Mehdi Brunet-Benkritly est de retour. Le chef formé au Toqué! qui nous a ravis à l'ouverture du Réservoir avant d'épauler solidement Martin Picard au Pied de cochon, pour mieux partir à New York il y a six ans où il a piloté le Fedora et Chez Sardine dans West Village, est revenu à Montréal.

Avec sa femme américaine spécialiste du cocktail Molly Superfine-Rivera, il vient d'ouvrir Marconi, avenue Mozart Ouest, dans cette zone où le Mile-Ex devient la Petite Italie.

Voilà une bien bonne nouvelle pour la métropole qui gagne un talent et en retrouve un autre, formé dans de grandes cuisines et maintenant à la grande école des affaires qu'est Manhattan...

On aime.

Décoré de façon hyper chaleureuse, à la fois joliment vieillotte et très actuelle - pensez plafond en métal frappé original ou lampes de verre anciennes récupérées et tuiles blanches façon métro de Paris -, et installé dans un ancien magasin général abandonné pendant 45 ans, le Marconi est résolument nord-américain. On est à des lieues du gracieux minimalisme qui suggère le hygge plutôt à la scandinave façon Butterblume ou Café 8 oz.

Ici, l'aménagement mis en place avec l'aide du designer Zébulon Perron est explicite, rempli, appuyé, comme il l'est quand les restaurateurs de la grande ville américaine embauchent des décorateurs de Broadway plutôt que des architectes pour créer des ambiances. Sauf qu'ici pas mal tout est authentique.

Dans l'assiette, Brunet-Benkritly est totalement fidèle à lui-même. C'est riche, déjanté, coulant, moelleux, onctueux. Les influences se croisent et dansent en charmants duos. Des contrastes de textures sont parfois présents pour appuyer les saveurs mais tout en bémols, car le style général est dans la douceur.

La création la plus spectaculaire? Un pot de crème à la courge avec crumble et truffe noire du Périgord, en saison actuellement.

L'idée peut sembler baroque, mais entre les saveurs sucrées et épicées de la courge cuite avec un soupçon de muscade et de girofle, avant d'être intégrée à la crème, le croquant du crumble et le parfum des fameux champignons, tout s'emboîte comme un gentil puzzle pour les papilles. Et la truffe tombe juste à point, subtilement marquée comme elle doit l'être. Effacez de votre mémoire gustative l'arrogance envahissante de l'huile de truffe aux parfums synthétiques. On est ici plutôt dans l'élégance séduisante.

Pour le repas, on choisit des plats qu'on partage. Comme un plat de hoummous servi avec des carottes mi-cuites caramélisées et à peine ponctuées de l'acidité ensoleillée du sumac. Ou encore un omble de l'arctique mariné dans du zeste de lime, un peu de sucre et de sel - pensez léger, léger gravlax - et servi dans un esprit japonais avec dashi, lanières d'algues nori et riz croustillant.

Le chou de Bruxelles, légume redécouvert ces derniers temps, séjourne au four ou en friture pour finir dans un plat garni d'amandes, de raisins secs et de yogourt au cari. Ces ajouts, incluant de fins croûtons, bifurquent des sentiers battus et amènent ailleurs ces petites crucifères.

Plat plus difficile: un toast au pain beurré aux escargots avec «raclette» et moelle de boeuf, où malheureusement la moelle - et les escargots dans une moindre mesure - se perd sous la lourdeur du fromage, comme si sa saveur et sa texture étaient trop subtiles pour affronter le fromage fondu. Même l'abondance de persil frais et de fines tranches d'oignons marinés n'allège pas la donne.

À ne pas rater: le boeuf roulé dans le chou servi avec une purée de courge. Un vrai plat d'hiver réconfortant et savoureux, qui fond dans la bouche. L'agneau confit déposé sur une sauce bolognaise avec crème d'ail et spätzle - nouilles allemandes - fait aussi partie de ces plats riches qui ravissent discrètement. C'était surtout juste bon. Et approprié pour la saison.

Vous aurez compris qu'on ne va pas chez Marconi pour manger de la salade ou des déclinaisons de piquant et d'acidité. C'est tout l'inverse. Hâte de voir le chemin que cette cuisine suivra avec les saisons.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Ici, l'aménagement mis en place avec l'aide du designer Zébulon Perron est explicite, rempli, appuyé, comme il l'est quand les restaurateurs de la grande ville américaine embauchent des décorateurs de Broadway plutôt que des architectes pour créer des ambiances. Sauf qu'ici pas mal tout est authentique.

Marconi. 45, avenue Mozart Ouest, Montréal, 514 490-0777, http://marconimontreal.com/

Notre verdict

Prix: Amuse-bouche entre 4 $ et 5 $, petits plats entre 12 $ et 15 $, plats plus costauds entre 22 $ et 28 $.

Carte de vins: Très intéressante avec toutes sortes de crus naturels d'origines très variées. Cocktails recherchés et ravissants, incluant des créations sans alcool.

Service: Chaleureux et sympathique, mais quelques petites lenteurs typiques des restaurants qui sont encore en rodage.

Aménagement et ambiance: Une quarantaine de places dans un espace très chaleureux, aménagé en mettant en valeur le côté vieillot du lieu. Dès son ouverture, le restaurant se remplit et l'ambiance est joyeuse. On y retrouve autant des copines partageant une soirée joyeuse qu'un adepte de sport extrême en tête à tête.

Plus: L'ambiance chaleureuse, la cuisine savoureuse. Les prix doux.

Moins: Lenteurs dans le service, beaucoup de plats riches qui nous font parfois chercher, le croquant, le vitaminé, la légèreté.

On y retourne? Bien sûr.

Photo Bernard Brault, La Presse