Top chrono. Dans moins de 48h, ils seront sur la ligne de départ. Tous en rouge, juste derrière les coureurs d'élite. Vous ne pourrez pas les rater. Certainement fébriles. Probablement stressés. Mais chose certaine, drôlement bien préparés.

Qui? La cohorte de jeunes parrainés par la Fondation Gilles Julien, dont nous vous avons parlé en mai.

Douze jeunes issus de milieux défavorisés, âgés de 15 à 18 ans, courront en effet ces fameux 42,2 km du marathon de Montréal. Peu importe le temps. Car l'objectif, le vrai, c'est de le terminer, pour prouver à la terre entière de quoi ils sont capables. De prouver que même s'ils en arrachent à l'école, ont des troubles de comportement, ils ont la force, la détermination surtout, de relever des défis eux aussi. Et pas n'importe lesquels.

«À 15, 16, 17 ans, relever un défi pareil après une vie mouvementée, pour moi, c'est un cadeau, a commenté cette semaine le pédiatre social Gilles Julien. Cela prouve que tous les enfants peuvent trouver leur voie, s'ils sont bien accompagnés.»

Vrai, des 19 inscrits au programme en octobre, seuls 12 courront dimanche. Les autres ont été soit légèrement blessés, soit ils se sont exclus eux-mêmes en ne respectant pas le «contrat»: le respect des horaires. Mais quiconque s'est déjà entraîné à la course sait à quel point cet horaire peut être astreignant. Imaginez si, en plus, vous étiez adolescent...

«Je m'attendais à plus de départs que ça. C'est un sport extrême, un marathon. Il faut un équilibre de vie important», glisse le pédiatre.

Un peu nerveux

Alors, prêts? «Je commence à être stressée, là.» Stéphanie Sibley a 15 ans. Il y a 11 mois, quand elle a commencé à courir, elle avait du mal à tenir une demi-heure. «Son premier 5 km a été l'enfer», se souvient son mentor, Chantal Albert. Pour cause, elle n'avait jamais couru autant. Mais avec le temps, l'entraînement, signé Jean-Yves Cloutier, le conseiller du marathon de Montréal, a payé. «J'ai eu plus de mal à faire mon premier 5 km que le 20 km», affirme l'adolescente.

«Je suis un peu nerveux, confie aussi Juan Pablo Robitaille, 16 ans. Je m'inquiète de la température. Et puis je redoute les côtes.» Pour lui non plus, les 11 mois d'entraînement n'ont pas été faciles. «De tout le groupe, c'est celui qui partait du plus loin, souligne son mentor, Stéphane Robitaille. Mais il a été rigoureux, ponctuel, il a travaillé avec assiduité.»

C'est d'ailleurs l'objectif à peine caché du programme, baptisé Étudiants dans la course. Inspiré de Students Run L.A., qui fait ses preuves depuis plus de 20 ans, le programme cherche à transposer les bienfaits de l'entraînement de la course à pied sur la vie privée de ces jeunes. «À Los Angeles, 95% des jeunes qui participent au marathon complètent ensuite leur secondaire», fait valoir Stéphane Lemay, bénévole et responsable du programme.

Plusieurs parents, professeurs et travailleurs sociaux en témoignent: plusieurs jeunes ont été littéralement transformés. «On ne les reconnaît plus, ils sont plus sérieux, plus disciplinés, ils se lèvent plus tôt, prennent des petits-déjeuners, certains ont arrêté de fumer», cite le bénévole.

«Ces jeunes, je sens qu'ils ont appris beaucoup, conclut l'entraîneur Jean-Yves Cloutier. Une discipline pareille sur 11 mois, c'est beaucoup. Ça marque, c'est positif. Dimanche, ça va être une expérience mémorable pour eux. Ça va rester dans les faits marquants de leur vie.»

Quant aux coureurs, ils visent déjà loin. Stéphanie veut se concentrer sur ses études au cégep. Et Juan Pablo, qui a perdu près de 10 kg en un an, rêve déjà d'Ottawa, et pourquoi pas de Boston.