencontre doit réunir aujourd'hui tous les intervenants de l'industrie du taxi et de la Ville, soit plus de 28 personnes. «La problématique est beaucoup plus large que Uber, cette situation pourrait être une opportunité pour discuter. L'industrie du taxi a des questions à se poser. Il y a une réflexion sur la modernisation des services» a-t-il souligné.

Les clients des taxis ont manifesté clairement leur insatisfaction à l'endroit de l'industrie du taxi, le débat autour d'Uber X peut «se transformer en opportunité» selon lui.

- Avec Denis Lessard à Québec