Azuki (haricot rouge) et riz gluant n'ont qu'à bien se tenir ! Le chocolat révolutionne la pâtisserie japonaise sous la férule de créateurs l'associant aux ingrédients traditionnels du pays du Soleil levant.

Invités de marque du 17e Salon du chocolat qui se tient jusqu'à dimanche à Paris, chocolatiers et pâtissiers japonais sont «de plus en plus nombreux» à utiliser cet addictif aux origines précolombiennes, introduit tardivement au Japon, «environ 250 ans plus tard qu'en Occident», dit Susumu Koyama, pâtissier-chocolatier de 47 ans.

Né à Kyoto dans une famille de pâtissiers, Susumu Koyama, sacré par les professionnels «meilleur chocolatier étranger» du salon 2011, se dit «instinctif» et «inspiré par la nature».
Il a fait de cette alliance des saveurs sa passion et son métier, qu'il exerce exclusivement au Japon. Son atelier-boutique, installé à la campagne à Sanda (entre Kobe et Osaka), emploie 200 personnes.

Susumu Koyama, soucieux de «transmission», a fondé une école en 2004 et publié plusieurs livres de recettes. Il s'est formé «au Japon», mais à l'écoute des «chocolatiers français» qu'il admire et rencontre, dont Jacques Genin.

C'est en intégrant le kuro-shichimi, un condiment de Kyoto que sa mère utilisait beaucoup, à un chocolat à forte teneur en cacao qu'il a créé son chocolat «Yanbai», mélange doux-amer d'épices, de miel et de chocolat noir.

Il a également associé une pâte de soja fermenté (kome-kôji miso) à une ganache et un cacao du Costa Rica pour créer un fondant rappelant «le caramel au beurre salé d'Henri Le Roux», dit-il en parlant d'un chocolatier de Quiberon (Morbihan).

Mais ce que Susumu Koyama préfère c'est «la légèreté d'une génoise roulée» ou «la mousse au chocolat» qu'il intègre aux «saveurs de son enfance» pour fabriquer ce qu'il nomme «l'ADN Kyoto», nom générique qu'il a donné à ses créations. Parmi elles, l'Hekkonda, une «terrine de chocolat à la purée de châtaignes».

«Chocolats maquillage»

Chez «Tokyo Chocolate», installé à Tokyo, les «Mi-Na-Mo» (surface de l'eau) multicolores aussi brillants que la laque, marie cacao, yuzu, sake, et thé vert. Des petits feuilletés associent pâte d'azuki (pois rouges ou blancs) et crème, et les chocolats rappellent l'art de l'estampe et les incrustations de nacre.
Avec quatre boutiques à Paris - où il a créé le premier un gâteau opéra au thé vert baptisé bambou - trois à Taïwan et bientôt quatre à Tokyo, Sadaharu Aoki attire chaque année le grand public avec ses «chocolats maquillage», découpés à la main.

Chez Aoki, cacao, sésame noir et sanshou (sorte de piment) font bon ménage, mais le pâtissier fait goûter sa dernière invention: un macaron au chocolat fondu dans une gaufre au thé vert.

«Savoir allier de nouvelles saveurs, une condition pour créer», concède un responsable de la maison Toraya, fournisseur officiel de la Cour impériale depuis 500 ans, implanté à Paris depuis 31 ans, où certains fidèles s'approvisionnent quotidiennement.

Dans ce temple de la tradition, à deux pas de la place Vendôme, le yokan au chocolat (azuki, sucre) paraît pourtant bien seul au milieu des élégants dango, mochi, manjû, à base de pâte de riz ou de millet, mélangeant saveurs de thé vert, fleurs, soja grillé et fruits. Il portent tous des noms poétiques: «azalée au creux du rocher», «premières oies sauvages», «puissant gage de félicité»...

Des feuilles d'érable sont estampillées au fer chaud sur de moelleuses brioches, des truffes ornées de vermicelles «braises-et-flammes». Chaque création, au nom rappelant des haikus, est un hommage à la nature, aux saisons, aux cinq sens.