Et si le bonheur était un nuage en forme d'éléphant, un nez de clown ou un dernier biscuit, caché là, tout au fond de la boîte ? Et si, comme les enfants, nous étions capables, nous aussi, de nous réjouir de ces petites choses toutes simples du quotidien? Parce que non, le bonheur n'est pas forcément bien loin. Il suffit parfois d'ouvrir ses yeux... d'enfant.

Retrouver ses yeux d'enfant

L'histoire se passe il y a quelques années. Allen Klein rédigeait - ou plutôt tentait de rédiger - un livre sur l'humour. En vain. Sa fille, alors adolescente, n'arrêtait pas de le déranger. Papa par-ci, papa par-là, vous voyez le portrait.

Exaspéré, le père et auteur new-yorkais a alors carrément accroché une pancarte à sa porte: «Interdiction de déranger (sauf en cas d'urgence)». Vous devinez la suite? Elle a cogné encore...

«J'étais furieux, raconte-t-il au bout du fil. Quelle peut bien être l'urgence?», lui a-t-il demandé. Espiègle, le sourire en coin, elle lui a répondu: «Je t'aime!»

«J'étais là, en train d'écrire un livre sur l'humour, et ma fille me faisait réaliser que j'étais devenu beaucoup trop sérieux...», se souvient Allen Klein, auteur et motivateur.

C'est précisément cet échange qui a amené Allen Klein, auteur, conférencier et motivateur, pionnier dans le monde de la thérapie par l'humour (à qui l'on doit The Healing Power of Humor, Humor in the Workplace, etc.), à écrire un livre sur l'art de voir la vie avec des yeux d'enfant.

Dans Secrets Kids Know That Adults Oughta Learn, l'auteur cite tantôt Proust, tantôt les Teletubbies (!), en passant par des psychologues, des chercheurs ou - pourquoi pas - des pasteurs, afin de répertorier pas moins de 18 «secrets» d'enfants à adopter, histoire d'égayer enfin nos vies. De l'importance de s'émerveiller à l'art de dire la vérité, en passant par la créativité, la prise de risques, le plaisir de jouer, l'optimisme et le pardon, il analyse ainsi tous ces penchants, théoriquement «enfantins», mais porteurs de tant de petits bonheurs au quotidien.

Retrouver l'enfant en soi

«En grandissant, on se fait tous dire qu'il faut se calmer, se caser, être raisonnables, explique celui qui s'est autoproclamé jovialistologiste (jollytologist, en anglais). Alors on devient tous des adultes sérieux et on perd le côté franc, têtu, audacieux, je vis dans le moment présent des enfants.»

À la question «est-ce vraiment si simple?», l'auteur n'hésite pas une seconde: «mais oui!»

«Peut-être que ça a l'air fou comme ça, mais qu'est-ce que ça vous coûte d'essayer?.

Julie Bazinet est conseillère pédagogique et auteure d'un livre sur l'éducation par la psychologie positive. Elle voit dans les suggestions ici mises de l'avant beaucoup de parallèles avec la psychologie positive, justement. Ainsi, les 18 «secrets» ne sont pas sans rappeler les fameuses «forces de caractère» à l'origine d'une vie heureuse, telles que définies par Christopher Peterson et Martin E. P. Seligman, les pères de la psychologie positive.

«Et c'est tout à fait judicieux de vouloir retrouver ça», croit-elle, ce «carburant naturel» qu'on peut avoir enfant (la créativité, la curiosité, l'ouverture d'esprit, l'intégrité, la bonne vitalité), mais qu'on perd malheureusement en grandissant.

Attention, souligne-t-elle, la psychologie positive ne vise pas ici à atteindre le bonheur avec un grand B, mais plutôt un certain «bien-être au quotidien». L'idée repose plutôt sur la philosophie suivante: «Tous les jours, on se fait du bien», résume-t-elle.

Pas forcément heureux, les enfants?

Invitée à commenter les suggestions, l'auteure et scénariste de La dictature du bonheur, Marie-Claude Élie-Morin, voit tout de même ici une énième «ressource» («après les moines bouddhistes et le bonheur à la suédoise», ironise-t-elle) vers le chemin du bonheur. «Les enfants ont des journées bien différentes des nôtres, fait-elle valoir. Passer une journée à jouer, c'est très différent de passer une journée dans un bureau...»

S'il est vrai qu'on a certainement beaucoup à tirer des bienfaits de la créativité, du dessin ou de la pâte à modeler, sans oublier de la douceur de la fantaisie, il ne faut pas non plus oublier que tous les enfants ne sont pas forcément heureux, dans le meilleur des mondes, poursuit-elle.

«Il faut relativiser. Oui, les enfants paraissent plus heureux, mais ils vivent aussi toutes sortes de stress et d'anxiété», explique Marie-Claude Élie-Morin, auteure de La dictature du bonheur.

Citant les chiffres du Center for Disease Control and Prevention, elle rappelle que 20 % des jeunes Américains de 3 à 17 ans souffrent aussi d'angoisse, de dépression ou de troubles de l'attention. «Alors ça n'est pas vrai que tous les enfants sont parfaitement heureux et légers.»

Léger, et après?

Parlant de légèreté, Allen Klein ne craint-il pas de paraître un brin léger, justement, en suggérant à tous de renouer avec leur côté enfantin pour prendre la vie du bon pied? «Il faut s'égayer un peu. La vie est si lourde, ces jours-ci, et on se fait rattraper par cette lourdeur. Ça prend un contrepoids», rétorque l'inébranlable jovialiste.

Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas prendre la vie au sérieux, nuance-t-il. «Oui, il faut prendre le monde au sérieux, il faut prendre son travail au sérieux. Mais nous? Mieux vaut ne pas trop se prendre au sérieux...» Et surtout s'entourer de gens comme ça. Parce que la joie de vivre, c'est contagieux.

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Secrets Kids Know That Adults Oughta Learn, Enrich Your Life by Viewing It Through the Eyes of a Child. Allen Klein. Viva Editions. 260 pages.

Illustration La Presse

Huit trucs pour retrouver l'enfant en soi

Parce qu'on prend nos vies souvent très au sérieux, en suivant notre petit bonhomme de chemin, sans jamais oser sortir du cadre, on a peut-être tous tendance à voir la vie un peu en gris. Le jovialiste Allen Klein propose huit trucs pour voir sinon la vie en rose, du moins avec les yeux d'un enfant. Et, qui sait, peut-être y mettre un peu d'ensoleillement. Ou pas...

Soyez gentil

Gentils? «Et puis faites preuve de compassion, soyez doux», ajoute l'auteur, qui n'est pas à court de mots pour décrire (et célébrer) cette attitude spontanée qu'ont les enfants à aimer, se fâcher parfois, puis pardonner spontanément. Un jouet volé et le copain n'est «plus mon ami». Un jouet rendu et c'est de nouveau le «meilleur ami du monde». «Les enfants ont ce don de se réconcilier en un clin d'oeil, et c'est une grande leçon qu'on devrait ici tirer», croit-il. Pourquoi? Mais parce que traîner de la rancoeur pendant des heures (des jours, des années) n'a jamais rendu personne heureux, fait valoir l'expert en thérapie par l'humour.

Soyez créatif

Par «créatif», l'auteur ne parle pas seulement ici de retrouver le plaisir de dessiner, de danser ou de chanter (quoique c'est aussi recommandé), mais plus globalement de voir la vie d'un regard différent. Vous stressez à l'idée d'arriver en retard au boulot? «Abordez le problème comme un enfant, suggère-t-il. L'enfant ne prendrait probablement pas ça terriblement au sérieux. Il trouverait une excuse extravagante à son retard: il fallait nourrir le canard, qui ne voulait pas déjeuner, le canard étant en peluche, etc.» L'idée n'est pas de vous justifier formellement ainsi, mais seulement de trouver un moyen de vous faire retrouver le sourire. «Et de réduire votre stress.»

Soyez optimiste

Pour un enfant, «sky is the limit», comme on dit. Demandez-leur ce qu'ils veulent faire plus tard, ils vous diront qu'ils veulent être des «clowns danseurs et docteurs qui conduisent des bulldozers!», rit Allen Klein, qui a déjà reçu cette originale réponse. «Mais la vie est pleine de possibilités, et c'est une leçon importante à retenir, poursuit-il. On ne se rend souvent pas compte de toutes nos options, on se limite, et on ne voit que le négatif. Mais il faut être optimiste comme les enfants», poursuit celui qui a trop entendu des «je ne peux pas», «je n'y arriverai jamais», et autre «c'est impossible», à qui on a longtemps dit qu'aucun éditeur n'accepterait de le publier. Ses livres sont aujourd'hui des best-sellers.

Retrouvez votre esprit neuf

Les enfants ont des esprits neufs de débutants. C'est souvent grâce à cela qu'ils voient la vie avec un regard frais. Vous souvenez-vous de la dernière fois où vous vous êtes émerveillé devant les veines d'une feuille, la couleur de l'intérieur de sa tige ou la petite bête cachée juste là, derrière? L'habitude, la routine, le train-train nous font souvent perdre cette capacité d'émerveillement. «Êtes-vous vraiment obligé de prendre toujours le même chemin pour aller travailler, demande Allen Klein. Et si vous observiez pour une fois ce joli banc, cette belle lumière, bref, si vous regardiez le monde avec un regard neuf?»

Osez

On sort? On va voir les étoiles? Écouter la pluie? Voir des amis? Posez la question à des jeunes enfants et ils vous diront tout simplement «oui!», note l'auteur et motivateur de profession. Mais les adultes, eux, sont souvent trop fatigués, ennuyés, blasés. Mais il faut se bouger, enchaîne-t-il. «Sortez voir cette exposition, illustre-t-il. Même si vous n'aimez pas l'artiste, dites oui, vous ne savez jamais ce qui peut vous arriver.» Alors qu'en refusant de bouger, rien ne vous arrivera. «Et vous vous limitez.» S'il n'avait jamais envoyé de manuscrit, jamais il n'aurait effectivement été publié. Parfois, il suffit de demander. Encore faut-il oser.

Rêvassez

Tout un chapitre de son livre est consacré à l'importance non pas de rêver, mais bien de rêvasser, l'art de laisser son esprit vagabonder, laisser aller librement son imagination, sans apparente intention. Les enfants sont souvent des champions en la matière, avec des rêveries qui impliquent tantôt des ballerines, des vaisseaux spatiaux, ou des superhéros. Pourquoi est-ce important? «Tous mes livres sont nés parce que je rêvassais. Tout commence par une rêverie. Si vous n'aviez pas rêvassé, nous ne serions pas en train d'avoir cette conversation!», rit l'auteur, en insistant sur le pouvoir créatif de l'imagination.

Vivez l'instant

On le sait, les enfants ont du mal avec demain, hier, avant, ou après. Ils sont ici, maintenant. À l'inverse, les adultes ont du mal avec le présent, et courent après l'avenir, ou alors s'ennuient du passé. D'après certaines recherches, nous ne sommes que 50 % du temps dans l'instant présent. «Or si vous attendez ce que vous n'avez pas encore, vous gaspillez ce que vous avez», se plaît à dire Allen Klein.

Relaxez

Vous vous souvenez des joies de la récréation? De la pause? De la sieste? Léonard de Vinci, Brahms, Napoléon, Churchill, Kennedy étaient apparemment tous de grands adeptes de la sieste. De plus en plus d'entreprises ont d'ailleurs compris ses vertus, à commencer par Google et PricewaterhouseCoopers, avance l'auteur. Parce qu'on a tous besoin d'une pause pour s'énergiser, à un moment de la journée. Alors pourquoi pas vous?

Illustration La Presse