Songeriez-vous à rouler un pétard avec junior ? Si la consommation de marijuana est aujourd'hui banalisée, rares sont les parents qui admettent partager ce plaisir illicite avec leurs ados. Pourtant, il y en a. À quelques jours de la 11e Marche mondiale pour la marijuana, prévue samedi, La Presse a interviewé trois parents à contre-courant qui ont fumé, fument ou songent à fumer avec leurs enfants.

Quand elle avait 13 ans, Marie-Claude a demandé à son père Paul* la permission de fumer de la marijuana. «Elle m'a avoué qu'elle m'en volait déjà !» lance l'artiste en riant. Il n'a pas bronché. Il a plutôt commencé à fumer avec sa fille à l'occasion. «Avant de regarder un film ou de jouer au scrabble», précise-t-il, en se remémorant plusieurs fous rires entre père et fille.

Jamais Paul n'a pensé que sa fille, initiée tôt au pot, pourrait devenir dépendante. «Ma fille fume pour faire la fête, pour se détendre, pas pour s'évader et fuir les problèmes. Elle a toujours été très mature. Ce n'est pas une béquille, c'est pourquoi j'étais à l'aise avec ça. Et je ne voulais pas qu'elle achète dans la rue.»

Marie-Claude a aujourd'hui 23 ans. Elle étudie en Europe depuis un an. «Elle est très épanouie. Jamais sa consommation ne lui a nui. Je suis très content de son cheminement. Quand elle reviendra, on s'en grillera un beau !»

Isabelle, travailleuse de rue de 36 ans, fume tous les jours depuis l'adolescence. Elle prend quelques bouffées le soir en lisant avant de se coucher. Son fils, âgé de 14 ans, ne fume pas. Y songe-t-il ? «Je ne sais pas, mais il a découvert que je fumais. Il pose des questions. Je lui dis que je fume à l'occasion et que je réserve ça pour les événements spéciaux. Je lui parle des effets, des inconvénients. S'il commence à fumer, je souhaite que ce soit une décision éclairée.»

Isabelle préférerait que son fils ne touche pas du tout à la drogue. «Mais s'il doit commencer, j'aimerais qu'il fume son premier joint avec moi, qu'il soit dans des conditions idéales.» Et qu'il fume modérément. «Pas comme moi, j'exagère un peu.»

Atteint de sclérose en plaques, Serge a commencé à fumer régulièrement dans la quarantaine. Ses jumeaux, qui fumaient déjà à 15 ans, l'ont incité à partager un joint. Puis un autre. C'était il y a près de 20 ans. «À l'époque, la recherche sur la sclérose en plaques était moins avancée et les façons de se soulager étaient restreintes. Fumer m'a apaisé et m'a permis d'être plus patient avec mes ados.»

Jusqu'à tout récemment, le trio fumait un pétard familial chaque semaine. «Ça a été très bénéfique pour moi, pour eux aussi. On avait de nombreux sujets de conversation, on discutait beaucoup. Ça m'a rapproché d'eux, malgré la maladie. On consomme de la marijuana comme on savoure une bonne bouteille de vin. Nous avons un contact extraordinaire.» Ils restent néanmoins très discrets sur leur consommation. «La famille élargie est très conservatrice, ils ne comprendraient pas.»

Serge est conscient que la marijuana n'a pas que du bon. «Mon gars et ses amis ont eu une période de démotivation à l'adolescence. Ils n'avaient pas de projets, ils étaient paresseux, ils avaient des pertes de mémoire. Je suis d'accord pour la consommation de pot, mais à l'âge adulte. » Malgré cela, la drogue n'a jamais été interdite chez lui. «Je ne voulais pas que mes enfants fument en cachette, qu'ils s'éloignent.»

«Les adolescents sont particulièrement tentés par l'interdit, souligne Paul. En autorisant la consommation chez soi, en famille, on évite peut-être l'escalade vers les drogues plus dures. Je suis néanmoins conscient que ce n'est pas pour tous.»

Pour Serge, aujourd'hui en chaise roulante, la consommation de marijuana a été libératrice. «Consommer avec mes enfants m'a ouvert l'esprit et j'ai commencé à rêver à une foule de projets que j'avais mis de côté. Nous avons fait adapter le chalet, j'ai fait deux croisières avec ma femme, nous sommes allés à Paris. Jamais je n'aurais cru avoir l'énergie.» Il fume peu aujourd'hui. Ses enfants aussi.

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* Certains prénoms ont été changés pour préserver l'anonymat.

Marcher pour la marijuana

Samedi, le 8 mai, la 11e Marche mondiale pour la marijuana aura lieu à Montréal et dans 182 villes du monde. Le départ sera donné à 14 h au square Saint-Louis. Le cortège défilera dans les rues Saint-Denis, Ontario, Berri, Prince-Arthur et le boulevard Saint-Laurent, puis s'arrêtera à 15 h au parc des Amériques, rue Rachel, pour le spectacle de clôture offert par le groupe Man Man de Philadelphie. Tout au cours de la manifestation, Bass Ma Boom Sound System et Mad'MoiZèle Giraf animeront la foule. «La marche pour la légalisation de la marijuana est organisée par les Centres Compassion de Montréal et Québec qui militent pour une légalisation complète de la marijuana pour les 18 ans et plus, mais aussi pour fournir une éducation appropriée sur l'usage, ses bienfaits et ses risques», dit le communiqué.

Infos : www.montrealmarijuana.com.

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