«J'ai de la difficulté à trouver les mots pour exprimer cette étrange émotion que je ressens, entre le sentiment d'avoir perdu quelqu'un et celui de fierté», a écrit Marc Melanson, un des meilleurs amis d'Andrew Doiron, le soldat canadien qui est mort vendredi dans un échange de «tirs amis» en Irak.

Son amie d'enfance Stéphanie a également été déchirée par ces deux émotions lorsqu'elle a appris la nouvelle. «J'étais envahie d'émotions de tristesse, mais j'avais également un sentiment de fierté pour ce qu'Andrew représentait comme personne et comme soldat canadien», a-t-elle indiqué à La Presse dans un échange sur Facebook.

Le jeune homme originaire de Moncton au Nouveau-Brunswick faisait partie des 69 membres des Forces d'opérations spéciales envoyées en Irak l'automne dernier dans le but de fournir de la formation, de l'assistance et des conseils tactiques aux forces de sécurité irakiennes et kurdes.

«Notre fils a tout donné et avec sa perte, nous avons tout donné à notre tour», ont fait savoir les parents du soldat dans une déclaration diffusée par les Forces canadiennes.

«[Andrew] était passionné par sa mission comme soldat, il était très fier et patriotique», souligne Stéphanie.

«Ses yeux s'illuminaient chaque fois qu'il parlait [de son métier]. Il parlait du lien quasi fraternel qui l'unissait à ses pairs et à quel point il était dans son élément lorsqu'il était avec eux», poursuit Marc Melanson dans une lettre que nous a fait suivre son amie Stéphanie.

Circonstances nébuleuses

Même si le gouvernement Harper avait assuré que les 69 soldats ne seraient pas impliqués dans des combats au sol, les militaires se trouvaient à 200 mètres de la ligne de front lorsque l'événement est survenu, a confirmé hier le ministre de la Défense, Jason Kenney.

Les circonstances de la mort du sergent Doiron demeurent nébuleuses. Au cours du week-end, le haut commandement des troupes kurdes qui ont tiré par erreur sur les militaires canadiens a rejeté la faute sur ces derniers. Trois autres soldats canadiens ont été blessés.

Le porte-parole des troupes kurdes Halgurd Hekmat a expliqué en entrevue avec l'Associated Press qu'un groupe de soldats canadiens s'était présenté sans les avertir dans le village de Bashik, au nord de Mossoul, où des combats intenses faisaient rage entre les Kurdes et le groupe armé État islamique. Il a affirmé que les soldats canadiens avaient répondu en arabe lorsqu'on leur avait demandé de s'identifier, ce qui avait provoqué les tirs des Kurdes.

M. Hekmat ne comprend pas pourquoi ils se sont rendus sur la ligne de front, parlant d'une décision «illogique et inappropriée». Le porte-parole a conclu que les Canadiens étaient à blâmer dans cet événement.

Le ministre de la Défense Jason Kenney a réagi hier en soutenant que les médias émettaient des «hypothèses sur des rapports non confirmés de représentants kurdes», a-t-il expliqué dans un courriel envoyé à La Presse.

«Nos soldats ont agi de façon professionnelle et responsable. Nous attendons les conclusions des enquêtes avant de formuler d'autres commentaires», a-t-il réitéré.

Le lieutenant-colonel à la retraite et professeur associé à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke Rémy Landry se dit surpris, pour sa part, de la rapidité avec laquelle les Kurdes ont rejeté la faute sur les Canadiens. «Ça laisse entendre qu'il y a peut-être des différends entre les Canadiens et les Kurdes, explique-t-il. Il semble aussi que chaque partie fera enquête de son côté, je me serais attendu à ce qu'il y ait collaboration.» Cela laisse penser, selon lui, que l'entente de collaboration génère quelques insatisfactions.

La mission canadienne en Irak doit prendre fin le 7 avril. Le gouvernement refuse toujours de dire si elle sera prolongée. Si cela doit être le cas, M. Landry estime qu'il sera alors impératif de clarifier la question de la collaboration parmi les forces en présence.

Le ministre Kenney attend toujours certaines confirmations avant de révéler des détails concernant le rapatriement du corps du soldat auprès de ses proches qui l'attendent.