À l'instar de plusieurs stars américaines, comme Gwyneth Paltrow et Reese Witherspoon, un nombre grandissant de vedettes d'ici prennent d'assaut le web pour y faire partager des moments de vie, des opinions ou des coups de coeur. Qu'ont-elles toutes à vouloir s'improviser blogueuses et blogueurs ? Pause s'est penché sur la tendance.

Le pouvoir du numérique

L'actrice Jacynthe René et la chanteuse Marilou ont vu leur carrière prendre un tout autre virage grâce au web. Ces derniers mois, Julie Bélanger, Isabelle Racicot et Jean-Michel Dufaux se sont aventurés à leur tour sur un territoire déjà bien occupé par des quidams. Le « style de vie » inspire visiblement nos vedettes, qui ont trouvé dans le web le parfait outil de diffusion pour leurs idées et projets parallèles.

Les stars américaines exploitent ce filon depuis quelques années. Dans la lignée d'Oprah, plusieurs grands noms du showbiz américain s'improvisent rédacteurs en chef ou blogueurs sur des plateformes devenues lucratives : Zooey Deschanel (Hello Giggles), Reese Witherspoon (Draper James) et Jay Z (Life + Times), pour ne nommer qu'eux.

Pour Goop, le site de Gwyneth Paltrow, les présentations ne sont plus à faire. Il est indiscutablement l'un des plus grands succès du genre et un pionnier. Depuis sa création en 2008, il est devenu une référence en matière de mieux-être et une plateforme de commerce électronique où s'affichent de grands noms du design aux côtés du label maison.

Mais le Québec compte aussi ses histoires à succès, plus modestes, certes, mais tout aussi impressionnantes, si l'on tient compte du bassin de population. Le numérique a le pouvoir d'ouvrir des portes, comme l'illustre le virage pris par la chanteuse Marilou (Trois fois par jour), plus connue aujourd'hui pour ses exploits culinaires que pour ses chansons.

Un élan du coeur, doublé d'ambition

Celle qu'on a découverte dans des séries télévisées, avant qu'elle se convertisse à un style de vie naturel, a touché des cordes sensibles avec un blogue qui l'a reconduite à l'avant-scène. Jacynthe René, qui est toutefois loin de faire l'unanimité, l'avoue sans détour : elle était « has been » avant de plonger dans cette aventure il y a trois ans.

« Puis, la communauté s'est agrandie, et des experts ont voulu s'associer au projet. C'est là que j'ai réalisé toute la résonance que pouvait avoir le numérique », ajoute-t-elle.

De son blogue, Jmagazine, ont découlé plusieurs projets : une émission de télévision, des livres, des soins du visage et du corps, un institut de beauté et un tout nouveau bookzine, lancé ce mois-ci.

« Je ne suis pas une femme d'affaires, mais une femme d'instinct, se défend-elle, toutefois. Oui, j'y vois un potentiel, mais je finance toutes les opérations, et l'entreprise commence tout juste à être rentable. Si j'ai persisté, c'est parce que j'y crois ! »

Un projet personnel

C'est par désir de communiquer une passion qu'on se lance dans une telle aventure, affirment les personnalités sondées : le voyage pour Jean-Michel Dufaux, l'écriture pour Mitsou, le magasinage pour Isabelle Racicot. Dans le cas de Julie Bélanger, qui ajoutait la section « être bien » à son site professionnel en mars dernier, la motivation est venue d'une envie de transmettre le fruit d'un travail sur soi, amorcé il y a plusieurs années à la suite d'une dépression.

« Tant mieux si on peut profiter d'une certaine notoriété pour faire quelque chose de bien, estime l'animatrice. Quand je parle de quelque chose en ondes, c'est parce que je trouve que ça vaut la peine d'être connu ou que ç'a fonctionné dans ma vie. C'est le même enlignement sur le web. »

Il n'est pas défendu d'y voir des débouchés à plus long terme, toutefois. « Pour l'instant, c'est moi qui sors les sous de ma poche. On va voir quelle tournure ça prendra, avance prudemment Julie Bélanger. Mais j'aimerais éventuellement que le site puisse se rentabiliser pour payer les collaborateurs, du moins. »

Picoum, le site transactionnel lancé par l'animatrice Isabelle Racicot, débarque, quant à lui, avec un mode de financement déjà établi qui passe par la vente de vêtements et accessoires. « C'est clairement une business, avoue l'animatrice. Ça faisait longtemps que je voulais me lancer en affaires. J'ai trouvé, dans le web, un projet qui me ressemble. »

Jean-Michel Dufaux, qui démarrait le blogue de voyage Siège Hublot en avril, ne cache pas non plus ses ambitions. « Ça part d'une intention très sincère, mais je souhaite aussi établir une marque rentable, dit-il. Je pense qu'il y a moyen de bien faire ça, en toute transparence. »

Faire sa place

Il y a plusieurs volets à cette tendance, analyse Jean Gosselin, stratège en communication et spécialiste en gestion de l'image. Que la stratégie se développe en cours de route ou dès le départ, il ne fait aucun doute que les possibilités sont nombreuses.

« En générant du contenu web, les personnalités ont un meilleur contrôle sur l'information qui circule à leur sujet, soutient le stratège. Comme leur visibilité est souvent cyclique, elles peuvent aussi maintenir un contact avec leur public sans avoir à assurer une présence dans tous les médias. »

En prime, lorsque les choses sont bien faites, la possibilité d'aller chercher un revenu supplémentaire par le biais de la publicité, de commandites ou de vente de produits est là.

Au Québec, Mitsou est l'une des premières personnalités à s'être lancées dans le numérique, au début des années 2000, pour assouvir un besoin d'écrire. Par la bande, cette plateforme lui permet de s'approprier son propre message et lui offre une vitrine pour ses autres réalisations.

La prochaine étape sera de rentabiliser ce site qui embauche présentement des correcteurs, un conseiller et des collaborateurs. « Je finance ce projet de ma poche depuis 15 ans. Je veux trouver un modèle qui me convienne, mais c'est difficile de faire de l'argent avec un blogue : le web, c'est le Far West ! »

Et pour réussir au Far West, la clé est d'envisager l'aventure avec un véritable plan d'affaires, selon Jean Gosselin.

Un désir d'autonomie

L'internet permet une liberté que les médias de masse ne peuvent offrir, avouent les personnalités sondées. « En télé, on est la saveur du mois. Ou pas... Ce site, c'est ma petite entreprise et une activité complémentaire à d'autres projets. Ça me permet de faire les choses à ma façon », évalue Jean-Michel Dufaux, tout en admettant n'avoir jamais travaillé autant pour si peu d'argent.

L'entreprise camoufle-t-elle un désir de prendre un virage sur le plan professionnel ? « J'aurais pu m'ouvrir un café, répond Isabelle Racicot, mais je me suis lancée dans le web. Pour moi, c'est une entreprise parallèle. Je n'y fais pas la promotion de mon émission de radio, mais est-ce que les deux peuvent se parler ? Absolument ! L'un nourrit l'autre. »

Elle émet une autre hypothèse pour expliquer le phénomène. « Les milieux de la radio et de la télévision ont beaucoup changé durant les dernières années. Nécessairement, ça pousse à se questionner. Je pense qu'il faut regarder en avant. » Et l'avenir, estime-t-elle, est sur le web, un média qui sied aux vedettes comme un gant !

La célébrité, une arme à double tranchant

Dans un jeu de séduction pour attirer le financement, les personnalités connues ont clairement une longueur d'avance sur de parfaits inconnus. Mais l'entreprise comprend aussi certains risques.

« Le revenu vient avec le flux de visiteurs et le fait que le contenu soit relayé d'un utilisateur à un autre », explique Benoit Cordelier, professeur au département de communication sociale et publique de l'UQAM. Or, les abonnés auront plus de chance de faire circuler une information si sa source est connue. « On fait davantage confiance aux gens qui ont une notoriété et à qui on reconnaît une certaine expertise. Ce sont des leaders d'opinion. »

Un message porté par une vedette aura, par conséquent, une portée plus intéressante pour une marque qui souhaite investir dans le web. « Ce n'est plus nécessairement la quantité d'abonnés qui compte aujourd'hui, mais leur qualité. L'annonceur cherche une paire d'yeux », estime également le stratège en communication Jean Gosselin.

Il faut toutefois nourrir la bête. On ne peut plus se contenter de vendre ou d'archiver : l'utilisateur réclame de l'information. « Ça accompagne une pression de produire, avoue Mitsou.

Dans un univers compétitif, les blogueurs ont également la responsabilité de livrer un contenu de qualité, et c'est d'autant plus vrai lorsque leur réputation en dépend. Une vedette prête doublement le flanc à la critique. « Il y a une promesse qui accompagne le fait d'être connu. Le contenu doit être à la hauteur, parce que le numérique ne pardonne pas. Ce qui y est mis y restera », soutient M. Gosselin.

Cet engagement n'est pas pris à la légère par les blogueurs sondés. « Je suis celle qui prend les décisions et qui a le droit de regard sur tout ce qui se fait sur le site, précise Julie Bélanger. Il faut que ça me ressemble parce que ça porte mon nom. J'ai vraiment une vision bien claire de ce que je veux que ça donne. »

La célébrité donne-t-elle, pour autant, une autorité pour faire des recommandations et prodiguer des conseils ? Les vedettes du web s'en défendent en invoquant un point de vue bien personnel.

« Je ne me positionne vraiment pas comme une experte en psychologie ou comme quelqu'un qui a tout compris, précise Julie Bélanger. Le rôle d'expert, je le laisse aux vrais experts ! J'ai essayé un paquet d'affaires, j'ai consulté plein de gens, et mon but est très humble : j'essaie de redonner ce que j'ai retenu à travers mes différentes démarches. Et tant mieux si ça peut apporter du bonheur ou une piste de réflexion à quelqu'un d'autre ! »

Six adresses d'ici

Marilou

troisfoisparjour.com

Dans un univers auquel il est difficile de résister - parce que tout y est beau, tout y semble convivial - , la vedette nous présente des recettes alléchantes qui finiront évidemment sur Pinterest ! On y trouve également du contenu en lien avec le magazine papier de la marque et une boutique en ligne où se procurer les produits dérivés : livres, magazine, accessoires de table, papeterie, vaisselle, etc.

Jean-Michel Dufaux

siegehublot.com

« Je n'ai pas donné mon nom à ce site parce que je ne voulais pas que ce soit moi qui sois mis de l'avant, mais plutôt les destinations », déclare l'animateur globe-trotteur qui sortait son « carnet de voyage » en ligne, en avril. On y trouve évidemment des infos sur les lieux visités - que ce soit au Québec ou à l'étranger - , des suggestions d'hôtels, de cafés, de restos et d'itinéraires, accompagnés, toujours, d'un visuel léché.

Julie Bélanger

juliebelanger.com

À la base, le site regroupe toute l'information sur l'animatrice. S'y ajoute cependant, depuis trois mois, l'onglet « Être bien » qui fait place aux confidences et regroupe des conseils et ressources. « Ça faisait longtemps que je voulais créer un espace consacré à la psychologie, note-t-elle. Je le vois un peu comme un coffre à outils pour être bien dans sa vie. » L'animatrice s'est ici entourée de quelques collaborateurs, dont la chanteuse Florence K, qui publie un billet par mois.

Mitsou

mitsou.com

L'animatrice et femme d'affaires présente un contenu de style lifestyle dans l'esprit du magazine féminin : style, beauté, section Vivre (qui regroupe les sujets famille, voyage, santé, spiritualité, couple), et Culturel (suggestions de lecture, musique, ciné, restos et spectacles qui valent le détour).

Isabelle Racicot

picoum.com

En bonne « accro du magasinage », Isabelle Racicot a rassemblé au même endroit ses coups de coeur, qu'on peut se procurer directement sur la plateforme. Picoum est avant tout un site transactionnel, avec un bonus dont une page foodie et les pensées de l'animatrice. « Sur Picoum, ce sont les objets qui sont mis de l'avant, et comme on veut encourager le commerce local, tous sont canadiens. »

Jacynthe René

jmagazine.ca

Jmagazine est une vitrine sur l'univers « bien-être » de Jacynthe René. Cette dernière y publie ses billets, présente des vidéos sur divers sujets en lien avec un style de vie près de la nature et y vend des produits de soins du visage et du corps, qu'on peut acheter en ligne, tout comme ses livres.