Tout le monde a parlé de ce restaurant, et les échos en ont été excellents. Accords est une adresse qui a du bagout, une maison qui encourage le côté ludique et léger de la gastronomie, avec une carte des vins absolument remarquable.

Ici, en fait, le vin est l'égal du plat, autour duquel on vous demande de réfléchir. Chaque bouchée peut donc s'accompagner d'un vin ou deux, son «accord» ou son «désaccord», selon que l'accord est classique ou peu orthodoxe. On peut aussi choisir deux demi-verres de l'une et l'autre proposition et ainsi faire ses propres comparaisons, en discuter avec les sommeliers, faire des découvertes; en un mot, s'amuser en mangeant.

Accords s'est établi comme l'un des rares bars à vin sérieux du Vieux-Montréal. Dans le local en sous-sol, on a gardé les beaux murs de pierre grise qui sont la marque des maisons du quartier, mais tout le reste est nouveau, contemporain, chic sans être inutilement mondain. Chaque table est ceinturée de rayons remplis de bouteilles, comme une bibliothèque au milieu du salon, l'effet est harmonieux.

À la carte du jeune chef Marc-André Lavergne, les intitulés sont aussi ludiques que le jeu des vins. Métaphores, jeu de mots, calembours: le boudin devient «blood me tender», le canard devient «pédant» et on glisse aussi une petite maxime «poire qui roule n'amasse pas mousse» pour la finale! Mais ce n'est pas que sur des promesses de l'esprit que l'on juge la cuisine. Elle se montre décidée et solidement prise en main à travers des plats hautement cravachés; c'est une cuisine de plats cinglants, hésitant entre la superbe et la grâce. Le jeune chef qu'on avait connu il y a deux ans a acquis une vraie maturité. C'est beau à voir (et à goûter, on ne mentira pas).

Nous y allons sur le boudin tranché qui repose tranquillement sur une mousseline de pommes de terre exquise et aérienne, et garnie de dés de rutabaga braisés et de lardons. Les éléments sont en place, ils sont compatibles, ce parfum terreux, ces notes de sous-bois dans la sauce, tout ça a le goût de l'humus et aura besoin d'un sacré soutien. Philip Morriset, le sommelier, a inscrit deux vins différents, l'un du Piémont, jeune et fougueux (l'«accord»), et l'autre, un blanc de Loire aromatique (le «désaccord»). Puis on déguste à chaque bouchée, on commente, on entre en dissension. En entrée toujours, des ris de veau sont poêlés et caramélisés, déposés dans une coquille feuilletée, à la manière d'un vol-au-vent sur un écrasé de topinambours, et coiffé de croustilles de topinambours. Il y a de la texture, mou et dur, du coulant et du craquant. C'est un travail soigné, les ris sont tendres et bien nacrés, cuits comme il faut.

En plat, le cerf de Boileau en deux temps, cru en tartare avec une surprenante glace à la moutarde, puis le filet cuit (mais à peine saisi), frotté au cumin et présenté autour de dés de topinambours et de pommes sautées. Là encore, c'est de la gastronomie qui amuse (mais c'est du sérieux) et qui a de l'élan, la viande joue de textures et de couleurs, condimentée de manière vaguement orientale ou acidulée de façon légèrement troublante, cela demande des vins herculéens qui savent jeter de la lumière sur les parfums, de manière un peu oblique, comme un éclairage indirect. Ce sera un exercice tout aussi intrigant avec la cassolette de lapin: le râble roulé en saucisson et des boulettes de lapin  pour moi une première  un peu de mozzarella de buffala fondu, et une sorte de piperade de poivrons rouges, d'oignons braisés et de dés de chorizo. Pour les vins, nous irons en Grèce, dans les Canaries, puis en Loire, ce sera un beau voyage et les parfums seront envoûtants.

Trop souvent les desserts font plouf! dans ce genre de resto. Ici, au contraire, on les a bichonnés, les compositions sont fraîches et voluptueuses. Par exemple, ce petit gâteau au chocolat blanc, couvert d'une mousse de marrons, de crème fouettée (un doigt), un trait de purée de bleuets, une glace à l'érable, vous imaginez le look! Un petit pincement au coeur pour terminer l'année à cet Accords?

Accords

212, rue Notre Dame O. 514-282-2020

>Prix: Bien que le prix des plats soit raisonnable pour cette qualité, celui des vins fera sans doute grimper l'addition. Si vous êtes circonspects, vous pouvez très bien vous en tirer pour 140$ à deux, tout compris. Entrées autour de 15$, plats au double. Desserts à 8$.

>Faune: Elle semble chercher la finesse de qualité. Traitée aux petits oignons, un brin snob, belle à voir. Sans son téléphone!

>Service: Impeccable, policée et pilotée par une équipe du tonnerre.

>Carte des vins: Les vins au verre (certains très bons) sont facturés en moyenne entre 12 et 15$. La sélection est assez époustouflante, l'une des meilleures en ville, c'est dire.

+ Cuisine limpide, vins, ambiance bon enfant.Le personnel.

- Un peu froid si le lieu est vide!

On y retourne? Au prochain remboursement d'impôt ou à notre anniversaire.