Après 31 ans, l'interdiction faite aux homosexuels américains de donner leur sang pourrait être assouplie. Un comité d'experts indépendants de la FDA, l'Agence américaine des médicaments, doit faire ses recommandations mercredi.

Ces 17 experts convoqués par la Food and Drug Administration ont commencé mardi deux jours de réunion pour entendre une série de présentations scientifiques et de témoignages des parties concernées.

Ils voteront mercredi sur notamment la question d'assouplir ou non cette interdiction, contre laquelle un nombre grandissant de voix s'élèvent dans les milieux médicaux, les groupes gais et au sein du Congrès, qui la jugent discriminatoire.

Les opposants à cette interdiction font valoir que les connaissances scientifiques et médicales actuelles ne justifient plus une mesure aussi extrême, qui date d'une époque où l'épidémie de sida faisait rage et où la médecine en savait très peu sur le virus de l'immunodéficience humaine (VIH).

Un comité consultatif du ministère de la Santé a recommandé à la mi-novembre, et ce pour la première fois, que cette interdiction soit remplacée par une disposition selon laquelle un homosexuel pourrait donner son sang à condition qu'il n'ait pas eu de relation sexuelle avec un autre homme pendant au moins un an.

Sarah Warbelow, une représentante de Human Rights Campaign, un groupe de défense des lesbiennes et des homosexuels, a estimé mardi devant la FDA que l'interdiction de 1983 «est dépassée et ne reflète plus un bon jugement scientifique, ce qui est préjudiciable à la communauté homosexuelle en stigmatisant HIV».

Tout en jugeant positif l'assouplissement proposé par le ministère de la Santé, Sara Warbelow estime que cela ne va pas assez loin. Elle propose que la disposition s'applique à tous ceux qui ont des relations risquées, par exemple «des hommes qui payent des prostituées».

Les États-Unis en retard

D'autres intervenants mardi ont pressé les experts de la FDA de maintenir l'interdiction actuelle, car tout assouplissement pourrait accroître, selon eux, le risque d'infection du sang donné par le VIH.

«Je vous demande avec insistance de rejeter tout changement», a lancé Peter Sprigg, un responsable de l'organisation conservatrice Family Research Council.

«À moins qu'on prouve scientifiquement qu'un assouplissement de la politique actuelle en matière de dons de sang n'entraînera aucun risque, il ne faut pas modifier la politique actuelle, car même un léger accroissement du risque est inacceptable», a-t-il martelé.

La FDA prendra en compte dans sa décision finale les recommandations du ministère de la Santé, mais également celles de ses experts mercredi, dont elle suit les avis le plus souvent.

Le Dr Glenn Cohen, professeur de droit à l'université de Harvard a récemment estimé dans un éditorial du Journal of the American Medical Association que les États-Unis étaient en retard sur cette question par rapport à beaucoup d'autres pays, qui ont déjà abandonné l'interdiction aux homosexuels de donner leur sang. Il citait notamment l'Australie, le Japon ou la Grande-Bretagne, qui ont adopté une disposition imposant une période de douze mois sans relations sexuelles.

L'Afrique du Sud quant à elle demande une période d'abstinence similaire aux donneurs de sang potentiels, quelle que soit leur orientation sexuelle.

Bien qu'il existe une courte période durant laquelle les tests ne peuvent pas détecter la présence du VIH, les scientifiques s'accordent à estimer qu'une période d'un an est amplement suffisante pour s'assurer qu'une personne n'est pas infectée.

Les avancées scientifiques permettent de tester rapidement du sang pour la présence du virus du sida et d'autres agents pathogènes.

Selon une étude publiée en 2010 par l'université de Californie à Los Angeles, une levée complète de l'interdiction aux homosexuels de donner leur sang n'accroîtrait la quantité totale de sang collecté aux États-Unis que de 2 à 4%.