Des talons hauts pour gamines, des poteaux de danse pour enfants et, surtout, des jouets roses, roses, roses... Des parents britanniques voient rouge et militent contre le marketing ultra-stéréotypé s'adressant aux fillettes. Leur slogan? «Le rose, c'est moche!»

Ruth Winding vit dans une maison monochrome. Les jeux, les poupées et les vêtements de sa fille Phoebe, 4 ans, sont roses. Et l'enfant en redemande, constate la mère de 32 ans. «Les héroïnes dans ses magazines sont toutes les mêmes, des princesses ou des fées, dit Ruth Winding, une artiste. Il manque de variété. Phoebe veut maintenant mettre du brillant à lèvres... Je trouve ça un peu prématuré, mais je me sens impuissante.»

 

Trop de rose pour les filles? Elles sont de plus en plus nombreuses à le croire... et à vouloir le dénoncer.

Emma Moore, mère de deux filles, et sa soeur Abi sont parties en guerre contre les marchands du rose depuis deux ans. Emma, qui travaille dans le domaine caritatif, avait constaté que sa résidence se «rosifiait» alors que celle de sa soeur jumelle, mère de garçons, était pleine de dinosaures, de voitures et de superhéros.

Elles ont lancé une campagne baptisée Pinkstinks («Le rose, c'est moche»).

Le rose est un symbole des stéréotypes insidieux vendus aux jeunes enfants, explique Emma Moore en entrevue. «Il existe maintenant des globes terrestres roses pour filles. Qu'est-ce qu'un globe rose peut bien leur apprendre de plus qu'un globe vert et bleu?» demande-t-elle.

Des talons hauts au... jambon

Emma Moore est inquiète pour ses filles. Elle a eu un choc quand sa fille de 6 ans lui a demandé un Coke diète, il y a deux ans. «Je me suis dit: mon Dieu, elle comprend déjà ce que c'est d'être au régime», se souvient la femme de 38 ans.

Elle a décidé de sonner l'alarme quand elle a découvert un jeu de Scrabble rose avec le mot «mode» sur la boîte et une marque de jambon pour fillettes en forme de coeur et teint en rose.

Le «marché» des enfants représente maintenant 165 milliards de dollars canadiens par année en Grande-Bretagne seulement.

L'équipe de Pinkstinks publie en ligne sa liste noire des jouets trop «roses» et appelle au boycottage des «mauvais» détaillants. À l'opposé, des marques unisexes sont célébrées, tout comme des modèles de femmes fortes et intelligentes.

La sexualisation des enfants est aussi dans sa ligne de mire. La chaîne Tesco, plus important détaillant en Grande-Bretagne, a dû retirer de ses tablettes les poteaux de danse pour enfants Peekaboo à la suite d'un tollé, il y a quelques années. Mais les batailles ne manquent pas. La nouvelle bête noire d'Emma Moore et ses consoeurs: Noah Cyrus. La soeur de 9 ans de la chanteuse américaine Miley Cyrus vient de lancer une collection de lingerie pour filles prépubères.

Le ton monte

La croisade des mères féministes ne leur a pas seulement attiré des louanges. Elles ont été traitées de «rabat-joie» et de «lesbiennes» dans des messages haineux. «Cela montre que nous avons touché une corde sensible», dit Emma.

La grogne des parents, toutefois, fait tache d'huile. L'influent site parental Mumsnet a maintenant sa propre campagne intitulée «Laissez les fillettes être des fillettes».

Le populaire chef de l'opposition au Parlement anglais, David Cameron, a quant à lui affirmé plus tôt cette année que les tactiques de marketing irresponsables devaient être pénalisées. «Il est temps d'agir. Comme parents, nous voulons empêcher nos enfants de grandir trop vite», a dit le père de famille à la BBC.

«Tellement de parents partagent notre colère, dit Emma Moore. Je suis ravie que notre cause gagne du terrain.»

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SUR LE WEB

www.pinkstinks.co.uk