Feuilletez un magazine féminin, pour voir. Ne vous concentrez que sur les publicités (très minoritaires) où figurent un homme et une femme. Résultat? Vous pourriez croire que vous lisez un roman à l'eau de rose. Ni plus ni moins. Au menu: séduction, sensualité, tendresse, et... soumission.

C'est du moins la conclusion à laquelle arrive Marie-France Cyr, qui a fait sa thèse de doctorat en communications sur les représentations du couple dans la publicité des magazines féminins en 1993. En 2003, elle a refait l'exercice, et elle prévoit recommencer en 2013. Pour nous, elle a accepté de présenter le fruit de ses observations, en 2010.

 

«Le couple Harlequin n'a jamais été aussi fort, dit-elle. C'est incroyable. Il y a eu une grande augmentation du modèle traditionnel où,visuellement, la femme est subordonnée à l'homme.»

Dans sa recherche initiale, Marie-France Cyr a analysé 352 publicités, issues de quatre magazines: Châtelaine, Clin d'oeil, Elle Québec et Femme Plus. À noter, les scènes de couples ne représentent que 5% de toutes les mises en scène publicitaires. La chercheuse a observé trois modèles distincts: le modèle traditionnel (où la femme est subordonnée visuellement à l'homme, sous lui, à l'arrière-plan, plus petite, inclinant la tête, etc.); le modèle inversé (où c'est au contraire la femme qui domine, soit par son caractère maternel, séducteur ou dominateur), et le modèle égalitaire (sans jeu de pouvoir).

Pour nous, elle a feuilleté une dizaine de magazines en 2010, et analysé 18 images. «Je n'ai pas le droit de généraliser, mais la tendance est incroyable», dit-elle. Ainsi, en 1993, le couple Harlequin s'affichait dans déjà 48% des publicités. En 2003, il s'est tranquillement imposé, à 54%. Et en 2010, il est carrément prédominant, à 78%. Le modèle dit inversé, avec l'homme subordonné, est quant à lui passé de 32% à 17%, tandis que le modèle égalitaire est en chute constante: de 20% en 1993 à 6% aujourd'hui.

«C'est très inquiétant, conclut la chercheuse. Moi qui pensais qu'il y aurait une réduction de ce modèle traditionnel, avec les pressions des groupes féministes, je m'aperçois que, visuellement, il y a une augmentation de ces représentations où la femme est subordonnée.»