Caroline Dumas, la fondatrice de SoupSoupe qui a vendu sa chaîne de petits repas abordables du midi, s'est lancée dans un nouveau projet: un minuscule restaurant appelé Bloomfield et installé à Outremont dans la rue du même nom. Elle y veille sur ses clients le soir, comme jadis elle veillait sur eux pour le lunch. Avec, en prime, un comptoir ou plutôt un frigo de plats pour emporter.

Je m'y suis posée avec ma mère et ma fille il y a quelques jours. Et on a adoré, même si on est sorties de là avec nos vêtements imbibés des odeurs de cuisson.

Il faut dire que le lieu est étroit et que la cuisine est au beau milieu de cela. Ouverte, transparente. Caroline Dumas et sa fille Alexia Dumas-Malouf, les deux piliers des lieux, y proposent des plats simples, mais pour la plupart savoureux, adaptés aux envies des temps qui courent.

Il y a donc du végétarien et du végétalien, du sans gluten et du local, du frais, du léger et du réconfortant.

On ne va pas chez Bloomfield - ce qui signifie champ en fleur en anglais - pour un repas en tête à tête chic ou discret, mais pour une rencontre conviviale ouverte à la discussion avec tous.

Si j'habitais ou travaillais à côté de là, je finirais par devenir une habituée, c'est sûr.

Et je connaîtrais le nom des serveurs et ils connaîtraient mes habitudes. Et je ne me lasserais pas des tomates confites ou de la pieuvre braisée.

Le Bloomfield est plus qu'un bistro, c'est un moteur de vie de quartier.

On y mange des petits plats simples. Une salade du jour de haricots verts et de grelots encore tout croquants, accompagnés de l'acidité sucrée de tomates cuites au four doucement pour qu'elles concentrent leurs jus. Un potage tout doux au topinambour avec de la crème.

La pieuvre en vedette

Le plat vedette que le serveur nous a vanté, avec raison? Une pieuvre qu'on décrit comme grillée, mais semble surtout braisée, qui fond dans la bouche. On l'accompagne de lentilles, de chou fleur, de yaourt, de sumac, de persil et de menthe. C'est vaguement moyen-oriental, surtout réconfortant et savoureux à la fois.

On constate, en regardant le menu, qu'il a été conçu pour faire plaisir aux sans gluten et «végé» en tout genre. Ainsi, au lieu de servir du pain ou des pâtes, on privilégie les légumineuses, le riz.

Le plat de riz noir vénéré, par exemple, est quasi végétalien. Mais ce n'est pas le plus intéressant. Le riz lui-même est goûteux et bien cuit encore al dente, mais il n'a pas de bonne chimie avec les autres ingrédients, qui étaient de la mangue, de la tomate, des haricots verts et du chou rouge, le soir de notre passage. Une sauce de lait de coco? On aurait dit des ingrédients dépareillés en quête d'auteur.

Toute la table a, de loin, préféré la socca - une crêpe de pois chiches pour les sans gluten - à la burrata et à la poire, un mélange improbable qui, cette fois, s'harmonise joyeusement.

Pour les palais plus traditionnels, il y a une franchement très bonne assiette de palourdes, façon chaudrée déconstruite. On cuit les mollusques avec leur coquille dans une sauce légère au vin blanc et à la crème, avec des poireaux hachés, des morceaux de pommes de terre et des grains de maïs. Idéal pour une soirée pluvieuse d'automne où l'on a envie de penser à la mer.

Délicieux pudding chômeur

Pour tester les plats à emporter, on a commandé un hamburger qui a fait le voyage à la maison en pièces détachées, afin que chaque ingrédient demeure intègre, en commençant par le pain.

Le récipiendaire l'a englouti sans laisser le temps à la critique d'y goûter, mais en assurant tout le monde que c'était fort bon. Une chance que j'avais eu l'occasion d'essayer au moins à la sauce aux tomatilles. C'était un burger, certes un plat modeste, mais non sans un certain raffinement.

Pour le dessert, le gâteau du jour au chocolat sans gluten, avec chantilly et fraises, manquait de panache malgré son élégante légèreté. On optera plutôt pour LE fameux pudding chômeur de Caroline, l'objet de toutes ces discussions jadis sur la propriété intellectuelle des inventeurs de recettes. Celle-ci vient d'une grand-maman qui remplaçait tout le sucre brun ou blanc de la version traditionnelle par du sirop d'érable. Cela crée une saveur profonde que l'on ne retrouve pas toujours dans les versions habituelles et une croûte craquante caramélisée. Au-delà de la controverse, le dessert est délicieux.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE

Le pudding chômeur se démarque par le fait que le sucre blanc ou brun est remplacé par du sirop d'érable.

Bloomfield. 1199, rue Van Horne, Montréal. 514 277-1001, https://www.facebook.com/restaurantbloomfield/

Notre verdict

Prix: Plats à partager ou pour soi-même entre 5 $ et 18 $. Desserts entre 2 $ et 6 $.

Carte de vins: Toute courte, mais soigneusement choisie. Prix très raisonnables. Vins naturels, bio, en biodynamie, etc.

Service: Sympathique, un brin chaotique, sincère.

Ambiance: Très convivial. Le lieu est tout petit. On ne peut pas y aller en grand groupe.

Concept: Un resto très simple pour casser la croûte sur place ou emporter des plats.

Plus: L'accueil, l'ambiance et la cuisine.

Moins: Il faut absolument corriger la situation de l'aération

On y retourne? C'est sûr!

Photo André Pichette, La Presse