L'image d'excellence scolaire qui colle aux Américains d'origine asiatique cache un «plafond invisible» auquel ils se heurtent dans leur carrière, même si, avec les meilleurs diplômes en poche, ils deviennent souvent médecins ou ingénieurs.

Une enquête, présentée lors d'une conférence à New York, révèle un mélange paradoxal de réussite et de désillusion parmi la communauté ethnique qui croît le plus vite aux États-Unis, explique un analyste de l'institut Asia Society.

«Les Américains asiatiques n'ont pas vraiment l'impression d'appartenir au monde de l'entreprise américain, même s'ils réussissent très bien», dit Jonathan Saw à l'AFP. Selon un sondage, 83% d'entre eux éprouvent un sentiment de loyauté envers leur entreprise mais seuls 49% ont l'impression d'y être vraiment acceptés.

Un décalage se crée au cours de la carrière entre le diplôme obtenu, souvent dans des universités prestigieuses, et les échelons atteints, qui dépassent rarement la hiérarchie moyenne.

«On ne voit pas beaucoup d'Américains d'origine asiatique à des postes de direction», poursuit M. Saw, pour qui les discriminations à l'égard de ce groupe sont bien ancrées dans la société américaine. «Il y a cette perception de l'Américain asiatique comme un éternel "autre"».

«Les Américains asiatiques sont toujours perçus comme de bons éléments, ce qui est bien, mais cela les cantonne à des postes de cadres intermédiaires. À cette jonction critique entre l'encadrement intermédiaire et supérieur, où les relations comptent davantage que ce que l'on fait, ces perceptions jouent», analyse Jonathan Saw.

Les films renforcent le stéréotype

Le cliché de l'Asiatique intello et fondu d'informatique, au point d'en devenir presque asocial, empêche cette communauté de se fondre entièrement dans le moule de «l'American way of life».

À cet égard, la percée médiatique du joueur de basket d'origine taïwanaise Jeremy Lin, diplômé de Harvard reconverti en star du ballon rouge plutôt qu'en informaticien, marque un «tournant», selon Saul Gitlin, du cabinet Kang & Lee Advertising, qui y voit un modèle pour la nouvelle génération.

En revanche, l'image que perpétuent la télévision et le cinéma, dans les rôles attribués à des Asiatiques, renforce bel et bien les stéréotypes, témoigne l'acteur d'origine indienne Sendhil Ramamurthy.

«Les Asiatiques jouent certains personnages (...), le docteur, ou le type intelligent. C'est toujours le cas. Je ne sais pas ce qu'il faut faire pour changer ça», a-t-il dit.

Mais les spécialistes estiment qu'un changement finira par arriver, comme souvent aux États-Unis, via des intérêts économiques: la population américaine d'origine asiatique représente un marché de 17,3 millions de personnes, plutôt aisées.

C'est même le «segment» qui «croît le plus vite» dans le pays, selon Thomas Tseng, du cabinet de recherche en marketing New American Dimensions.

Bien que le marché hispanique soit trois fois plus important en taille et «tende à plus attirer l'attention», les Asiatiques ont davantage de moyens et dépensent plus dans les technologies. Quelque 80% ont l'internet à haut débit chez eux, contre 60% de la population globale, selon des estimations.

Par ailleurs, ils sont 74% à posséder un ordinateur portable, contre 52% de la population totale, selon des données du centre de recherche Pew.