Ce ne sont pas les tables servant le pâté chinois réinventé et le boudin qui manquent au Québec, par les temps qui courent. Ce thème est pratiquement devenu un cliché. Mais les établissements qui le font bien et qui nous transportent soigneusement dans un univers de cuisine réconfort joliment repensée sont pas mal plus rares. L'Antidote Foodlab, à Sherbrooke, est l'une de ces adresses sans prétention, un peu bar, un peu resto de quartier, qui réussissent à y plonger avec soin et doigté.

Le lieu est sympathique: le rez-de-chaussée d'un immeuble manufacturier de briques rouges datant du siècle dernier et totalement retapé, avec de hauts plafonds, des poutres et des murs de pierres nues, des poteaux de bois auxquels on a accroché des seaux à sève d'érable. Des chaises de restaurant de bois typiques se mélangent à des chaises de métal rétro.

Au fond, une cave à vins vitrée remplie de crus intéressants et encadrée de bûches campe la scène.

Au menu, l'offre préparée par les chefs Nicolas Néron et Luc Vaillancourt est hyper accessible. Le restaurant s'appelle Food Lab et dit proposer une cuisine un peu techno, mais en réalité, rien n'est ésotérique et c'est tant mieux, car tout le monde sait qu'il vaut mieux parfaitement maîtriser une technique classique que rater une approche futuriste.

Les classiques sont néanmoins revus. Ainsi, la soupe à la tomate devient une soupe B.L.T.F. comme le fameux sandwich bacon, laitue, tomate, fromage. La crème de tomate est ainsi ponctuée d'un peu de mayonnaise à l'ail confit et au bacon et garnie de laitue, pour la fraîcheur, et de croquettes de fromage qui ajoutent un élément gras, croquant.

La salade de tomates à la grecque prend, quant à elle, un tournant encore plus audacieux. On ébouillante une tomate très légèrement pour lui enlever sa peau et on la farcit d'une mousse à la feta avant de la déposer sur un crumble aux olives noires. Là encore, les textures et les goûts des ingrédients se répondent: la fraîcheur de la tomate et des morceaux de concombre, le salé des olives et du fromage, le côté légèrement croquant du crumble, l'onctueux de la mousse, le ton poivré des quelques feuilles de roquette qui garnissent l'assiette...

En plat, le pâté chinois réinventé nous a charmés, même si c'est davantage une assiette d'automne que pour le coeur de l'été. On le prépare avec de la joue de boeuf, et le maïs est présenté sous forme de mousse légère doucement sucrée. La pomme de terre en purée est aussi plus aérienne que dans les versions traditionnelles, et on sert le tout avec du ketchup maison qui goûte la vraie tomate. Et les vraies épices. Des haricots verts apportent aussi une touche supplémentaire de croquant et de verdure.

Le coq au vin arrive lui aussi sous forme déconstruite et garni notamment de chips de peau de poulet, gras et salés, qui fondent en bouche. Plutôt qu'un plat en sauce, on présente un poulet de Cornouailles déposé sur une sauce au vin et accompagné de polenta.

Le risotto aux champignons est le plat le plus décevant. La texture ne va pas, trop collante, et l'ensemble est lourd. On perd les saveurs des différents champignons shiitake, enoki, de Paris... , et la mousse de champignons de type espuma déposée sur le plat ne fait qu'accentuer cet aspect plutôt brouillon. On est loin du risotto all'onda, donc bien coulant, de nos rêves.

Pour le dessert, on fait semblant qu'on célèbre un anniversaire, pour avoir droit au plateau de dégustation servi avec un peu de glace sèche en décoration, ce qui donne au plat une allure absolument spectaculaire. Malheureusement, en bouche, ces desserts manquent d'élégance. Au menu, un brownie servi avec de la glace à l'alcool d'érable, qui est encore chaud et fondant, le plus intéressant du groupe. Ensuite, une glace au popcorn accompagnée de caramel et de poudre de noisette, façon «Cracker Jack», une composition un peu moins flamboyante, moins riche, car le goût beurré et salé du popcorn rend la glace un peu doucereuse. Le dessert tout vert, une interprétation d'un dessert vu ailleurs, passe aussi à côté de la cible, brouillon, sans assez de finesse et avec trop de colorant (l'élément principal est un gâteau au chocolat vert). Le gâteau aux carottes est pour sa part une combinaison de glaçage au fromage à la crème et mousse de carottes sucrées, avec carottes confites. C'est malheureusement fait maladroitement.

Pour une bonne dose de glucide, je suggère plutôt le pain frais du jour aux herbes, qui arrive encore tout chaud à table. Miam.

Antidote

35, rue Belvédère Nord, suite 10

(La porte est sur le bas côté gauche de l'immeuble)

Sherbrooke

819 791-9117

> Prix: entrées entre 7 et 12$, plats entre 19 et 38$. Desserts à 7$ ou 8,50$.

> Vins: Jolie carte sans prétention, mais avec plusieurs importations privées d'agences pertinentes; on y a bu une bouteille intéressante de Château Cambon de la famille Lapierre importée par Rézin, par exemple.

> Service: Efficace, gentil. Quelques bons conseils pour le vin. On est dans un restaurant de type bistrot réinventé, mais on sent que la maison prend son travail au sérieux.

> Atmosphère: Aménagement rétro d'un style beaucoup vu ailleurs, mais néanmoins soigné, dans ce style néo-rustique urbain prisé d'une clientèle dans la jeune trentaine. Bon niveau de bruit, mais rien d'assourdissant.

(+) Un sentiment général que les propriétaires des lieux veulent bien faire les choses.

(-) Quelques maladresses en cuisine, surtout au dessert.

On y retourne? Si on est déjà à Sherbrooke, oui.

NOTE: Le restaurant est présentement fermé pour les vacances. Il rouvrira le 5 août.