Si vous n'avez jamais réussi à obtenir une réservation à la Cabane à sucre Au Pied de cochon ou à la Cabane aux pommes Au Pied de cochon (sa version automnale), il y a maintenant une troisième option: le brunch d'Au Pied de cochon.

Ce n'est pas à la campagne, à Saint-Benoît comme la cabane, cela se passe plutôt rue Duluth à Montréal, à la société mère d'Au Pied de cochon, et c'est seulement le dimanche pour encore quelques semaines, le plan final n'étant pas totalement arrêté.

Mais l'équipe qui veille sur ce repas hebdomadaire éclaté, servi sur des guéridons à roulettes, comme les dim sum, est celle qui travaille à la cabane à sucre, sous la houlette du jeune chef Vincent Dion et dont l'âme sucrée est, comme à la cabane, l'incontournable pâtissière Gabrielle Hiller.

Sachez tout de suite qu'on ne peut pas réserver de table, ce qui veut dire qu'il est impossible de se faire dire que c'est déjà plein. Est-ce nécessaire d'attendre en queue pendant des heures? Difficile de vous le dire. J'y suis allée deux fois et je n'ai jamais attendu bien longtemps. Oui, on m'a reconnue une fois rendue sur place, mais ce n'est pas pour cela que la table s'est libérée rapidement. C'est réellement parce que ce n'était pas plein, ce qui m'a étonnée, vu la popularité d'Au Pied de cochon et vu la qualité de ce qui est servi.

J'aimerais vous raconter en détail chaque bouchée que j'ai savourée, mais il règne toujours dans les repas signés Au Pied de cochon une sorte de confusion pantagruélique. Les plats arrivent en roulant à table, on choisit un truc ici, un autre là. La rapidité du service, l'abondance, une certaine communion de saveurs riches et salées et sucrées fait qu'on perd un peu le fil pour se rappeler, de façon générale, que tout est très bon, très cochon.

Je me rappelle, par exemple, un pain perdu qui apparaît avec du foie gras râpé, une combinaison richissime qui fond en bouche. Je me souviens de travers de porc costauds, de dumplings au homard et d'autres aux cretons savoureux incarnant joyeusement une improbable rencontre québéco-chinoise. Il y avait aussi une création de type oeuf bénédictine combinant saumon fumé, oeuf, pain, mais aussi creton, puis de crêpes frites et soufflées, légères et croustillantes, qu'on a juste envie de tremper dans une mare de sirop d'érable. Je me rappelle une pièce montée de profiteroles à la glace à la citrouille et à la banane, une fondue au chocolat... Ensuite, une tête de saumon laquée à l'érable, gigantesque, spectaculaire, qu'on finit par manger avec les doigts tellement c'est bon et tellement il faut fouiller un peu partout dans la carcasse pour aller chercher chaque petit morceau de chair douce et sucrée. Je me rappelle (ciel!) un oeuf d'autruche - immense -, et le contenu de la coquille devenu une décadente sauce soyeuse et grasse, presque trop, comme une mayonnaise dans laquelle on aurait ajouté des morceaux de foie gras poché et du homard. Un spectacle un peu cher - 95$. Je me rappelle enfin le prosciutto surprenant, très savoureux, voire un peu fort, fait maison, avec les cochons qui se nourrissent de restants de cuisine aux abords de la cabane.

Ce que je me rappelle aussi, à part les croissants aux amandes et à l'érable - à la fois hyper feuilletés et hyper crémeux, lourdauds mais sympathiques -, c'est la brioche au beurre d'érable. Comment l'oublier? Moelleuse, légère, couverte d'une généreuse couche d'un parfait beurre d'érable, juste assez lié, explosant des saveurs de notre sirop national. Le genre de création qui confirme la place culturellement importante que la pâtissière Gabrielle Hiller est en train de prendre sur la scène gastronomique québécoise. Bien qu'aux antipodes côté personnalité, elle semble en effet dotée d'une version sucrée de la créativité culinaire de Martin Picard, pilote d'Au Pied de cochon: mêmes réinventions brillantes qui font rayonner, exploser des airs québécois connus, même façon d'exprimer terroir et traditions non pas comme ils sont, mais comme on rêve qu'ils soient.

Comme toujours, au Pied de cochon, on finit par avoir trop de tout, donc on rapporte des assiettes à la maison.

On se dit en sortant qu'on a trop mangé. Et alors?

Et alors rien du tout. C'était délicieux. On a eu du plaisir. On en repart heureux. Et surtout, on a vu ce que pouvaient devenir nos traditions quand on les déniaise, quand on les bichonne, quand on les laisse être transportées par l'imagination de quelques gourmands qualifiés et joliment fous.

Brunch d'Au Pied de cochon

536, rue Duluth

Montréal

514-281-1114

> Prix: Plats à la carte entre 2$ et 10$ (95$ pour l'oeuf d'autruche).

> Carte de vins: C'est celle d'Au Pied de cochon, vaste et remplie de bons crus, notamment des Français naturels sérieux et de grands classiques.

> Service: Le concept est celui de plusieurs restaurants de dim sum. Des serveurs et serveuses se promènent avec des guéridons roulants en transportant des plats. On regarde, on choisit et le serveur ou la serveuse note sur une facture ce que l'on a pris, au fur et à mesure.

> Concept: on réinvente les classiques des petits-déjeuners québécois, comme les fèves au lard, les crêpes, le pain doré, les cretons, etc., avec panache.

(+) On ferait quelques kilomètres à genou pour la brioche au beurre d'érable.

(-) Pas été totalement convaincue par l'oeuf d'autruche. Préféré tout le reste.

On y retourne? Absolument.