Pendant que les finissants se préparent pour leur bal et surtout pour les festivités de l'après-bal, les chauffeurs de limousine, eux, traversent leur période la plus achalandée de l'année. Les bals ont pratiquement tous lieu durant les deux dernières semaines de juin. Avec seulement de 100 à 150 limousines allongées à huit places légales au Québec, il y a une véritable pénurie de véhicules.

La location d'une limousine pour une période de 12 heures peut coûter 2500$. Pour avoir les meilleurs prix, les élèves se ruent sur toutes les entreprises. «C'est du harcèlement et c'est une course aux enchères», lance le représentant du regroupement des limousines du Québec, Claude Boulet.

Lorsque les jeunes prennent place à l'intérieur de la limousine, le chauffeur devient à la fois leur conducteur, leur ami, leur protecteur et parfois leur éducateur.

«Le problème, c'est qu'ils veulent s'amuser comme des adultes alors que la plupart sont des mineurs», explique Daniel Jacques, chauffeur de limousine pour Limo GP.

Ce dernier a dû s'interposer quelques fois pour éviter une bagarre et a forcé les élèves à rentrer dans la limousine. «Les jeunes sortent souvent de la limousine pour se promener au centreville. Les hommes qui passent par là voient ces filles bien habillées et leur font des commentaires. Leurs chums veulent alors les défendre et ça peut en venir aux coups», explique-t-il.

Les ados en profitent-ils pour avoir des relations sexuelles dans la limousine? «Certains s'essayent et je leur dis de faire ça ailleurs», répond Daniel Jacques, qui raconte avoir vu des filles montrer leurs seins à leurs camarades.

Odeurs révélatrices

Mais si les chauffeurs ne voient pas tout, les siègent ne mentent pas. «Parfois, lorsque les limousines reviennent, il y a une odeur de vomi ou des odeurs qui suggèrent qu'il y a eu une relation sexuelle», lance Diego Marrone, propriétaire de Nite Life limo et qui a été chauffeur pendant 10 ans.

Selon le Code de la sécurité routière, les boissons alcoolisées sont interdites dans tout véhicule arrêté ou en mouvement. D'autant plus que ces jeunes sont souvent mineurs.

«Il y en a qui cachent ça dans leur sac de sport ou versent l'alcool dans des bouteilles en plastique», raconte Daniel Jacques.

Certains chauffeurs laissent passer l'alcool ou font mine de ne rien voir. «Même s'il est interdit de boire, on leur permet de boire avec modération. C'est une célébration pour eux», soutient Diego Marrone.

Même chose pour la cigarette. «Ils n'ont pas le droit de fumer mais on les laisse faire», poursuit Daniel Jacques. Les jeunes consomment aussi de la marijuana. «Il y en a qui me demandent carrément s'ils peuvent fumer du pot à l'intérieur de la limousine», dit M. Jacques. Bien sûr, la réponse est non.

Moi c'est pas «champion», ou «le gros»

S'il y a bien une chose que les chauffeurs ne tolèrent pas, c'est le manque de respect à leur égard. «Je leur dis tout de suite que moi c'est pas «champion», ou «le gros», mais que je m'appelle Daniel «, dit Daniel Jacques, car il arrive que les jeunes lui lancent un «heille le gros, on paye, on fait ce qu'on veut».

Il arrive aussi que les jeunes se comportent comme des divas, raconte Peter Martelli, 40 ans, chauffeur pour Ambiance Limousines. «Il y a quelques jours, une des filles avait oublié sa sacoche chez elle. Elle m'a dit : «Tu vas retourner me chercher ma sacoche à la maison.» Après qu'il lui a souligné qu'il ne pouvait lui parler de cette façon, l'adolescente s'est excusée.

Diego Marrone constate toutefois que les jeunes font beaucoup moins les fous dans la limousine qu'avant.

«Ils restent moins longtemps à l'intérieur de la limo et ce n'est plus aussi exceptionnel qu'avant de monter dans une limousine.»