Certains stéréotypes planent au-dessus de la communauté italienne montréalaise. Avec la contribution du spécialiste de l'immigration Bruno Ramirez, auteur de l'ouvrage Les premiers Italiens à Montréal, rétablissons les faits ou confirmons les clichés.

Les lions devant la maison

C'est un peu vrai. Mais pas seulement chez les Italiens. «On voit ça surtout chez les gens d'origine modeste, qui ont eu un certain succès économique et réussi à devenir propriétaires. Mais ce phénomène qui a été traité par les anthropologues existe dans plusieurs pays», indique Bruno Ramirez.

Ils sont tous liés à la mafia

Évidemment, non. «C'est un stéréotype puissant, qui a été alimenté par des séries comme Omertà, parce que c'est un sujet très rentable. Et cette idée existe même chez des gens très éduqués. Lorsque, dans mon milieu universitaire, je dis que j'ai grandi en Sicile, des gens très sophistiqués se permettent des commentaires du genre: «Héhé, tu connais la mafia.» »

Ils sont des Tanguy attachés à leur famiglia

«La famille reste primordiale, en matière de liens, de solidarité, mais aussi de conflits», confirme Bruno Ramirez. Il ajoute que si certains osent déroger à la coutume et voler de leurs propres ailes, le prix à payer peut être très élevé. «Dans tous les cas, la famille reste incontournable.» Cela dit, le patriarcat comme système de valeurs reste très fort. «Les rôles traditionnels marquent les rapports hommes-femmes et le partage des tâches domestiques.»

La brique blanche et les fontaines à Saint-Léonard

Avec de 30 à 40% de sa population constituée d'Italo-Montréalais, Saint-Léonard demeure le pilier de la communauté. Comment expliquer l'architecture kitsch qui prédomine? «Au début des années 60, on a conçu ces maisons de ville en fonction de la culture paysanne des habitants. Pour favoriser la production du vin et de charcuteries à la maison, les designers ont conçu des maisons pourvues de sous-sols frais. Le rez-de-chaussée, avec la belle salle à manger et le salon, est une vitrine pour les invités du dimanche. Et les Italiens louent l'appartement à l'étage.»

Ils sont anglophones et votent libéral

Voilà une question compliquée, avertit Bruno Ramirez. Si la première vague d'immigration a penché vers la francophonie, les Italiens de la seconde vague, arrivés avec la Seconde Guerre mondiale, se sont mis à l'anglais. Pourquoi? «Les Italiens qui ont immigré à cette époque ont bénéficié de la politique fédérale de parrainage. En guise de reconnaissance, ils ont opté pour l'anglais et se sont mis à appuyer le Parti libéral.» Considéré comme la langue de la réussite dans les années 50 et 60, l'anglais a continué dans les décennies subséquentes à gagner du terrain. De sorte que dans les années 70, les Québécois d'origine italienne ont été réfractaires à l'adoption de la loi 101, qui obligeait leurs enfants à fréquenter l'école en français. «Ils ont perçu le projet indépendantiste comme hyper francophone, cela a créé des tensions», souligne Bruno Ramirez, qui ajoute que, plus tard, les Italo-Montréalais ont admis et accepté qu'il fallait reconnaître la primauté du français. Résultat: 92% des Italo-Montréalais parlent le français. Ce chiffre diminue à 75% pour les Italiens parlant l'anglais.