«En Occident, on ostracise la mort, on ne l'accepte pas, on la nie même», soulève le biochimiste Richard Béliveau qui, après avoir posé sa loupe sur le cancer et les aliments qui le préviennent, nous revient avec un livre sur la mort.

Funérailles expédiées en deux coups de cuillère à pot, fascination à la limite de l'obsession pour le morbide vampires, histoires de meurtres crapuleux, films d'horreur , mort lente par la malbouffe ou le tabagisme, fuite dans les psychotropes...

Nous vivons dans un monde qui entretient un rapport trouble et fuyant avec la mort.

Pire: dans un contexte d'hyperperformance où la quête de pouvoir est associée au succès, mourir est carrément perçu comme un échec.

«On vit dans une société où on achète des objets dont on n'a pas besoin avec de l'argent qu'on n'a pas. On veut le bonbon, tout de suite ! Quand on arrive en prévention en disant aux gens de faire quelque chose qui leur sera utile dans 20 ou 30 ans, c'est très difficile !»

Le mystère reste entier quant à l'étape de «l'après» l'âme existe-t-elle ? Se réincarne-t-on en rat d'égout si on a vécu une mauvaise vie ? Une délégation de vierges attend-elle les bons musulmans ? , et nous ne sommes ni les premiers ni les derniers à craindre la mort.

Richard Béliveau, qui estime que la curiosité est le meilleur ami de l'homme, offre à tout le monde une explication scientifique et rationnelle du processus de mort biologique.

«La peur de la mort est bactérienne. Si vous exposez les bactéries (qui sont les organismes les plus fondamentaux de la vie) à une substance toxique, ils vont manifester des mécanismes d'évitement. L'instinct de survie nous conditionne à fuir la mort d'un point de vue physique et psychologique», énonce le biochimiste, qui est persuadé que la compréhension permet d'atténuer la peur. «Comment peut-on comprendre la mort quand on ne comprend pas c'est quoi la vie?»

Mourir comme un sage, vivre comme Épicure

Dans La mort Mieux la comprendre et moins la craindre pour mieux célébrer la vie, Richard Béliveau aborde cette grave question sous plusieurs angles (les philosophes et la mort, les infections, les épidémies, les accidents).

À l'heure de la commission parlementaire sur la fin de vie, une question cruciale s'impose : à quel moment un être humain est-il décédé?

Encore aujourd'hui, écrit Richard Béliveau, «la mort est un état parfois extrêmement difficile à définir du point de vue médical».

« La mort, d'un point de vue humain, est celle du cerveau», explique Richard Béliveau, qui consacre son premier chapitre à l'aspect clinique de la mortalité. «À l'heure actuelle, une personne est déclarée «cérébralement morte» si et seulement si son état neurologique correspond aux critères proposés par un groupe de médecins et de bioéthiciens de l'Université Harvard en 1968, entre autres l'absence de conscience (coma), l'absence de réflexes associés au tronc cérébral (pas de réponse à la douleur, disparition de réflexes pupillaires, disparition du réflexe de haut-le-coeur, de toux) et l'apnée (incapacité de respirer).»

Chaque être vient au monde avec un bagage génétique qui, le rappelle Richard Béliveau, n'est pas un déterminisme absolu. «À travers mon travail de prévention, j'essaie de dire aux gens qu'ils peuvent intégrer pleins d'éléments pour mieux vieillir, moins souffrir et gagner en espérance de vie.»

Raison de plus, selon Richard Béliveau, d'avoir un respect renouvelé pour la vie. «L'être humain n'est pas particulièrement fort, n'est pas recouvert d'une carapace, d'une fourrure épaisse, de plumes acérées ou de crocs puissances. On est faible, d'un point de vue biologique. Qu'est-ce qui nous a permis de survivre ? C'est le développement prodigieux du néocortex qui nous a séparé des grands singes, nous a permis d'inventer le feu, de développer des civilisations et d'envisager la conscience de soi et notre projection dans le futur.»

Pour bien mourir, il faut vivre sainement et pleinement, laisse entendre Richard Béliveau. Or, il n'est pas facile de parler de saine alimentation en Amérique du Nord, où les fabricants de malbouffe consacrent des fortunes pour vendre leurs burgers. Aux États-Unis, dit-il, le budget total de marketing de Harvey's, Burger King, McDonald's et Taco Bell est largement supérieur à celui de la lutte contre l'obésité.

«Dans mes conférences en prévention, je dis toujours aux gens : vous n'avez pas un bouton «reset». Si vous avez fumé, êtes trop gras ou avez mal mangé, c'est l'ensemble de la qualité de votre vieillesse qui sera altérée.»

Richard Béliveau, qui, dans notre entretien, cite le dalaï-lama ou les maîtres zen, a aussi abordé la mort dans sa dimension philosophique et spirituelle. «Je voudrais que la sérénité, un mot qu'on n'entend pas souvent dans nos sociétés, devienne contagieuse.»

Il espère que son approche fondée sur la compréhension puisse éviter à ses lecteurs de sombrer dans des croyances farfelues ou d'être attirés par des gourous. Parce qu'avant longtemps, les pages nécrologiques deviendront de plus en plus chargées. «On n'est même pas capable actuellement de gérer une population atteinte d'Alzheimer. Aujourd'hui, ce sont les filles qui prennent soin de leurs parents. Je ne suis pas sûr que la nouvelle génération sera capable de gérer ce qui s'en vient.»

Pour Richard Béliveau, la plus grande des sagesses se trouve dans ce proverbe : «Avoir le courage de changer les choses que je peux changer, la souplesse d'accepter les choses que je ne peux pas changer et la sagesse de faire la distinction entre les deux.»

On finit toujours seul, on finit toujours avec sa gueule, disait l'autre. Mais entre-temps, il faut cultiver son jardin. Et attendre que le feu vire au vert avant de traverser la rue.

La mort Mieux la comprendre et moins la craindre pour mieux célébrer la vie, de Richard Béliveau, Ph. D., et Denis Gingras, Ph.D., Ed. du Trécarré, 263 p., 39,95$