Pour être bien franche avec vous, je n'allais pas à L'Épicurieux de Val-David pour en faire la critique.

Parfois, ça m'arrive de ne pas vouloir avoir un avis, de ne pas chercher d'histoire. Juste de vouloir prendre un bon repas. On m'avait dit que je devais absolument essayer cette table des Laurentides, et j'ai accepté parce que ça me tentait de sortir de la ville. Je suis partie sans rien «googler», laissant la journaliste à la maison.

Sauf qu'au bout de trois plats, peut-être même deux, j'avais déjà changé d'idée.

«J'aime trop ça pour ne rien écrire», ai-je confié à la personne qui m'avait convaincue de faire les quelque 75 km de route pour s'y rendre. Et qui voulait faire partager sa découverte.

Voilà longtemps que je m'étais laissée autant surprendre par une table aussi charmante qu'inattendue.

L'Épicurieux, c'est le restaurant de deux jeunes originaires des Laurentides: Dominic Tougas, un gars de Sainte-Agathe-des-Monts, en salle, et Fanny Ducharme, de Sainte-Adèle, la chef, une ancienne de la Cabane à sucre Au pied de cochon qui dirige maintenant l'équipe de Val-David derrière les fourneaux.

Ensemble, avec un troisième comparse à l'époque, ils ont lancé cet établissement en 2016. Cette année, une véranda surplombant la rivière, qui agrandit la salle à manger, permet aux convives de manger dans une ambiance fraîche et estivale, à l'abri des moustiques et de la pluie. Difficile d'imaginer plus sympathique pour profiter des belles soirées de cet été qui ne finit pas.

L'Épicurieux n'est pas un restaurant qui frappe l'imagination par son aménagement. Il y a du bois, des plafonds bas, une cuisine ouverte, de la pierre. C'est actuel, mais on sent que l'équipe a préféré mettre son énergie ailleurs que dans la déco: surtout dans la carte des vins - beaucoup de produits nature, modernes, de petits producteurs - et dans la cuisine, qui met de l'avant les produits régionaux le plus possible et ne prend aucun raccourci. Le niveau est élevé: produits de qualité, cuissons précises, saveurs épurées, bien agencées, présentations raffinées.

Une petite tarte aux crevettes, par exemple, lance le repas, rose et garnie de quelques pétales de pensées violettes. L'appareil est de yogourt, légèrement acidulé et la pâte, de sarrasin et de parmesan, salée, costaude, comme si la grange avait accueilli la mer. Le contraste sied bien à tous.

Arrive ensuite une tomate jaune, pelée, aux saveurs arrondies, approfondies par la chaleur fumée du barbecue. Elle est déposée sur de la ricotta maison, garnie d'arachides concassées, de feuilles d'origan, avec un peu de miel d'Anicet pour lier la vinaigrette. On est loin de la caprese ici, même si la combinaison de la tomate et du fromage blanc évoque ce classique de façon lointaine. Ici, tout repose sur le délicat agencement d'improbables acolytes qui se surprennent à être complémentaires. Un peu de croquant, un peu de gras, un peu de fraîcheur... De la tomate et des arachides? À essayer en sandwich.

Autre surprise: un carpaccio de boeuf qu'on appelle «carpa phô» parce qu'il évoque les soupes vietnamiennes. On présente en effet le boeuf en tranches fines, crues, avec des champignons armillaires de miel, de la citronnelle, du basilic, des fèves de soja germées, des oignons verts... Pourrait-on mettre moins de sauce hoisin (même si elle est maison), une concoction lourde, sucrée? Probablement. Mais le clin d'oeil est sympathique, et on aime la recherche.

Mon coup de coeur? Un tartare de veau sorti du champ gauche, lié à de la crème de noix de pin, servi avec du fromage Hermann en fines lamelles, des graines de moutarde confites, du fenouil, des oignons frits et une huile très, très verte à l'estragon, encore là une communion inédite de saveurs qui se fédèrent joyeusement, moelleusement, richement. Et d'entrée de jeu, n'importe quel plat qui célèbre autant les herbes fraîches aura mon assentiment.

Apparemment, les clients de la maison adorent les gnocchis au bleu d'Élisabeth, avec lardons, épinards et noix de Grenoble. On a insisté pour qu'on essaie ça. C'est effectivement fort savoureux et réconfortant. Mais peut-être pas idéal en pleine canicule.

Au dessert, la fête continue: essayez la glace au lait de chèvre avec rhubarbe et meringues au miel, évanescente. Ou encore, mon préféré, la tartine grillée avec fruits de saison - des prunes jaunes, des pêches, tout ce que vous voulez -, de la ricotta maison et du caramel qui est en fait une sorte de dulce de leche du petit-lait provenant de la fabrication de la ricotta. Un dessert peut-être un peu confus - contrairement à tout le reste -, mais gourmand et juste assez équilibré par les fruits frais, réussi comme tout le reste.

Photo tirée de la page Facebook de L'Épicurieux

Une véranda surplombant la rivière, qui agrandit la salle à manger, permet aux convives de manger dans une ambiance fraîche et estivale, à l'abri des moustiques et de la pluie.

Restaurant L'Épicurieux. 2270, rue de l'Église, Val-David. 819-320-0080. https://www.restolepicurieux.com

Notre verdict

Prix: Plats entre 9 $ et 19 $. Desserts entre 9 $ et 12 $. Formules le mercredi et jeudi: cinq plats à partager pour 30 $ par personne. Menu dégustation-découverte: 50 $.

Carte des vins: Essentiellement des vins «nature» ou bios, de petits producteurs évidemment. Bien expliquée par le serveur, qui peut faire des accords plutôt judicieux, au verre, avec les différents plats.

Service: Sympathique et professionnel, particulièrement compétent pour le service du vin.

Aménagement et ambiance: Cuisine ouverte, de la pierre, un plafond bas, une jolie véranda. Les vacanciers et autres gourmands du coin, autant milléniaux que boomers, remplissent bien la salle. Atmosphère joyeuse.

Plus: La qualité de la cuisine, des vins.

Moins: L'aménagement de l'espace n'est pas encore à la hauteur de la qualité de la cuisine.

On y retourne? Oui

Photo tirée de la page Facebook de L'Épicurieux

Fruits de mer du moment, yogourt, parmesan, sarrasin.