Le chef espagnol Santi Santamaria, trois étoiles au guide Michelin et souvent présenté comme le grand rival de Ferran Adria, catalan comme lui, est décédé mercredi à Singapour, a-t-on appris auprès de son restaurant, El Can Fabes.

Il est mort «dans son restaurant de Singapour», à l'âge de 53 ans, a déclaré à l'AFP un responsable de son établissement situé à Sant Celoni, près de Barcelone (nord-est de l'Espagne). Celui-ci n'était pas en mesure de préciser les raisons du décès mais selon le quotidien El Mundo, il s'agirait d'une crise cardiaque.

D'après le chef français multi-étoilé Joël Robuchon, dont les équipes préparent à Singapour l'ouverture de deux nouveaux restaurants, M. Santamaria fêtait le premier anniversaire de son restaurant singapourien quand il a été pris d'un malaise devant plusieurs centaines de personnes.

Connu pour ses plats créatifs aux racines locales, il défendait une cuisine contemporaine, sur des bases classiques, avec une vraie «typicité et identité», a affirmé M. Robuchon, joint par l'AFP à Las Vegas.

Outre son restaurant en Catalogne, il s'était vu attribuer deux étoiles à Madrid pour son restaurant Sant Celoni.

Pourfendeur de la cuisine expérimentale dite «moléculaire», chère à Ferran Adria du restaurant El Bulli, il n'avait pas hésité à affirmer que celle-ci pouvait nuire à la santé, déclenchant alors ce que les médias avaient appelé une «guerre des chefs».

Santamaria, fils de paysans et adepte des produits du terroir, évoquait même un «divorce conceptuel et éthique» avec Adria, pour qui il assurait avoir néanmoins «un immense respect».

Dans son livre «La Cuisine à nu», il dénonçait aussi la «cuisine-spectacle» utilisant des ingrédients et procédés industriels au détriment, selon lui, de la qualité naturelle des produits. «S'il s'agit d'avoir des expériences artificielles, on y arrive déjà avec des cachets et des drogues», avait-il notamment déclaré.

Pour le célèbre chef français Alain Ducasse, interrogé par l'AFP, Santi Santamaria était «un homme entier et généreux» ainsi qu'un «fin cuisinier, sensible et rigoureux».

«Il avait une affinité profonde avec la cuisine française dont il avait une connaissance exceptionnelle», a-t-il souligné, qualifiant sa «cuisine du produit» de «juste et essentielle», à son image.

Pour Joël Robuchon, c'était «un homme de coeur, grand professionnel et très chaleureux». A Singapour, son restaurant, «très moderne, est l'un des meilleurs», a-t-il assuré.

«Il avait des convictions très fortes sur la cuisine chère à son coeur et une passion pour les produits locaux», a expliqué à l'AFP Jaume Tapies, président des Relais et Châteaux et ami proche de M. Santamaria.

«C'était aussi un amoureux de la Catalogne, farouchement opposé au franquisme et qui a régulièrement eu des problèmes avec la Garde civile à cette époque», a ajouté M. Tapies, lui-même catalan.

Installé dans la maison de ses parents, qui l'a vu naître et où est situé son restaurant, Santi Santamaria, très «fidèle à ses racines», était devenu un cuisinier autodidacte après avoir travaillé en usine comme dessinateur, a indiqué M. Tapies.

«Comme souvent les hommes costauds, corpulents, il avait un côté nounours, très généreux», a expliqué à l'AFP Alain Dutournier, chef du Carré des Feuillants à Paris, évoquant des repas pendant lesquels M. Santamaria voulait «tout faire goûter» à ses convives.