Pour de nombreux enfants québécois, les souvenirs d'été ne seront pas les comptines apprises dans les camps de vacances ou les noms farfelus des animateurs de camps de jour. Une fois l'école terminée, beaucoup de jeunes se retrouvent sans activité et sans encadrement. Laissés à eux-mêmes, ils traînent dans les parcs ou passent leurs journées devant un écran. Heureusement, des initiatives permettent à certains d'entre eux de profiter des beaux jours.

C'est l'heure du souper, et une poignée d'enfants jouent sur les balcons des HLM entourant le petit parc de Sienne, dans l'arrondissement de Villeray-Saint-Michel-Parc-Extension. Aussitôt qu'ils voient Tommy et son chandail jaune, les enfants l'interpellent.

«Tommy! Vous faites des activités?

- Pas aujourd'hui, demain!», répond l'animateur.

Quelques petits accourent, mais ils sont aussitôt déçus. Ils ont tous moins de 10 ans, et aucun parent n'est en vue. Qu'ont-ils fait aujourd'hui? «Rien, lance une fillette d'environ 8 ans en faisant la moue. On est allés à la piscine», dit-elle en pointant une pataugeoire de béton, maintenant à sec. Le parc de Sienne est si petit qu'on dirait une cour intérieure.

Tommy Belisle et sa collègue Catherine Gonthier animent des activités culturelles dans les parcs Ovila-Légaré et de Sienne, de juin jusqu'à août. Le programme d'animation dans les parcs existe depuis une dizaine d'années et permet aux citoyens de se réapproprier leurs parcs et de renforcer le sentiment de sécurité dans le voisinage, selon la mairesse de l'arrondissement, Anie Samson. «Lorsqu'on arrête une activité, on voit une recrudescence de certaines choses qu'on ne veut pas.»

La programmation s'adresse aux enfants du quartier qui, une fois l'été arrivé, n'ont aucune occupation: leurs parents travaillent ou ne s'occupent pas d'eux. Les jeunes restent donc seuls à la maison, ou traînent dans les parcs toute la journée. «Comme on est un arrondissement qui n'est pas très riche [...], ce n'est pas tous les enfants qui ont accès à des camps de jour, explique Anie Samson. Au lieu qu'ils s'occupent eux-mêmes, si on leur permet d'avoir accès à des activités culturelles, ça va au moins agrémenter leurs journées dans le parc.»

Impossible de déterminer précisément combien d'enfants montréalais ne sont pas encadrés pendant l'été. Selon le Dr Gilles Julien, qui pratique la pédiatrie sociale, il s'agit d'une problématique répandue qu'on ne retrouve pas que dans les quartiers défavorisés. «Les enfants veulent se reposer, et les parents acceptent ça. Mais se reposer, ça veut dire être à la maison à ne rien faire. Ça influence le développement, ça démotive à découvrir et à apprendre. C'est un phénomène que l'on devrait aborder de façon prioritaire.»

Au parc Howard, dans Parc-Extension, Alex Côté et Catherine Cléroux ont sorti les crayons de maquillage. Une douzaine d'enfants attendent qu'on leur dessine un papillon. La plupart a de 6 à 11 ans.

Leila* et Marwa*, deux fillettes de 11 et 8 ans, habitent des appartements en bordure du parc Howard. Depuis plusieurs étés, les jeunes filles viennent passer leurs journées entières avec les animateurs du parc. La mère de Leila travaille, sa soeur aînée va rejoindre ses amis, son père est retourné dans son pays d'origine, en Haïti. Les parents et les soeurs aînées de Marwa travaillent. «Quand je ne suis pas ici, je reste à la maison. Mais je viens très souvent au parc pour les animations», dit-elle.

Plusieurs enfants du quartier passent le plus clair de leur temps au parc Howard en compagnie des animateurs. «Quand on arrive pour planifier notre journée à 11h, ils sont déjà là. Et à 19h30, quand on part, ils sont encore là, relate Alex Côté. À notre pause de dîner, ils sont à la porte et ils font: «Est-ce que vous vous en venez?» On dirait qu'il n'y a rien qui les retient à la maison.»

L'importance d'être actif

Pour certains parents, l'arrivée de l'été peut être encore plus angoissante que pour les enfants. «Pour les parents, c'est déjà un enjeu de savoir ce qu'ils peuvent faire avec leurs enfants. Des fois, c'est [le manque de] moyens financiers, des fois c'est [le manque de] compétences parentales», explique Christine Girard, agente de communication à la Fondation du Dr Julien.

Dans Hochelaga-Maisonneuve, les enfants peuvent se rassembler à la Ruelle animée du Dr Julien, à l'angle des rues Aylwin et Sainte-Catherine. Depuis 2008, des éducateurs y offrent des activités gratuites aux enfants du quartier, tous les jours de la semaine. Une douzaine de garçons énergiques jouent au hockey, alors que les jeunes filles s'occupent sous une grande tente. Les parents de Vincent* et de Mathieu*, tous deux âgés de 11 ans, travaillent les jours de semaine. «[Quand je ne viens pas ici], je joue au PlayStation», dit Mathieu.

Christine Girard croit que si la Ruelle animée n'existait pas, l'été serait une période difficile pour certains enfants. «Non seulement ils ont accès aux activités, mais il y a aussi la présence d'une figure réconfortante. Ce sont des enfants dont le plus grand manque, c'est d'avoir une présence adulte rassurante.»

* Prénoms fictifs