Il y a trois ans, j'ai écrit au sujet du restaurant Orange Rouge, dans le Quartier chinois, un texte rempli de déception. Le genre qui brise le coeur. Un super lieu, une super équipe. Mille raisons d'aimer l'idée. Mille désirs d'adorer. Mais l'ensemble ne marchait pas, notamment parce que le chef, un bon chef, n'était juste pas à sa place dans un établissement voulant proposer de la cuisine asiatique moderne.

Trois ans plus tard, après y être retournée plusieurs fois depuis l'arrivée de Minh Phat Tu (un ancien du Club Chasse et Pêche et du Filet) aux commandes de la cuisine, j'ai l'immense plaisir d'écrire qu'Orange Rouge est vraiment devenu ce qu'on attendait.

D'abord, le lieu est toujours aussi charmant. Un espace aux hauts plafonds dans un coin du Quartier chinois, avec du noir partout, des lignes simples, un immense crabe rouge qui domine la scène, dramatique, un bar et quelques notes chaleureuses. Des photos, des lampes douces. Ensuite, l'équipe est toujours aussi sympathique et souriante. Et efficace, une qualité le midi.

Et finalement, la cuisine est maintenant franchement délicieuse et comble les attentes, s'agence avec tout le reste.

Commencez, par exemple, par une salade de feuilles de chrysanthème, fines et dentelées comme de la roquette, mais moins arrogantes. Ou alors par une salade de papaye verte, qui arrive toute croquante, avec des arachides et de fines lamelles de carotte, beaucoup de bouchées si fraîches qu'on oublie de reprocher leur fadeur aux copeaux de boeuf séché.

Ensuite, le plat de boeuf saignant aux légumes - shiitakés, bok choy, rondelles d'oignon frites croquantes - fond dans la bouche. Vraiment, le genre de viande à peine grillée qui se mange presque à la cuillère. Tout comme le thon albacore pêché avec respect sur la côte ouest, que l'on sert avec un riz au sésame et aux algues nori émiettées, des feuilles de laitue bien vertes, des oignons marinés et un oeuf de caille cuit dur. Là, c'est le contraste des textures qui charme et donne envie de constamment replonger dans l'assiette.

Et pour faire plaisir à l'amatrice de cèpes, pleurotes et autres armillaires en face de moi, on choisit un bol de champignons noirs chinois en accompagnement. Oh que cette texture est intéressante. À la fois moelleuse et croquante, dodue et soyeuse... Et comme on a réhydraté le tout dans une marinade juste assez salée, on se surprend à tout dévorer, surtout que les quelques shiitakés mis en contrepoint apportent eux aussi juste assez de notes boisées. 

En janvier, ce genre de contraste entre le réconfort et la fraîcheur ne peut laisser de glace.

Délicieux desserts

Souvent, dans les restaurants asiatiques, le dessert ne fait pas l'objet d'attentions particulières, mais ici, oui. On propose, par exemple, un pudding au riz au lait de coco servi avec un praliné d'arachides préparé avec du riz noir très croquant, au léger goût torréfié. Ce n'est pas super joli, mais c'est franchement sympathique. Et roboratif. On offre aussi des beignets maison croquants et costauds malgré leur petite taille, déposés, le jour où nous y sommes allées, sur une généreuse dose de dulce de leche; ceux-là, par contre, étaient vraiment jolis et bien présentés.

Bref, de bien belles et bonnes assiettes, qu'on accompagnera de genmaicha - thé aux grains de riz grillés - ou de thé au jasmin de Camellia Sinensis, une autre délicate attention. Le soir, on boira un morgon du Domaine Marcel Lapierre ou un vin de la maison Argyros à 38 $... La carte des vins, composée à 80 % de crus choisis par l'agence Oenopole, est courte, mais impeccable. Et les prix ne sont pas démesurément gonflés. On aime ça aussi. En plus de tout le reste.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Orange Rouge. 106, rue De La Gauchetière Ouest, Montréal. 514 861-1116. www.orangerouge.ca

Notre verdict

Prix: snacks à 4 $ ou 8 $. Salades entre 7 $ et 9 $. Plats entre 10 $ et 20 $.

Carte des vins: Courte, mais franchement impeccable et à prix raisonnables. Plusieurs options au verre.

Service: Sympathique et efficace.

Décor et ambiance: Déco à la fois actuelle et ancrée dans l'esprit de la cuisine et du quartier. Le midi, les travailleurs du Vieux-Montréal et des rues avoisinantes, qu'ils soient créatifs ou fonctionnaires, s'y retrouvent pour manger délicieusement et rapidement. Le soir, on traîne au bar, on relaxe en se rappelant les meilleures scènes d'In the Mood for Love de Wong Kar-wai.

Plus: La modernité de l'esprit du lieu, l'attention aux détails.

Moins: Il faudrait peut-être des coussins sur la banquette...

On y retourne? Bien sûr.

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