Proposer une cuisine de bistro totalement exempte des neuf familles d'allergènes les plus courants? Un défi plus difficile à relever qu'il n'y paraît, montre l'expérience du Zéro8.

Il y a des restos qui travaillent exclusivement avec des ingrédients locaux, ou presque. D'autres qui excluent la viande et les poissons - ou même tous les produits d'origine animale, oeufs et produits laitiers inclus. Des choix qui sont autant de défis culinaires, car peu importe les principes auxquels un établissement adhère, les attentes restent les mêmes. La cuisine se doit, au minimum, d'être appétissante et savoureuse, et, idéalement, capable de plaire à une clientèle diversifiée, puisque végétariens, végétaliens et locavores ont des proches qui, sans partager leurs impératifs alimentaires, n'en souhaitent pas moins partager leur table.

Mais comment s'en sort-on lorsqu'on décide de servir une cuisine entièrement exempte de poissons et de fruits de mer, d'arachides, de noix et de graines de sésame, de produits laitiers, d'oeufs, de soja, de gluten et de moutarde? Qu'on a aussi fait une croix sur les légumineuses parce que plusieurs personnes allergiques au soya sont sensibles à au moins une autre légumineuse? Qu'on a éliminé toutes les épices (sauf le poivre, moulu sur place) parce que plusieurs présentent des traces trop importantes de gluten?

Le plaisir, tout simplement

Devant tant de contraintes, certains auraient usé d'une créativité débridée et proposé des plats jamais vus pour éviter le piège des comparaisons. Le patron, Dominique Dion, qui est atteint de la maladie coeliaque et d'intolérance au lactose, a privilégié une mission plus simple, mais plus rassembleuse: redonner aux gens qui souffrent d'allergies et d'intolérances alimentaires le plaisir d'aller au restaurant. Le menu ressemble donc beaucoup à celui d'un bistro de quartier, avec des valeurs sûres (burgers, poitrine de poulet, steak-frites), quelques viandes plus recherchées (canard, bison), un menu pour enfants intéressant et une gamme de prix raisonnable.

Est-ce bon? Oui. Est-ce emballant? Pas à tout coup.

Le canard fumé maison servi en entrée est remarquable. Aux antipodes des canards fumés séchés tranchés très minces vendus en épicerie, la chair rosée tranchée épaisse a gardé ici toute sa souplesse et retenu juste assez de fumée pour chatouiller les papilles sans les saturer.

En plat principal, la bavette de bison s'est avérée très tendre, et sa cuisson, demandée médium-saignant, était à point. L'étagé de légumes grillés (courgette, poivron rouge, portobello et oignon agrémenté de pesto de basilic et d'une sauce tomatée) servi à ses côtés est un accompagnement simple, mais bienvenu. Et les frites assaisonnées, que l'on retrouve par bonheur avec plusieurs plats, sont très réussies. Dorés, croustillants et servis brûlants, ces gros bâtonnets de pomme de terre procurent tout le plaisir qu'on attend d'une portion de frites.

Résultats inégaux

Ce n'est malheureusement pas le cas de tous les classiques proposés ici. Malgré les efforts de la maison, qui prépare son propre pain chaque jour avec la recette à base de tapioca, de millet et de coco qu'elle a élaborée, je n'ai pas retrouvé dans mon assiette de burger d'agneau la joie gourmande anticipée. Est-ce à cause du pain pâle et plat? Du ketchup maison, trop vinaigré à mon goût? De l'impossibilité d'ajouter quelque moutarde (allergène!), sauce à base de mayonnaise (oeufs!) ou fromage (produit laitier!) que ce soit? Plutôt la somme de ces contraintes, en fait. Malgré la belle roquette et la généreuse portion d'oignons caramélisés, trop d'éléments manquaient à l'appel pour que je retrouve le plaisir élémentaire d'un hamburger.

Cela dit, même à l'intérieur du cadre très exigeant que la cuisine s'est imposé, des aspects pourraient être améliorés. La purée de courge proposée en accompagnement, par exemple, aurait certainement pu être plus onctueuse. Au dessert, la poire pochée aurait dû être cuite davantage, car sa dureté la rendait presque impossible à couper à la cuillère. Et si la crème caramel à base de coco est savoureuse et onctueuse, elle serait plus agréable à l'oeil et au palais sans sa garniture de graines de citrouille qui, de toute façon, perdent leur croquant au contact du flan.

Si le Zéro8 était un simple bistro de quartier comme tant d'autres, je ne vous enverrais pas traverser la ville pour l'essayer. Mais pour qui se prive d'aller au restaurant à cause de ses allergies alimentaires, ou de celles de ses enfants, c'est un détour qui permet de retrouver ce plaisir en toute confiance.

Photo Olivier PontBriand, La Presse

La cuisine du Zero8 est exempte des neuf principaux allergènes et fait tout son possible pour accommoder les allergies et intolérances à d'autres ingrédients, mais certaines propositions gagneraient à être retravaillées.

Notre verdict

Zéro8. 1141, rue Bélanger, Montréal. 438 795-3312. www.zero8.com

Prix: Entrées de 6,95 $ à 11,95 $, plats de 15,95 $ à 27,95 $, desserts de 6,95 à 7,95 $.

Carte des vins: Sélection grand public: entièrement offerte à la SAQ avec un souci d'offrir des bouteilles à prix raisonnables - les plus chères sont entre 40 et 45 $.

Service: Accueillant et inclusif. On est agréablement surpris de voir toutes les questions et demandes de changements d'ingrédients traitées comme la chose la plus naturelle du monde.

Atmosphère et décoration: Style bistro de quartier - murs clairs, chaises noires et tables de bois assez espacées pour qu'on s'entende parler.

Plus: Une cuisine exempte des neuf principaux allergènes, et qui fait tout son possible pour accommoder les allergies et intolérances à d'autres ingrédients.

Moins: Certaines propositions gagneraient à être retravaillées.

On y retourne? Avec des proches qui se privent d'aller au resto à cause de leurs allergies.

Photo Olivier PontBriand, La Presse

Le menu du Zero8 ressemble beaucoup à celui d'un bistro de quartier, avec des valeurs sûres (burgers, poitrine de poulet, steak-frites), quelques viandes plus recherchées (canard, bison), un menu pour enfants intéressant et une gamme de prix raisonnable.