La saison de la chasse au phoque débute officiellement demain aux Îles-de-la-Madeleine, mais c'est un début bien théorique. Hier encore, les chasseurs ignoraient s'il y aura bel et bien une saison cette année, les glaces - et les phoques - étant trop loin. On attend de voir si les vents vont rapprocher les animaux de la côte. Chose certaine, ce ne sera certainement pas une grande récolte, et ça tombe très mal pour les chasseurs puisque la viande de phoque - ou de loup-marin, comme on l'appelle souvent sur le menu - gagne en popularité dans les grandes tables du Québec.

La réhabilitation de la viande de phoque viendra-t-elle par la gastronomie?

«C'était une viande très méconnue», explique Denis Longuépée, président de l'Association des chasseurs de loup-marin des Îles-de-la-Madeleine. «On ne savait pas trop comment l'apprêter et on la transformait mal», explique-t-il.

 

Résultat: certains gourmets conservent un bien mauvais souvenir de leur rencontre avec le phoque...

Une très faible proportion des mammifères capturés finit dans l'assiette, mais l'association de chasseurs veut faire la promotion de la viande de loup-marin comme produit haut de gamme. Ici, mais aussi à l'étranger, car des clients asiatiques se sont montrés très intéressés par ce produit exotique. Pour l'instant, il est impossible d'en vendre à l'extérieur de la province. Il faudrait un permis fédéral pour l'exporter. On y songe.

Une seule boucherie débite les phoques aux Îles. Elle fume la viande et en fait des terrines et des saucissons. Denis Longuépée aime la sienne en hamburger ou en raclette. Quant au goût de la bête, il est apparemment très difficile à définir. Cela va de la viande sauvage au poisson, selon les goûteurs.

L'année dernière, il y avait de la demande pour 2000 phoques. Cette demande a plus que triplé et on espère en écouler 7000 cette année, selon la récolte.

Réjean Vigneau, propriétaire de la boucherie Côte à côte, affirme que les gens s'intéressent de plus en plus à la viande sauvage. C'est ce qui expliquerait ce regain d'intérêt pour le loup-marin. «Les gens veulent bien s'alimenter et cherchent de la viande de qualité, dit le boucher et chasseur. Ils veulent éviter la viande qui contient des résidus d'hormones. Et puis le loup-marin est riche en fer et en protéines.»

Et en controverse, mais pas assez pour stopper certains restaurateurs.

Les chefs appuient les chasseurs, dit Denis Longuépée, en dépit des campagnes-chocs contre la chasse au phoque.

Benjamin Lengnet, copropriétaire du restaurant Le Cinquième Péché, affirme avoir reçu des messages haineux l'an dernier. Ça ne l'a pas empêché de servir du phoque. «Nous en avons au menu depuis quatre ans», précise-t-il.

Au restaurant DNA du Vieux-Montréal, on ne craint certainement pas les controverses. Non seulement il y a de la viande de phoque au menu, mais on avait initialement baptisé le plat «phoque Jésus». Comme cette appellation a choqué des clients, l'établissement offre désormais sa charcuterie... phoquée!

«Pour nous c'est très naturel d'avoir du phoque au menu, dit Alex Cruz, copropriétaire du DNA. Ça fait partie de notre patrimoine alimentaire et ça reflète bien notre terroir.»

Les consommateurs sont souvent mal informés de l'état de la chasse, dit Alex Cruz, très soucieux de l'origine des produits qu'il met sur sa table. Il refuse par ailleurs systématiquement d'offrir du thon rouge, poisson dont les stocks se sont effondrés.

La viande de phoque reste tout de même un produit d'exception. Et elle n'attire pas tous les palais: selon un récent sondage réalisé pour La Presse Canadienne, 60% des Canadiens n'oseraient même pas y goûter si on leur en proposait...