Aller à Tétreaultville pour du poulet rôti? On a la gourmandise curieuse ou on ne l'a pas. Si le New York Times envoie ses lecteurs découvrir la Plaza St-Hubert, je ne vois pas ce qui nous empêcherait de nous aventurer au-delà du métro Honoré-Beaugrand pour goûter quelque chose de différent.

C'est ce que je me dis depuis que la collègue Ève Dumas nous a parlé de ce petit resto ouvert par un couple issu du milieu (Joe Beef et L'Orignal pour lui, Au Pied de cochon pour elle) dans un ancien local plus réputé pour les poitrines de ses serveuses que pour celles de ses poulets. Une jolie histoire, symptomatique à la fois du dynamisme de la scène culinaire montréalaise et du manque d'espaces commerciaux abordables dans les quartiers centraux. Mais au-delà de l'histoire, qu'en est-il de l'assiette?

Voilà un restaurant comme on aimerait en avoir dans tous les quartiers. Un endroit sans chichi, où l'on peut manger une cuisine à la fois familière et unique en son genre. Le poulet rôti a la cote, et entre les chaînes, les petits indépendants et les grilladeries portugaises, on a l'embarras du choix à Montréal. Si vous voulez vous lancer dans la mêlée, vous avez intérêt à proposer quelque chose de nouveau. C'est ce que fait le chef Omar Zabuair, d'origine pakistanaise, avec son poulet à la tandoori.

Sous la peau craquante et rougie par les épices se cache une chair goûteuse, juteuse et cuite à la perfection. Une version résolument différente, mais qui fournit tout le réconfort attendu du poulet rôti.

Les côtes levées ne sont pas banales non plus. Les côtes détaillées individuellement sont servies légèrement panées. J'étais sceptique, mais je dois reconnaître que ça marche. N'étant pas fan de côtes sucrées, j'ai choisi la version Buffalo plutôt que Carolina (vinaigrées et sucrées). Savoureuses et juste assez relevées, elles auraient cependant dû cuire davantage pour gagner en souplesse.

Le triumvirat classique salade de chou-pain-frites accompagne les assiettes. Rond, blond, dodu et moelleux, le petit pain aux oeufs maison est irrésistible. Les frites dorées, brûlantes et croustillantes, sont impeccables.

Poutine décadente

La poutine est devenue une épreuve imposée dans la restauration montréalaise: il ne suffit plus de l'inscrire au menu, il faut y mettre de la personnalité. La Poutine du Coq remplit le mandat. Cette assiette parsemée de morceaux de poulet, flanquée d'un pilon passé à la friteuse et nappée d'une fabuleuse sauce à base de fond de poulet est juste assez décadente.

C'est tout? Presque. L'ardoise ajoute quelques options à la courte carte. Nous nous sommes régalés d'une entrée de choux de Bruxelles aux accents moyen-orientaux - parfumés d'une sauce au tamarin et accompagnés de pois chiches, de concombres, de yaourt et de raisins de Corinthe. Sans oublier la menthe qui, dans ce plat comme dans plusieurs autres, ajoute une note de fraîcheur plus que bienvenue.

Le chou farci (du riz basmati au poulet enveloppé de chou de Savoie) servi avec une saucisse de porc manquait par contre d'assaisonnement. Heureusement, la délicieuse sauce au fond de volaille qui l'accompagnait faisait un peu diversion. J'ai d'ailleurs retrouvé cette sauce avec bonheur au brunch, où elle accompagnait une variante maison du fameux «chicken and waffle» américain - ici, du poulet pané et un oeuf sur une gaufre avec du sirop d'érable.

Soyons clair: ce n'est pas une adresse pour un souper chic ou en amoureux. Mais si vous êtes du genre à vous aventurer sur les routes de campagne juste pour découvrir un petit resto pittoresque et quelque peu différent, c'est un endroit à visiter.

Le coq de l'Est. 8803, rue Hochelaga, Montréal. 438 385-9455. Page Facebook

Photo ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Notre verdict

Prix: plats de 12 à 29 $, accompagnements de 5 à 7 $.

Carte des alcools: courte mais suffisante. Quelques cocktails, quelques bières en bouteille, une dizaine de vins corrects, plusieurs offerts au verre.

Service: gentil et attentif.

Ambiance: minimale. Cuisine aux allures de diner donnant sur une salle à manger décorée de coqs, de conserves en bocaux, de vinyles et de vieux trophées de chasse.

Plus: Un resto de poulet rôti qui s'aventure hors des sentiers battus.

Moins: Le décor, un peu tristounet.

On y retourne? Commencez d'abord par vous y rendre...

Photo ÉDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE