Zhang Qiaofeng a récemment pris la décision difficile de mettre un terme à sa carrière prometteuse à la tête d'une société de recherche médicale, pour rester à domicile où il passe ses journées à lire des contes éducatifs à son fils de 7 ans.

Le jeune père a en effet estimé salutaire de retirer son enfant unique du système scolaire chinois, réputé pour mettre l'accent sur le travail et la discipline. Les élèves y enchaînent de très longues journées de classe dès leur plus jeune âge.

«Le système éducatif en Chine présente des problèmes spécifiques», affirme M. Zhang, lui-même diplômé d'une des meilleures universités du pays.

«Je veux que mon fils reçoive un style d'éducation qui est beaucoup plus basé sur l'échange, et pas seulement sur un modèle vertical où l'enseignant parle pendant que les élèves écoutent», explique-t-il.

Dans leur petit appartement de la banlieue de Pékin, Zhang Qiaofeng enseigne à son petit Hongwu quatre heures par jour, soit moins que les six heures de cours obligatoires auxquelles était astreint l'enfant dans son ancienne école primaire.

Le père n'est pas avare de critiques sur l'«obsession» des résultats et l'enseignement trop autoritaire en vigueur en Chine.

À l'opposé, dit-il, Hongwu dispose désormais de bien davantage de temps pour s'amuser et développer ses centres d'intérêt.

La Chine a enregistré des progrès impressionnants en généralisant l'éducation obligatoire, avec des zones urbaines comme Shanghai qui revendiquent une scolarisation de tous les enfants. Selon les Nations unies, la Chine a un taux d'alphabétisation de 99% de sa jeunesse.

En moyenne, les enfants chinois passent quotidiennement plus de 8 heures et demie à l'école, certains restant même 12 heures dans leur salle de classe, selon une enquête menée en 2007 par le Centre de recherches chinois sur la jeunesse et l'enfant.

Les partisans de l'éducation à la chinoise, jugée «à la dure» en Occident, assurent que ses préceptes fondés sur l'interdit, l'apprentissage par coeur et l'élitisme ont de bien meilleur résultats que ce qu'ils considèrent comme le «laxisme» pratiqué ailleurs.

Les vertus comparées des méthodes d'éducation chinoises et occidentales avaient fait l'objet d'un débat passionné sur l'internet l'an dernier après la publication de «L'hymne de bataille de la mère tigre», par une Chinoise émigrée aux États-Unis, Amy Chua.

Mais cette doctrine est de plus en plus remise en cause en Chine.

«On assiste à une augmentation rapide de la scolarisation à domicile, surtout ces dernières années», déclare ainsi à l'AFP Lao Kaisheng, un chercheur spécialisé dans les politiques éducatives à l'Université normale de Pékin.

Le phénomène reste toutefois limité à moins de 1% des familles en Chine, selon lui.

L'école à la maison ne signifie toutefois pas renoncer à la quête de l'excellence.

«Les parents qui enseignent à domicile ont tendance à avoir des exigences plus strictes en matière d'éducation de leurs enfants. Ils pensent que les écoles ne répondent pas aux besoins personnels de leurs enfants», souligne M. Lao.

Xu Xuejin a quitté une région manufacturière trépidante de la province orientale du Zhejiang pour la ville pittoresque et calme de Dali (sud-ouest), afin d'offrir un meilleur environnement pour ses deux enfants, dont il a pris en charge lui-même l'éducation.

«Les enfants chinois sont formés à la compétition dès leur jeune âge», regrette-t-il. «Ils subissent trop de pression».

M. Xu, un chrétien, confie souhaiter donner à ses enfants une instruction davantage «centrée sur la bible», une préoccupation que l'on retrouve dans des pays comme les Etats-Unis, où l'enseignement à domicile est de plus en plus populaire.

Il a lancé en 2010 un forum de discussion sur l'internet sur le sujet, qui compte maintenant plus de 4000 membres inscrits.

Parmi les contributeurs, nombreux sont ceux qui s'inquiètent d'éventuelles poursuites pénales, alors que la loi chinoise stipule que les enfants doivent être inscrits à l'école à partir de l'âge de 7 ans, pour y recevoir une éducation obligatoire pendant neuf ans.