Il y a des sujets comme ça qui portent à la confidence. Mettez deux jeunes mères entre elles et elles vont, très rapidement, se mettre à raconter, parfois avec moult détails, l'intimité de leur accouchement. Ça a duré combien de temps? As-tu déchiré? Combien de points? Et après, arrivais-tu à t'asseoir? À prendre une douche? Et à...

Naissance, présenté ce soir (complet) et demain à l'Espace Go (à ne pas confondre avec Naissances au pluriel, à l'Espace libre), c'est un peu ça. Une gang de filles qui racontent et vivent, littéralement, sur scène leur accouchement. Des accouchements tous très différents. Parfois heureux, parfois moins. Jouissifs, ou affreusement douloureux. Prévisibles, ou alors là pas du tout. Hyper médicalisés, ou sans la moindre intervention. Oubliez les tabous. Ici, on se dit tout.

Mais c'est aussi beaucoup plus qu'une confidence de filles, de mères. Car au-delà de l'anecdote, il y a dans cette pièce, écrite par la militante américaine Karen Brody, un véritable désir de motiver la réflexion sur l'hypermédicalisation des naissances, mais aussi, surtout, sur l'humanisation des naissances.

«Ma pièce est sur les femmes. Mon but: redonner la voix aux femmes. En périnatalité, on a des études, des statistiques, mais ce qu'il manque, c'est la voix des femmes», explique l'auteure, également fondatrice du mouvement Bold Action, qui vise à informer les femmes en matière de périnatalité.

Pour écrire son texte, Karen Brody a rencontré 118 femmes, toutes scolarisées. Elle a retenu huit témoignages. De toutes les femmes interrogées, une minorité seulement savait ce qu'était une sage-femme. «Et encore, parmi celles qui croyaient savoir, plusieurs pensaient qu'il s'agissait d'un métier arriéré!»

L'auteur se défend toutefois de ne promouvoir que les accouchements naturels. Au contraire, dit-elle. «Je veux que les femmes soient au courant de toutes les options possibles. Et qu'ensuite elles fassent leurs choix. En étant conscientes de tout le pouvoir et le potentiel de l'accouchement.»

Malheureusement, de nos jours, ajoute-t-elle, peu de femmes réfléchissent à leurs options. Elles ont plutôt tendance à faire comme tout le monde. «On vit dans une société où on est souvent déconnecté de nous-mêmes. Déconnecté de notre corps. On court vite, vite, vite, sans jamais écouter le silence ou vivre la solitude. Or, si on ralentit un peu, on écoute peut-être davantage notre petite voix intérieure.» Chaque représentation, et ce, à la demande de l'auteure, est suivie d'une discussion avec différents intervenants. À Montréal, c'est Catherine Chouinard, responsable du dossier périnatalité à l'Association pour la santé publique du Québec, qui animera le débat. «On a souvent une vision dichotomique de ce qu'est l'accouchement: ou alors tout naturel, ou alors tout interventionniste. Mais c'est tellement plus vaste que ça», dit-elle, ravie de parler enfin «de la réalité de ce que c'est vraiment, sans jugement».

Parmi les experts invités, Johanne Lalande, gynécologue obstétricienne à l'Hôpital de LaSalle, se réjouit elle aussi de l'initiative. «C'est la meilleure façon de relancer le dialogue entre les femmes et les médecins, croit-elle. Par l'intermédiaire du théâtre, c'est moins blessant pour les médecins et le message peut mieux passer.» Il ne fait d'ailleurs pas de doute, selon elle, que les accouchements sont beaucoup trop médicalisés. «On a entré les naissances dans les hôpitaux dans les années 50, et on arrive plus à les en sortir! Il faut maintenant que la maison entre dans l'hôpital. Que les femmes soient responsables de ce qui se passe.»

Naissance

Mise en scène de Johanne Benoît

Ce soir et demain soir, à 20h, à l'Espace Go. Infos: 514-845-4890.

Une portion de 75% des profits sera versée à l'organisme Avac-Info (accouchement vaginal après césarienne). Une tournée du Québec est prévue pour 2011.

Photo: Roger Boire

Extrait de la pièce Naissance