Les femmes n'ont pas besoin des hommes pour défendre leurs droits. Or, il y a des hommes sensibles aux luttes qu'elles mènent et qui sont prêts à se faire entendre. La Presse en présente cinq, à commencer par Martin Bédard, une armoire à glace des Alouettes de Montréal.

L'automne dernier, après avoir longuement écouté les panélistes et d'autres invités du Déjeuner des hommes échanger au sujet de la violence faite aux femmes, Martin Bédard a demandé le micro. « On dit souvent que les joueurs de football sont machos. C'est vrai, a admis le solide gaillard. Moi, je ne me compte pas parmi ceux-là. J'entends souvent des gars parler des femmes avec des mots que je ne répéterai pas ici. Je m'engage toujours à intervenir. »

L'air de rien, l'athlète mettait le doigt sur deux des points essentiels discutés ce matin-là. Intervenants et invités estimaient en effet que les hommes devaient prendre leurs responsabilités dans le combat contre le sexisme et la violence faite aux femmes et ils croyaient - à tort ou à raison - que la parole d'un homme aurait plus d'impact sur un autre homme que celle d'une femme. En quelques phrases, Martin Bédard démontrait qu'il mettait déjà tout ça en pratique. Dans un milieu de gars très gars, en plus...

Sur papier, le jeune homme de 31 ans incarne parfaitement cet homme « allié » de la cause des femmes. Il est sensible aux publicités sexistes, « qui misent sur le corps des femmes pour vendre tout et n'importe quoi ». Ce qu'il juge « ridicule ». Il a été très heureux de l'invitation du Déjeuner des hommes (« ça m'intéressait vraiment beaucoup », dit-il) et a été impressionné par le degré d'engagement des panélistes masculins, parmi lesquels le lieutenant-détective Dominic Monchamp du SPVM et l'avocat Daniel Romano.

Il ne serait toutefois pas le porte-étendard idéal d'une manifestation féministe. Comme d'autres, notamment un certain nombre de jeunes femmes de son âge, il n'est pas à l'aise avec ce mot. « Une femme qui est féministe, quand on la voit à la télévision, on dirait qu'elle est frustrée. Qu'elle veut prendre une revanche, juge-t-il. J'aime mieux utiliser l'égalité des sexes comme combinaison de mots au lieu de parler de féminisme. » Sur le fond, par contre, il ne chipote pas.

Agent de changement

L'égalité est une valeur profondément ancrée en lui parce que, petit, il a été témoin de l'inégalité. Et en a été marqué.

«Ma mère a vécu un peu de violence. Non, on ne peut pas dire un peu de violence. Soit tu en as vécu, soit tu n'en as pas vécu», affirme Martin Bédard.

La violence verbale, comme il le disait à l'automne, le heurte tout aussi profondément. Alors quand un autre gars, l'un de ses coéquipiers par exemple, parle d'une femme en utilisant le mot « bitch », il réagit.

« Ça ne marche pas dans ma tête d'entendre à répétition ces mots-là, d'entendre des hommes qui parlent des femmes comme ça. Je trouve ça rabaissant. Ça n'a pas sa place », tranche-t-il. Le footballeur ne joue pas à « la police de la langue », comme il dit, mais il ne se retient pas pour dire sa façon de penser. Il intervient en faisant preuve d'humour, souvent, « mais les gars voient bien [qu'il est] sérieux.

« La plupart du temps, les gars me disent : "Relaxe !" Non, ça ne me tente pas de relaxer à ce propos-là, soutient-il. Si je ne trouvais pas ça grave, je ne m'apercevrais même pas que ces mots-là sont prononcés. » Est-ce qu'ils le trouvent fatigant ? « Bof, à la limite, s'ils me trouvent fatigant, ça veut dire que ça leur fait quelque chose », répond l'athlète.

Il n'interpelle d'ailleurs pas ses coéquipiers ou ses chums de gars seulement au sujet du langage, il se fait aussi entendre quand il trouve que ses amis fixent exagérément une belle fille qui passe dans un restaurant. « C'est intrusif, je trouve, de se faire fixer comme ça. Il y a des femmes qui adorent ça, pense-t-il, mais je suis pas mal certain que la majorité n'aime pas tellement se faire fixer d'un bout à l'autre d'une pièce. Surtout par plusieurs hommes en même temps, comme si elles étaient une pièce de viande. »

Comme les autres?



Martin Bédard a l'air bien fin, comme ça, mais il est le premier à dire qu'il n'a pas toujours été correct avec les autres. Il a toujours eu une forte stature. Alors, oui, il lui est arrivé d'intimider des camarades d'école au primaire. Au secondaire, il dit avoir plutôt cherché à se servir de son physique pour défendre des gens. Il s'est battu. « Je n'ai pas toujours été un bon gars, admet-il, mais j'ai toujours respecté les femmes.

« Ma mère était une femme très intelligente et très terre à terre. Elle m'a ouvert les yeux assez vite et c'est comme ça que je suis devenu une meilleure personne », juge le jeune homme. Est-ce qu'il se croit différent des gars de son âge ? « J'ose espérer que non ! J'espère que tous les gars et tous les hommes sont de mon avis, sinon l'égalité entre les hommes et les femmes va prendre plus de temps à atteindre que je le pense.

« J'ai l'impression qu'on s'est approché de l'égalité, mais c'est bien connu qu'une femme qui fait le même travail qu'un homme va souvent se faire payer moins cher », rappelle-t-il. Le joueur des Alouettes croit aussi que les décisions de la première femme arbitre à temps plein de la NFL, Sarah Thomas, doivent être analysées « par le stade au complet » au moment où elle les rend parce que c'est une femme. « Si elle est arbitre, c'est parce qu'elle est qualifiée, fait-il valoir. On a progressé, mais on a encore du chemin à faire. »

Dardan Isufi

Impliqué au sein d'Amnistie internationale, Dardan Isufi, 19 ans, ne veut pas s'approprier l'étiquette féministe en tant qu'homme. C'est un sujet délicat dans les milieux militants. « Je me positionne pour les droits de la personne et ceux de tous les genres : femmes, hommes et ceux qui n'entrent pas ces définitions binaires », dit-il. Plus tôt cet hiver, il a participé à un séminaire sur le cybersexisme tenu en Europe, où il a notamment pris conscience que le sexisme en ligne est en progression constante à l'échelle planétaire. L'égalité est une valeur importante pour ce jeune homme aux racines bosniennes et albanaises. « Je suis allé en Albanie, dit-il, et je voyais bien la différence entre les libertés des femmes ici et là-bas. »

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Dardan Isufi

Koriass

« Je suis un Natural Born Féministe », a écrit Koriass dans un texte publié sur le site du magazine Urbania, où il racontait le viol de sa compagne. Il a grandi en écoutant du gangsta rap, a fantasmé sur la porno, a entendu sont lot de blagues douteuses sur les hommes et les femmes, mais il affirme avoir toujours vu les filles comme des égales. Il s'en fout que le terme « féministe » puisse paraître péjoratif et remet les points sur les I en rappelant que le féminisme est un mouvement qui prône l'égalité des sexes. Il assume. Plus encore, il agit : à l'invitation du Conseil du statut de la femme, le rappeur participe ce printemps à une conférence intitulée Sexe, égalité et consentement qui fera une tournée dans les cégeps de la province.

PHOTO IVANOH DEMERS, LA PRESSE

Il assume. Plus encore, il agit : à l'invitation du Conseil du statut de la femme, le rappeur participe ce printemps à une conférence intitulée Sexe, égalité et consentement qui fera une tournée dans les cégeps de la province.

Philippe Tsaronséré Meilleur 

Directeur de Montréal Autochtone

« J'ai une mère, deux soeurs, et je suis Mohawk. Notre culture est matriarcale. Je me considère comme féministe et je lutte pour l'égalité des sexes », expose Philippe Tsaronséré Meilleur, directeur de Montréal Autochtone. Ses valeurs personnelles, il les a mises en action dans des organismes comme Oxfam et Médecins sans frontières avant de prendre la direction du centre d'amitié montréalais. « J'ai toujours travaillé ce volet-là », insiste-t-il. L'appui aux femmes est évidemment un enjeu important actuellement pour Montréal Autochtone, et plus encore après les allégations de violences sexuelles infligées à des femmes autochtones par des policiers de Val-d'Or qui ont fait la manchette l'automne dernier. Philippe Tsaronséré Meilleur porte plusieurs projets pour soutenir les victimes de violence faite aux femmes et la prévenir, dont la mise sur pied d'un centre de santé et de services sociaux où les intervenants porteront une attention particulière aux femmes.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Philippe Tsaronséré Meilleur, directeur de Montréal Autochtone.

Nicolas Lacroix-Pépin

Docteur en médecine moléculaire et accompagnant à la naissance

Il détient un doctorat en médecine moléculaire, mais Nicolas Lacroix-Pépin a décidé de ne pas s'enfermer dans un laboratoire. « J'avais envie d'aider les gens », dit le jeune père de 29 ans. Il a suivi une formation en massothérapie... et en accompagnement à la naissance. « J'ai toujours été intéressé par la périnatalité », dit-il. Sa présence dans un cours prénatal - donné en tandem avec une femme - aide les futurs pères à se sentir plus intégrés, selon lui, bien que cela puisse surprendre au départ. Le nombre d'hommes accompagnants à la naissance au Québec doit en effet se compter sur les doigts d'une seule main. « C'est sûr que c'est un peu déstabilisant. Ça aide à reconsidérer les stéréotypes autour de la périnatalité, pense-t-il. Ça remet en question le cliché du gars qui ne peut rien faire [à l'accouchement ou avec un bébé]. »

PHOTO PATRICE LAROCHE, LE SOLEIL

Nicolas Lacroix-Pépin, docteur en médecine moléculaire et accompagnant à la naissance.