Certains endroits se spécialisent dans la cuisine d'une région, d'autres dans un plat qu'ils accommodent à toutes les sauces. Ici, on a plutôt choisi une forme, la boulette, qui se prête à mille déclinaisons.

Ici? On est à la frontière de la Petite-Italie mais déjà ailleurs, à la lisière de ce secteur que l'arrondissement appelle Marconi-Alexandra et les habitués, Mile-Ex. Un quartier en pleine réinvention, dans lequel on ne craint pas d'adopter une raison sociale comme Ballpark à une époque où les terrains de baseball disparaissent les uns après les autres.

Il est vrai qu'il y a beaucoup de nostalgie dans la boulette. Elle nous ramène au spaghetti, ragoût de pattes ou autre plat en sauce familial, et aux moments de bonheur associés à ces festins tout simples. La nostalgie, toutefois, est un ingrédient délicat à manipuler, qui suscite des attentes souvent impossibles à satisfaire. Ballpark évite habilement cet écueil en proposant des versions très actuelles.

Ça donne parfois des résultats un peu déroutants, comme ces boulettes de porc au romarin sauce mangue. Porc-romarin et porc-mangue sont des évidences, mais les trois ensemble? Ce n'est pas une révélation. La boulette, viandeuse et juste assez humide, est néanmoins très bonne.

Heureusement, ça donne aussi des choses délicieuses, comme ces boulettes d'agneau accompagnées d'un tadziki bien aillé. Ou ces boulettes de poisson tout en chair, qui goûtent la mer et non la pomme de terre. Et même une poutine très réussie, garnie de boulettes de viande miniatures nappées d'une sauce d'un brun profond.

Certaines préparations, par contre, manquent de constance. Le bhaji, un beignet frit d'origine indienne à base de légumes et de farine de pois chiche, est une variation astucieuse sur le thème de la boulette, et les premiers que j'ai mangés ici étaient à se rouler par terre. La deuxième fois, hélas, la pâte et les oignons étaient sous-cuits à l'intérieur.

Même constat avec les boulettes de poulet «red hot et bleu», dont les saveurs se sont avérées d'intensité variable et la texture, parfois friable. Elles valent néanmoins le détour, car l'effet piquant allié au goût de fromage bleu rappelle fortement les ailes de poulet Buffalo. Et la salade américaine, avec son gros morceau de laitue iceberg, sa vinaigrette ranch maison et ses cubes de jambon, fait penser à la fameuse salade du chef figurant dans tous les restos au sud du 49e parallèle. En cette période où les chefs soulignent la moindre réinterprétation à grands traits fluos, ces allusions discrètes sont bien rafraîchissantes.

Le menu, assez succinct, propose aussi des accompagnements classiques, dont une très bonne salade de chou, des valeurs sûres, comme un risotto aux champignons ou un spaghetti pomodoro, et quelques ovnis. Nous n'avons pas osé la tartine savoyarde, mais le fenouil braisé aux anchois, un à-côté aux accents siciliens, est impeccable. Les éperlans frits accompagnés d'une mayo à l'harissa aussi.

Dans la catégorie «on ne vient pas ici pour les desserts», le Ballpark s'en tient à deux choix. Au sandwich à la crème glacée, nous avons préféré un dernier service de boulettes. Pesantes et compactes, garnies de dattes et enrobées de noix de coco râpée, les boules aux Rice Krispies n'ont rien à voir avec les carrés du même nom. C'est bon, mais tellement dense qu'on en mettrait dans ses poches pour partir en randonnée.

Le Ballpark tient un filon intéressant et son menu, uniquement à l'ardoise, lui donne toute la flexibilité voulue pour l'exploiter. On a hâte de voir ce qu'il en fera.

Le Ballpark

6660, rue Clark, Montréal438 384-6660

> Prix: Trois boulettes pour 7$. Entrées de 8 à 12$, à-côtés et autres plats de 3 à 12$, desserts de 3 à 5$.

> Carte des vins: Courte, mais intéressante. Les possibilités au verre n'étant pas nécessairement toutes indiquées, il est utile de se renseigner.

> Service: Sympa.

> Décor: Tables espacées, hauts plafonds décorés de lampes de table anciennes accrochées la tête en bas: un bel espace inondé de lumière à l'heure de l'apéro.

> Ambiance: Cool sans affectation. Clientèle jeune, qui vient en couple ou entre copains, mais parfois aussi avec les enfants.

(+) Un concept original aux possibilités quasi infinies.

(-) Les boulettes sont vendues par trois, toutes de la même sorte, ce qui, à moins de venir en groupe, ne permet pas d'en goûter autant qu'on le souhaiterait.

On y retourne? Sans hésiter.

Photo Bernard Brault, La Presse

Le bhaji, un beignet frit d'origine indienne à base de légumes et de farine de pois chiche, est une variation astucieuse sur le thème de la boulette.