Je n'avais jamais entendu parler de Chez Truchon, à La Malbaie, avant que son nom soit mentionné, cet hiver, dans la liste des restaurants qui auraient la permission spéciale de servir du gibier sauvage, dans le cadre d'un projet-pilote du gouvernement québécois.

Dans la liste, il y avait aussi Toqué!, Laurie Raphaël, Joe Beef, Maison publique... Une belle série d'adresses inspirantes. Cela m'a tout de suite donné envie d'aller m'asseoir à la table de Chez Truchon, surtout que le restaurant est situé à La Malbaie, dans la sublime région de Charlevoix.

Je suis donc partie explorer les lieux cet été, toujours heureuse de longer le fleuve sur cette route charlevoisienne qui dégringole et grimpe le long des collines, jamais loin des grèves dénudées par les marées, avec de nombreux «oh» et «ah» en prime, vu le constant ravissement.

L'auberge bistro Chez Truchon est située dans la partie de La Malbaie qu'on appelait autrefois Pointe-au-Pic, donc non loin du Manoir Richelieu, près du fleuve. Le restaurant est au rez-de-chaussée d'une demeure centenaire avec un large balcon, dont les étages supérieurs abritent les chambres. Le lieu est en plein processus de rénovation. La cuisine et tout l'arrière du restaurant ont été totalement modernisés, avec de la pierre, une cuisine et une cave à vin vitrées et un style contemporain. Les chambres, dotées de baignoires à remous et de tapis affichant indubitablement leurs tons et leur style années 80, seront elles aussi transformées sous peu, nous dit-on. Pour le moment, une seule l'a été et elle annonce un renouveau tout en blanc, élégant et douillet.

À table, l'expérience est inégale. La découverte d'un trésor caché, le dévoilement d'un secret bien gardé n'a pas eu lieu et n'aura pas lieu. Certains plats sont bons, d'autres, carrément ratés.

En entrée, le ceviche est sans personnalité. Dommage, car le flétan du golfe du Saint-Laurent et les pétoncles sont impeccablement frais. C'est l'assaisonnement qui manque à l'appel. On dirait que le poisson et le coquillage sont servis presque tout nus. On cherche les arômes du leche de tigre, le mélange à base de jus de citron, d'oignon et de piment fort qui marque la saveur typique du plat d'origine péruvienne. On cherche aussi les éléments croquants, souvent du maïs rôti mais pourquoi ne pas inventer autre chose? , qui accompagnent le tout pour équilibrer les textures.

L'assiette de cochonnailles de porc biologique rillettes, saucisson combinée avec un peu de fromage Migneron de Baie-Saint-Paul et Riopelle de L'Isle-aux-Grues est classique, et la compote d'oignons, très sucrée. Un des plats sans surprise les plus réconfortants du repas. À essayer avec un Morgon de Marcel Lapierre, qui illustre bien le côté à la fois sûr, abordable mais pas ringard de la carte des vins.

Le foie gras? On le sert en deux versions. Un morceau mi-cuit au sel comme l'amuse-bouche qu'on offre à tout le monde au début du repas et un morceau au torchon. Le produit, qui provient de la Ferme basque, est impeccable et se laisse accompagner de fraises et de sorbet à la liqueur de fraises, combinaison improbable qui marche.

En plat principal, le risotto déçoit singulièrement par sa texture pâteuse, presque sèche. Toute trace de bouillon a disparu totalement. On annonçait une gremolata à la coriandre en accompagnement, mais on cherche en vain le goût typé de l'herbe fraîche. Les légumes du risotto aux légumes sont déposés sur le riz plutôt qu'intégrés au plat: des courgettes, des épis de maïs miniatures, des carottes. Les textures croquantes et collantes ne se complètent pas, elles jurent plutôt les unes contre les autres.

La truite des Éboulements, de son côté, est légèrement trop cuite. La sauce hollandaise une émulsion de beurre et de jus de citron adoucit les bouchées mais ne peut totalement racheter le plat. Ce sont les ris de veau en croquettes, délicatement frits, qui sauvent la situation. Légers, impeccables.

Oh, dernière question: pourquoi ajoute-t-on des pâtes au beurre collantes, banales, dans l'assiette?

Au dessert, le sundae semblait bien tentant. Du caramel chocolaté, une compotée de fraises en fin de saison , des noix glacées, un financier à la pistache. En fait, pour 10$, il s'agit de crème glacée à la vanille avec du caramel et de la confiture, le tout garni de gros morceaux de financier gâteau sec à la poudre d'amandes qui ont l'air un peu perdus dans cette composition. Rien de spécial, aucune texture ou parfum qui se fasse remarquer. Rien de précis. Décevant.

Chez Truchon

1065, rue Richelieu

La Malbaie

418 665-4622

aubergecheztruchon.com

> Prix: Table d'hôte cinq services à 54$. Entrées entre 7 et 12$. Plats entre 20 et 36$.

> Vins: Sélection variée, honnête, dont plusieurs bouteilles à prix abordables. Mais on aurait aimé être mieux aiguillés.

> Service: Inégal, abrupt par moments bien que l'accueil soit chaleureux. Mais surtout, déception du côté des conseils pour le vin.

> Atmosphère: Le restaurant est populaire, les tables sont remplies autant de familles que de couples d'un certain âge en vacances, de touristes que de gens du coin.

> Décor: Style classique campagnard cossu et épuré. On peut manger sur une vaste véranda protégée du vent et dotée de chaufferettes contrôlées à chaque table, mais aussi coupée de l'air du fleuve par des rideaux de plastique transparent.

(+) Quelques bons plats, quelques bons vins à choisir soigneusement.

(-) Une cuisine inégale, un service inégal.

On y retourne? Je ne crois pas.