Peppino Perri a une réputation impeccable, certains diraient même inattaquable. Ce chef d'origine calabraise prépare la cuisine comme s'il était né dedans, avec une aisance et une simplicité de touche remarquables. C'est manifestement quelqu'un qui aime faire la cuisine.

Il a travaillé au Latini dans les premières années, puis il a ouvert l'Altro, et enfin le Sapori Pronto, qui a généré de beaux souvenirs et pas mal d'émotions gastronomiques au fil des années. On y préparait une cuisine limpide, sans agaceries d'alginate, plus campagnarde-élégante que chic-urbaine avec des produits de grande qualité, des huiles d'olive magnifiques, des légumes d'une fraîcheur toujours irréprochable et, ordinairement en saison, des pasta et des plats de viande et de poisson à la cuisson ultra-maîtrisée. Bref, une cuisine techniquement époustouflante.

Dans le nouveau-né des cendres à peine refroidies de l'ancien, nous espérions retrouver un peu de ces productions admirables. Certes Ridi, dans un écrin difficile à écrire tant il est bizarre, moderne, évoquant un peu les surfaces plastifiées des années 70 à Las Vegas, le verre et les lignes dures et droites, les banquettes en cuir blanc en forme de demi-lune, est une signature assez unique en ville. Mais ce décor sans âme qui plaira sans doute aux amateurs de l'ostentation ne sert pas très bien le genre de cuisine que prépare habituellement M.Perri.

On éprouve aussi un malaise devant une carte trop académique, avec des propositions qui manquent un peu de candeur, une autre des vertus que nous accolons à Peppino. C'est que chez Ridi, on s'adresse avant toute chose aux gens de passage (friqués, je vous préviens), et qui habitent à l'hôtel dans lequel se trouve le restaurant. Cette faune a des goûts un peu particuliers, faits d'un désir de déguster ce qui est à la mode. Mais la cuisine italienne, quand elle est faite dans les canons sacrés, est une cuisine hors mode, justement. C'est ce qui la rend si attrayante. En tout cas, elle fait de gros clins d'oeil à la française même si les produits de base restent généralement italiens. Du homard, du filet mignon, des crevettes géantes, du carré d'agneau, tout cela appartient aux spécialités transalpines. Heureusement, les plats de pâtes et le risotto sauvent la mise.

On commence avec des mises en bouche, un peu de saumon fumé sur des cuillères chinoises, c'est la mode. Et ce n'est pas irréfutable. Pareillement, des raviolis (en forme de mouchoir, les fazzolettis) sont farcis à la pintade braisée au jus et servis avec des champignons shiitake, autour de quelques feuilles de roquette, puis montés d'une tranche très fine de parmigiano reggiano. C'est le plat le plus convaincant de la soirée, la pâte des raviolis, fine comme du papier, est savoureuse avec des parfums riches et francs, tout ça nappé d'un jus court et concentré. On ne dira pas exactement cela de la chair de la pieuvre, un peu raide, mais goûteuse tout de même, servie sur de la polenta, autour de piments mexicains ancho. Rien à dire, sinon que c'est un peu intimidant comme association de goût. Tout le plat était froid cependant.

Nous avons craqué pour les pâtes, le magret de canard et le filet de boeuf ne nous inspirant rien de bien méditerranéen. Le risotto n'est pas monolithique, le bouillon dans lequel il a gonflé est dense et parfumé, on le prépare avec de la saucisse hachée et des petits pois verts (hors-saison, ça... je me trompe?). Il a pourtant de l'esprit, il s'affine à chaque bouchée, prend une dimension lactée, riche. Les linguinis noircis à l'encre de seiche aux fruits de mer en rajoutent: coquillages, crevettes, un peu de poisson, un bouillon exquis et délicat, c'est la touche du chef, qui sait transmettre une grande distinction aux sauces et aux bouillons.

Les desserts sont plus intéressants que leurs intitulés - gâteau aux amandes, tarte aux pignons! Deux pâtons, avec de belles textures de noix, et une dimension mouillée et aérienne. Servie chacune avec des glaces divines, vanillée pour l'une, citronnée pour l'autre.

Belle conclusion à cette cuisine un peu sage, à laquelle il manque un peu de percussion.

Ridi

1800, rue Sherbrooke O.

514-904-1900

Prix

> Des entrées à partir de 10$, plats facturés de 20$ à 40$, desserts à plus de 10$, tout cela vous monte une addition en flèche. Sans compter qu'il n'y a pas de formule. Les midis en revanche, on s'en tire à meilleur compte. Comptez 200$ à deux, tout compris avec quelques verres de vin.

Service

> Très gentil, alignant les bons mots, la familiarité bon enfant, sympathique quoi! Mais ne sachant pas le nom de l'huile d'olive servie...

Vin

> La carte est surtout italienne, courte et correcte avec des crus d'un peu partout au pays, mais les prix s'excitent vite.

Plus

> Cuisine réellement sans fautes, malgré les appellations un peu retentissantes, ne vous fiez pas qu'aux mots!

Moins

> Ambiance bancale, degré « 0 ».

On y retourne

> Nous hésitons, c'est vrai. Ce décor! Mais la cuisine de M. Perri restera toujours ce qu'elle est, la grâce incarnée. Même à ce prix. Alors oui, nous irons (en verres fumés).