Les conjoints de fait ont moins tendance à se séparer au Québec qu'ailleurs au Canada, selon une nouvelle étude. Mais comme le mariage est beaucoup plus populaire dans le reste du Canada et qu'il exerce un puissant effet protecteur contre les séparations, les couples québécois sont, au bout du compte, moins stables en général.

«La proportion d'unions libres qui subsistent sur dix ans est deux fois plus forte au Québec, 33% contre 16% ailleurs au Canada», explique Céline Le Bourdais, sociologue à l'Université McGill, qui a publié avec deux autres chercheurs une étude dans la revue Recherches sociographiques. «Mais comme les conjoints de fait au Québec ont moins tendance à finir par se marier, il y a plus de séparations au final, 38% contre 31%, après 10 ans.»

Le mariage réduit en moyenne de moitié le risque de rupture, tant au Québec qu'ailleurs au Canada. L'arrivée d'un enfant a un impact moindre: la réduction du risque de séparation est de 29%. Cet impact est cependant plus important au Québec qu'ailleurs au Canada, parce que la famille semble davantage basée sur les enfants que sur le mariage dans la Belle Province, selon Mme Le Bourdais.

Dans le cadre du débat sur la protection juridique accordée aux conjoints de fait, à la suite de la fameuse cause de «Lola», les chercheurs ont voulu savoir si l'union libre est réellement devenue un substitut au mariage. Sur le plan fiscal, l'union libre est semblable au mariage après un an. Selon la sociologue de McGill, c'est un délai trop court pour qu'on l'applique au droit familial.

«Nous avons regardé ce qui arrivait sur trois ou cinq ans. Il y avait des différences marquées selon qu'un enfant ou un mariage survenaient rapidement, ou après trois ans.»

L'échantillon, une cohorte de Statistique Canada, a été divisé en cinq:

• le «prélude au mariage»: des noces avaient lieu dans l'année suivant le début du suivi;

• le «mariage à l'essai»: le mariage survenait après trois ans;

• le «substitut au mariage»: un enfant arrivait après trois ans;

• une «union stable sans engagement»: elle perdurait mais ne donnait pas d'enfant;

• une «union instable»: sans enfant et qui se terminait par une séparation.

Après cinq ans, seulement 21% des couples entraient dans la catégorie «substitut au mariage», soit à peine plus que la proportion de couples qui avaient fini par se marier. À noter: le «prélude au mariage», relativement fréquent ailleurs au Canada, était très rare au Québec (seulement 4% de l'échantillon).

«Avec ces résultats, on ne peut pas dire qu'une union libre, après seulement un an, constitue l'équivalent d'un mariage, indique Mme Le Bourdais. Si on veut donner aux conjoints de fait la protection du mariage en cas de séparation, il faudrait attendre trois ou cinq ans.»