Un nouveau poulailler urbain, conçu par la firme Alto Design pour l'entreprise Poc Poc, a été présenté cette semaine dans la cour d'un duplex montréalais. Alors que Toronto vient de donner l'aval à un projet-pilote d'élevage de poules pondeuses dans certains quartiers jusqu'en 2021, la recherche de solutions pour bien faire cohabiter cocottes et citoyens va rondement.

Besoin de poulaillers urbains

Apiculteur, Alexandre McLean s'est fait connaître avec son entreprise de ruches urbaines Alvéole. Après avoir constaté qu'aucun poulailler ne convenait aux gens qui voulaient garder des poules en ville, il a fondé l'entreprise Poc Poc, avec son ami Étienne Lapierre. Une cinquantaine d'exemplaires de la première version de leurs poulaillers clés en main - offerts avec poules vaccinées et nourriture - ont été vendus l'an dernier. Des 50 clients, «48 reviennent cette année», précise Alex McLean.

Unifamiliale design

Cette année, le poulailler Poc Poc est proposé en version améliorée. Joli, il est composé de matériaux durables (acier galvanisé, peinture antirouille et PVC extrudé) qui permettent de le nettoyer aisément, même à la laveuse à pression. Isolé, il est habitable par les pondeuses hiver comme été. Durant le jour, les cocottes ont accès à une aire grillagée pour se promener à l'abri des ratons laveurs. Le soir venu, elles peuvent regagner leurs quartiers et pondre tranquilles. Le prix de cette unifamiliale pour poules, qui occupe 2,1 m sur 0,9 m? Environ 1200 $, ce qui comprend aussi deux volailles, la nourriture et la litière, fournis aux acheteurs de Montréal, Québec et Toronto. Le but n'est pas d'avoir une douzaine d'oeufs à bas prix - pour cela, il vaut mieux ne pas se casser le coco et aller au supermarché. Ailleurs au Canada, il est possible d'acheter le poulailler seul, livré en kit. Pour 35 $, on peut plus simplement contribuer au don d'un poulailler à une école.

Témoignages

Ély Charbonneau-Alain, 6 ans, est heureux de côtoyer des poules en ville. «Je les aime parce qu'elles sont gentilles», témoigne-t-il. Le garçon apprécie aussi les omelettes préparées avec leurs oeufs frais - les poules en pondent un par jour. C'est sa voisine, Claudine Trudel, qui garde dans sa cour un poulailler Poc Poc, dont s'occupent ensemble cinq familles de l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie. «Ça met de la vie, ça rapproche de la nature et c'est relativement simple», dit Mme Trudel, qui entame sa deuxième saison d'éleveuse de poules. L'automne dernier, le groupe a retourné ses poules à la ferme, le poulailler n'étant pas isolé. Les pondeuses peuvent vivre de 10 à 15 ans, alors qu'elles cessent de pondre au plus tard à 3 ans, ce qui pousse à faire des choix déchirants - les garder comme animal de compagnie ou les arroser de sauce.

Permis où?

À Montréal, «la poule ne fait pas partie d'une des espèces d'animaux permises sur le territoire», indique Gunzalo Nunez, relationniste à la Ville de Montréal. Seules exceptions chez les particuliers: Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, à condition d'avoir un terrain de 3000 m2, et Rosemont-La Petite-Patrie, où un projet-pilote est toujours en cours. D'autres municipalités les autorisent à certaines conditions, dont Chambly, Drummondville, Gatineau, Toronto, etc. Bien des poules vivent toutefois ailleurs, dans l'illégalité relative. «Beaucoup de gens ont des poules à Montréal et à Laval, indique Jean-Philippe Vermette, directeur de l'intervention et des politiques publiques de AU/LAB, le Laboratoire d'agriculture urbaine de l'UQAM. La tendance lourde des autorités municipales, c'est de tolérer la pratique, tant qu'il n'y a pas de plaintes.»

Étude en cours

Pour mieux prévoir la suite, AU/LAB mène depuis l'an dernier une étude sur le projet-pilote de Rosemont-La Petite-Patrie. «Quand des gens nous disent qu'ils aimeraient avoir des poules, on leur demande beaucoup d'informations, explique M. Vermette. D'où viendront les poules? Quelle moulée auront-elles? Comment en prendront-ils soin? Sont-ils conscients qu'une poule, il faut s'en occuper tout le temps? S'ils partent en voyage, qu'est-ce qui est prévu? Ce n'est pas dissuasif, mais c'est engageant comme processus.» Au terme de la première année, M. Vermette constate «qu'il y a beaucoup d'éducation à faire sur un animal qui est vu, dans l'imaginaire collectif, comme merveilleux». Oui, «la poule est merveilleuse, mais elle a ses comportements et particularités, souligne-t-il. Il faut en tenir compte quand on fait des projets.» C'est en février 2019 que le laboratoire présentera ses recommandations à l'arrondissement de Rosemont-La Petite-Patrie et à la Ville-Centre, qui décideront ensuite du sort des poules montréalaises.

Abandons

Avec la popularité grandissante des poules, la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA) a dit cette semaine craindre une hausse des mauvais traitements. Depuis un an, une trentaine de volailles abandonnées, dont 10 coqs, ont été recensés par l'organisme. «On est 100 % d'accord avec la SPCA, il faut respecter les animaux», dit Alex MacLean, qui rappelle que des milliers d'animaux de toutes espèces sont abandonnés chaque année. La réglementation de Rosemont-La Petite-Patrie prévoit d'ailleurs que «les poules doivent avoir accès à une quantité suffisante d'eau, de nourriture, un abri adéquat, une ventilation, un éclairage et un chauffage adéquat ainsi que des soins vétérinaires en cas de maladie».

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Alexandre MacLean, cofondateur de Poc Poc