«Hein Flavie, pourquoi tu fais toujours tout foirer? Tu sais quoi? T'es qu'une grosse conne», dit-elle, en regardant son image dans le miroir. Flavie est une adolescente comme les autres. Ou presque. Âgée de 15 ans, elle est curieuse et timide, elle écrit un journal intime et rêve d'aller au bal avec O. Mais elle est extrêmement sévère envers elle-même, mal dans sa peau. «Je suis une catastrophe sur deux pattes.»
Pour devenir une nouvelle Flavie, elle décide de s'astreindre à un entraînement de course à pied intense et un régime draconien. Elle maigrit à vue d'oeil et s'isole peu à peu. Ses signes vitaux menacés, elle est finalement hospitalisée. Bienvenue dans l'enfer de l'anorexie mentale.
Émilie Villeneuve, journaliste, et Julie Rocheleau, illustratrice, signent la première bande dessinée québécoise traitant de l'anorexie à l'adolescence, La fille invisible. «C'est avant tout un outil de prévention, mais c'est aussi une oeuvre qui a son propre souffle narratif, affirme Émilie Villeneuve. Cette bédé n'est pas moralisatrice et, avec ses illustrations sombres et sales ainsi que son langage cru, elle saura plaire, je pense, à la clientèle adolescente.»
Le Dr Jean Wilkins, spécialiste des troubles alimentaires au CHU Sainte-Justine, a agi comme conseiller au scénario. «C'est très réussi, c'est un beau livre. L'auteure aborde de façon intéressante l'effervescence de l'adolescence et la complexité de la maladie. C'est assez fidèle à la réalité.» L'isolement vécu par Flavie, «parce qu'elle n'est plus capable de suivre le discours de ses amies», est bien traité, note l'expert. «Flavie se réfugie dans l'anorexie, elle a besoin de passer par là.»
L'auteure défait plusieurs préjugés. «Les filles anorexiques ne sont pas influencées par la mode, souligne le Dr Wilkins. Contrairement à ce qu'on croit, elles ne veulent pas maigrir pour plaire, elles sont hyposexuées.»
Le public cible? Avant tout les adolescentes d'environ 16 ans, anorexiques ou non. «Les patientes peuvent en retirer quelque chose, se questionner, indique le Dr Wilkins. L'ouvrage peut aussi sensibiliser les proches et les amies à ne pas abandonner ces filles touchées par la maladie.» Divertissant? Un peu, mais surtout éducatif.
La fille invisible. Émilie Villeneuve, Julie Rocheleau, Glénat Québec. 19,95$.