Des pointes, des tutus... et des bourrelets. L'image surprend, étonne, déroute. Pascal Desparois et Émilie Poirier n'ont pas le physique longiligne et aérien que l'on attribue aux danseurs classiques. Qu'importe. Avec Les gros, ces deux danseurs-chorégraphes espèrent peser sur les idées préconçues que l'on a sur les personnes enveloppées en général, et dans la danse en particulier.

Les regards en biais, Pascal Desparois et Émilie Poirier connaissent. Tout comme l'étonnement qu'éprouvent, parfois, leurs interlocuteurs quand ils disens ce qu'ils font dans la vie: danseur, chorégraphe. «On a tellement d'idées préconçues d'un danseur ou d'une ballerine, et on ne correspond pas à ces critères», dit Émilie, pétillante rousse de 28 ans. De ce constat, qu'elle a souvent partagé avec Pascal Desparois, est née l'idée des Gros, un spectacle qui veut en finir avec le culte du corps uniforme en danse.

«On avait des images très claires, très nettes qu'on voulait mettre en scène, avec des références que tout le monde peut comprendre. Le cliché du gros, on le retrouve dans toute la société», dit-elle. Le point de départ a été le tutu et les hippopotames du film Fantasia. «Même s'ils sont en tutu, on a du mal à croire qu'ils vont s'envoler», plaisante Pascal Desparois. L'idée selon laquelle les gros sont paresseux, inactifs et se goinfrent nourrit aussi la chorégraphie, dansée par les deux créateurs, accompagnés de quatre interprètes.

Le corps et l'âme

La route de Pascal Desparois a croisé celle d'Émilie Poirier au baccalauréat en danse à l'UQAM. À 30 ans, Pascal Desparois venait tout juste d'envoyer promener ses peurs et ses complexes pour vivre pleinement une passion présente depuis l'enfance, et explorée dans le ballet, le jazz et la danse contemporaine. Émilie, elle, s'était rêvée ballerine mais s'était persuadée que la danse n'était pas pour elle. Après un DEC en théâtre, la jeune femme s'est rendue à l'évidence. Chez elle, le geste précède le verbe.

À l'UQAM, ces deux corps atypiques n'ont laissé personne indifférent. «Il y a des gens qui nous disaient: surtout, continuez à danser. D'autres qui ne comprenaient pas», dit Émilie Poirier. Pourtant, tous deux croient qu'après s'être ouverte aux fauteuils roulants et aux maladies mentales, la danse contemporaine est mûre pour s'ouvrir aux diversités corporelles. «On est arrivés au bon endroit au bon moment. Les gens rejettent de plus en plus les canons de la beauté», croit Pascal.

Bouche-à-oreille et curiosité

Chose certaine, le spectacle Les gros intrigue. Fait assez rare pour de jeunes chorégraphes et interprètes de danse contemporaine, Pascal Desparois et Émilie Poirier ont enchaîné les entrevues dans des médias grand public, notamment à l'incontournable émission dominicale Tout le monde en parle. Le tandem espère que l'intérêt que suscite leur production leur permettra de partir en tournée dans les régions du Québec. S'ils veulent démocratiser la danse, ce n'est pas seulement pour les interprètes, mais aussi pour les spectateurs. «Si la danse contemporaine veut survivre, elle doit s'ouvrir à la société en général. Ce n'est pas s'abaisser que de s'ouvrir», croit Pascal Desparois. «Les gros» passeront-ils inaperçus sur scène? C'est ce que souhaitent les chorégraphes. «À un moment donné, ce serait bien que le gros soit anonyme», estime Émilie Poirier.

Les gros, présenté dans la série Corps Atypik de Tangente, demain, vendredi et samedi à 19 h 30, de même que samedi à 15 h et dimanche à 16 h. Chorégraphie Émilie Poirier et Pascal Desparois. Interprètes: Caroline Charbonneau, Pascal Desparois, Gabriel Doucet, Harmonie Fortin-Léveillé, Émilie Poirier et Georges-Nicolas Tremblay.