Préparer dès le dimanche les menus de toute la semaine à venir. C'est ce que propose la méthode « Meal Prep », comme on dit en anglais, soit la préparation des repas à l'avance. La Presse a tenté le coup. C'est parti, le chronomètre roule...

Éclater de rire, c'est ce qu'on a fait en lisant le titre de ce livre. En 2 h je cuisine pour toute la semaine, promet la couverture du bouquin signé Caroline Pessin, publié chez Hachette Cuisine. Préparer tous les repas de la semaine en deux heures ? Facile, si on mange des sandwichs et des céréales, rouspète-t-on.

C'est plus sérieux que ça. Il s'agit d'adopter la méthode meal prep, comme on dit en anglais, soit la préparation de repas à l'avance. On peut aussi parler de batch cooking, soit de cuisine par lots, quand c'est fait en grandes quantités.

Dans son livre, Caroline Pessin propose de cuisiner cinq soupers et deux entrées, pour nourrir une famille de quatre du lundi au vendredi soir. Il n'y a ni dessert ni lunch pour le lendemain midi, quoique les recettes soient généreuses. Est-ce réaliste ? La Presse a testé l'un des menus détaillés dans le livre.

Le secret ? Consacrer d'abord deux heures à la cuisine le dimanche. Ensuite, prévoir de 5 à 15 minutes de préparation et de réchauffage chaque jour.

AU PROGRAMME :

LUNDI : Grande salade de pommes de terre, saumon, mesclun, oignons et concombre

MARDI : Salade de lentilles à la grecque et courgettes farcies

MERCREDI : Moussaka

JEUDI : Blanquette de poisson à l'aneth et riz

VENDREDI : Soupe de petits pois, feta et menthe, avec boulettes de lentilles à la sauce tomate et haricots verts

Faire les courses est rapide, puisque la liste est inscrite dans le bouquin. Il suffit de trouver les équivalents québécois de quelques ingrédients typiquement français, comme la crème liquide (qu'on remplace par de la crème à 15 % de matières grasses) ou les dos de cabillaud (des filets de morue feront l'affaire). Facture totale au supermarché : 122,67 $ (sans compter l'huile d'olive, le vinaigre de vin et l'ail qu'on a déjà à la maison).

DÉBUT À 13 h 55

Après avoir étalé tous les ingrédients sur une table, sauf ceux qu'il vaut mieux réfrigérer comme le poisson, on commence à cuisiner. Il est 13 h 55, on a donc bon espoir de finir avant 16 h. Erreur.

On commence par laver et trancher quatre aubergines, qu'on fait cuire au four sur des plaques de cuisson pendant 30 minutes. Pendant ce temps, on coupe et évide les courgettes. Il faut aussi les enfourner, mais la cuisinière est pleine... On s'attaque à la menthe et à l'aneth, qu'on fait tremper, avant de les essorer et de les placer entre deux feuilles d'essuie-tout au frigo. Vient le temps de peler les pommes de terre, puis de les faire cuire à la vapeur pendant 20 minutes.

Le minuteur s'avère indispensable pour éviter une catastrophe. Tout a été pensé pour que la préparation et la cuisson soient efficaces.

Pendant que la blanquette de poisson cuit dans une sauteuse, on prépare les boulettes de lentilles au robot culinaire. Ça a ses avantages. On coupe les patates alors qu'elles sont parfaitement tièdes, après avoir effectué d'autres tâches alors qu'elles refroidissaient. C'est toutefois stressant - il y a toujours quelque chose de pressant à faire, le menu comptant 20 étapes - et la cuisine semble franchement avoir été frappée par une tempête tropicale.

FIN À 18 h 10

Il est 18 h 10 quand on termine la préparation des mets. Il reste encore de la vaisselle - on aura vraiment fini à 18 h 40. Il règne une odeur plus qu'alléchante dans la cuisine, avec la moussaka, les courgettes farcies, les boulettes, la soupe et la blanquette qui sont prêtes à être réfrigérées ou congelées. D'autres ingrédients (dés de concombre, mélange de pommes de terre, saumon et oignons, etc.) sont au frigo, dans des contenants hermétiques.

Plus de quatre heures pour préparer cinq soupers différents et savoureux, ce n'est pas si mal. Il reste qu'il faut réunir plusieurs conditions (absence d'enfants autour, espace disponible dans le frigo et le congélo, tolérance au stress et réserves d'énergie !) pour qu'un si ambitieux projet soit agréable à mener le dimanche. À moins de s'y mettre avec un grand enfant ou un autre adulte - une bonne idée...

TENDANCE

Les intéressés peuvent trouver 16 menus dans le livre de Caroline Pessin, soit 4 par saison, ce qui permet de ne pas se casser la tête à la recherche de recettes. D'autres livres existent, comme La révolution du batch cooking, chez Larousse. Au Québec, l'entraîneur Jimmy Sévigny publiera à la rentrée Le meal prep au service de votre santé ! chez Trécarré. Il est évidemment possible d'adapter la formule à son régime (végane, sans gluten, sans lactose, etc.).

En semaine, c'est effectivement merveilleux de n'avoir qu'à émulsionner une vinaigrette avant d'assembler une super salade-repas ou de simplement réchauffer la moussaka. Mais on préférera probablement couper la poire en deux, en préparant quelques recettes d'avance et d'autres au fil des jours, histoire de ne pas passer tout notre dimanche aux fourneaux.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

Pour préparer le menu, il faut enchaîner 20 étapes. Si on espère finir en deux heures, il vaut mieux ne rien boire (pas le temps d'une pause-pipi...) et rester calme devant la vaisselle qui s'empile.

Photo Marco Campanozzi, La Presse

On commence par laver et trancher quatre aubergines, qu'on fait cuire au four sur des plaques de cuisson pendant 30 minutes.

ENTREVUE AVEC UNE PARISIENNE QUI CUISINE LE DIMANCHE

Caroline Pessin vit à Paris avec son compagnon et leur fils de 5 ans. Styliste culinaire, elle est aussi auteure du livre En 2h je cuisine pour toute la semaine, paru chez Hachette Cuisine. La Presse l'a jointe pour parler de cette méthode qui promet de nous rendre zen les soirs de semaine.

Depuis combien de temps cuisinez-vous le week-end en prévision des soirs de semaine ?

J'utilisais déjà cette méthode lorsque j'étais étudiante, mais avec les quantités pour une seule personne. J'ai ressenti le besoin de la réappliquer à l'arrivée de mon enfant, car il est difficile de concilier le boulot, puis le soir le bain, les moments de jeux, la préparation du repas et le moment du coucher. On se sent très vite débordée !

Le faites-vous toujours ? 

J'utilise cette méthode lorsque je sais que je vais avoir une grosse semaine de travail, que je vais rentrer tard et fatiguée.

Comment vous motivez-vous à cuisiner autant le dimanche ?

Le bénéfice est tellement important pour les soirs de la semaine (imaginez : entre 0 et 15 minutes de cuisine en rentrant du travail) que la session cuisine du dimanche est un plaisir.

Quels avantages y voyez-vous ?

Avec cette méthode, on gagne du temps. Et puis il y a moins de vaisselle à laver les soirs de la semaine, car la majeure partie des préparations et des cuissons se fait au cours de la session cuisine du week-end. Et le plus important pour moi : on mange sain, équilibré, avec le goût du fait maison. Pas de produits industriels, de plats préparés. Et fini les livraisons à domicile, une vraie économie dans le budget alimentaire.

Le faites-vous même l'été, alors qu'on a envie de plus de fraîcheur ?

En été aussi, c'est tout à fait possible. D'ailleurs il y a quatre menus d'été dans le livre : taboulé, tomates farcies, courgettes farcies, ratatouille, pizza aux légumes, soupe de petits pois à la menthe, caviar d'aubergines, poivrons marinés, tzatziki, burgers végétariens, quiche aux tomates... Les salades bien fraîches sont possibles aussi. Les crudités et les herbes aromatiques, préparées et placées dans des boîtes hermétiques, se conservent très bien une semaine. Les légumineuses, comme les lentilles cuites, se gardent jusqu'à cinq jours. Alors, à nous les salades composées : salade de lentilles à la grecque, salade de farfalles au saumon fumé, grande salade de pennes aux légumes d'été...

Photo Frédéric Rosier, fournie par Caroline Pessin

Caroline Pessin est l'auteure du livre En 2h je cuisine pour toute la semaine, paru chez Hachette Cuisine.

AVANTAGES ET DÉSAVANTAGES

Nicolas Leduc-Savard est un adepte du « Meal Prep », une méthode qui consiste à cuisiner d'avance et en grande quantité des aliments. Il prépare « d'énormes portions de chili à la mijoteuse », de gros gruaux ou simplement des légumes et fruits pour la semaine à venir. Voici les avantages et désavantages de la méthode, selon le nutritionniste du sport.

QUATRE AVANTAGES

GAIN DE TEMPS

« En préparant ses repas d'avance, on économise beaucoup de temps les soirs de semaine, indique Nicolas Leduc-Savard. On n'a, en effet, plus besoin d'aller à l'épicerie pour préparer un repas le soir même ni de prendre le temps de réfléchir au repas qu'on veut préparer. Tout est déjà fait, plus qu'à réchauffer ! »

ÉCONOMIE D'ARGENT

« Le meal prep fait économiser beaucoup d'argent à ceux qui ont tendance à manger au café ou à la cafétéria le midi ainsi qu'à ceux qui ont le réflexe de commander de la nourriture lorsque le temps et les idées manquent après une journée de travail, observe le nutritionniste du sport. Avec un peu de planification et de motivation en début de semaine, le repas du souper et les lunchs peuvent être prêts d'avance. »

RÉDUCTION DU STRESS

« Le fait de ne pas avoir à penser à quoi acheter et cuisiner pour le repas du soir ou le lunch du midi permet vraiment de limiter le stress associé à l'alimentation, estime Nicolas Leduc-Savard. On sait qu'on mangera un repas nourrissant, sain et délicieux, sans avoir à stresser pour autant. On n'a pas besoin de chercher trop longtemps pour répondre à la fameuse question : "On mange quoi, ce soir ?" »

SANTÉ

« En choisissant et cuisinant ses recettes d'avance, on a davantage tendance à préparer des repas sains, souligne le nutritionniste. Et comme on a beaucoup de portions à manger, on a moins tendance à manger à l'extérieur. Conséquemment, on mange moins d'aliments transformés, qui sont habituellement plus riches en matières grasses, en sucre ajouté et en sel que les matières premières avec lesquelles on cuisine notre repas. »

DEUX DÉSAVANTAGES

REPAS RÉPÉTITIFS

« Comme on a plusieurs portions préparées d'avance et qu'on veut idéalement ne rien jeter, on finit par manger plusieurs fois le même repas, reconnaît Nicolas Leduc-Savard. Le truc pour éviter que cette situation se présente : on cuisine les mêmes matières premières pour tous les repas (légumes, viande et féculent), mais on les apprête différemment. Concrètement, on pourrait avoir une sauce citron-sésame pour une portion, une sauce aux arachides pour une autre portion, puis une sauce coréenne pour la dernière portion. »

WEEK-END AMPUTÉ

« Si on décide de tout faire en même temps, cela peut prendre beaucoup de temps, constate le nutritionniste. Il faut planifier un bon deux ou trois heures. La solution à ce problème : demander de l'aide (ami, partenaire, enfants, etc.), se mettre de la bonne musique, et prendre plaisir à cuisiner. »

Photo fournie par Nicolas Leduc-Savard

« Le meal prep fait partie intégrante de mes habitudes alimentaires », indique Nicolas Leduc-Savard, nutritionniste du sport.