Avec l'élection de Donald Trump, sa femme Melania est devenue un sujet de controverse majeur pour le monde de la mode aux États-Unis, et beaucoup de créateurs se refusent à habiller la Première dame, du jamais vu.

Habiller l'épouse du président est pourtant une occasion unique de visibilité, surtout lors de la cérémonie d'investiture. Michelle Obama est allée plus loin en en faisant un puissant outil de promotion en effectuant des choix pointus et poussant de petits créateurs.

Jusqu'au 8 novembre, toutes les discussions mêlant mode et élection présidentielle américaine portaient sur Hillary Clinton, favorite des sondages comme des designers. Melania n'intéressait personne.

Médusés par la victoire de son adversaire, beaucoup d'acteurs du petit monde de la création s'en sont pris à la seule cible à leur portée: la future «First Lady».

La Française Sophie Theallet, New-Yorkaise d'adoption, a été la première, mi-novembre, à dire qu'elle n'habillerait pas Melania Trump, en réaction à «la rhétorique raciste, sexiste et xénophobe utilisée par la campagne présidentielle de son mari».

D'autres ont suivi, principalement Marc Jacobs, Derek Lam, Phillip Lim et Christian Siriano.

«Personnellement, je préfère consacrer mon énergie à aider ceux qui vont être victimes de Trump et de ses supporteurs», a déclaré Marc Jacobs.

«Je ne me souviens pas d'autres exemples de designers refusant du travail de cette façon», explique Christina Logothetis, consultante en image et auteure du blogue The Style of Politics.

«Melania mérite le respect dont ont bénéficié les autres Premières dames», a fait valoir à l'inverse Diane von Furstenberg, designer mais aussi présidente du très influent syndicat américain de la mode (CFDA).

«Notre rôle, dans le monde de la mode, est de promouvoir la beauté, l'ouverture et la diversité», a-t-elle confié au site Women's Wear Daily.

Tommy Hilfiger, Calvin Klein, Carolina Herrera, Zac Posen et Thom Browne se sont également dits prêts à habiller Melania Trump.

«Elle s'habille très bien seule, je n'ai rien de mal à dire sur elle», a déclaré le couturier français Jean Paul Gaultier, pour qui «ce n'est pas une question de politique».

Goût pour les Européens

Pour avoir remercié, dans un tweet, la future Première dame d'avoir porté une robe noire D&G pour le réveillon du jour de l'An, le designer Stefano Gabbana a essuyé un déluge de critiques sur les réseaux sociaux.

«Je ne fais de discrimination envers personne et je cherche à respecter tout le monde», a dit le créateur italien au Corriere della Sera, «mais cela ne veut pas dire être d'accord avec leurs idées.»

Pour ceux qui ont fait part de leur opposition, la posture était avant tout symbolique, car Melania Trump n'est visiblement pas demandeuse, elle qui a acheté elle-même sur internet la plupart des tenues aperçues lors de ses dernières apparitions publiques.

En outre, ses choix se portent presque systématiquement sur des créateurs européens: des grands noms comme Gucci, dont elle a porté un ensemble fuchsia lors du premier débat entre Donald Trump et Hillary Clinton, Balmain ou Dolce & Gabbana, mais aussi la Serbe Roksanda Ilincic ou la Néo-Zélandaise, Britannique d'adoption, Emilia Wickstead.

Son mari partage d'ailleurs ce goût pour la couture européenne, lui qui affectionne les costumes de l'italien Brioni.

De manière générale, Melania Trump «semble aborder la question sur un plan purement esthétique» et «ne pas se préoccuper vraiment du designer», observe Christine Logothetis.

La rupture sera donc brutale, à plus d'un titre, avec Michelle Obama, très éclectique et prête, entre autres, à soutenir des couturiers noirs peu connus comme Duro Olowu et Tracy Reese.

Unité de couleur, coupes relativement sages, pas de motifs, d'ajouts ou d'accessoires, Melania Trump entend très clairement renouer avec l'élégance et la sobriété, incarnées, mieux que personne, par Jacky Kennedy.

Rien n'a filtré, à ce jour, de ses choix vestimentaires pour la cérémonie d'investiture, même s'ils sont nombreux sur les rangs.

«La Première dame devrait soutenir la mode américaine», a jugé la designer Vera Wang, «comme l'ont fait ses prédécesseurs».