Il a un nom étrange, Lapsang Souchong, mais surtout une drôle de saveur qui divise les buveurs. Présentation de ce thé chinois boucané qui, infusé ou cuisiné, a le pouvoir d'enfumer vos papilles.

Les feuilles de ce thé noir unique en son genre, originaire du Fujian (sud-est de la Chine), dégagent de puissants arômes de fumée. Une légende raconte qu'un cultivateur chinois, contraint de quitter son entrepôt à la hâte, voulut accélérer le séchage de sa récolte en la plaçant au-dessus d'un feu d'épicéa. 

Sa saveur rappelle la douce odeur d'un feu de foyer, ou encore le bacon, tout en présentant des notes très boisées. Certains en raffolent, mais d'autres grimacent en y goûtant pour la première fois.

Comment le déguster? 

Il s'infuse à la manière d'un thé classique, sans rinçage préalable, avec une eau très chaude (95 °C). Attention au temps d'infusion, idéal à trois, voire quatre minutes, au-delà desquelles la boisson deviendra difficilement tolérable.

Son côté fumé le rend peu propice pour une dégustation au saut du lit, mais il sera d'agréable compagnie après un dîner ou pour un afternoon tea à l'anglaise.

Un ingrédient gourmand

Au-delà de l'infusion, le Lapsang Souchong s'avère un précieux ingrédient de cuisine, s'alliant avec de nombreux produits québécois. Il apportera ses vertus empyreumatiques à un canard du Lac Brome au thé, à un gratin de morue pochée ou encore à un gravlax de saumon.

« Il est parfait pour les brunchs, les poissons comme le thon, la morue [...]. Il peut être employé dans les recettes végétariennes pour remplacer la pancetta », indique Gabriella Lombardi dans son ouvrage Tea sommelier, qui propose une recette de pâtes carbonara agrémentées d'une poudre de Lapsang Souchong. Ça goûte le barbecue !

Pour en mettre plein les yeux, refaites cuire une heure des oeufs durs dont la coquille a été brisée (mais non enlevée) dans une infusion de thé fumé. Résultat : d'étonnants oeufs marbrés.

Des accords à tester

Winston Churchill, épris de Lapsang Souchong, avait noté qu'il se mariait bellement avec un cigare et un trait de whisky.

« On choisira un scotch non fumé, plutôt fruité et vif pour créer un contraste », recommande François Marchand, dégustateur chez Camellia Sinensis.

Autre bel accord : le chocolat à haute teneur en cacao - on trouvera par ailleurs une alléchante recette de tarte au chocolat au thé fumé dans À table avec François Chartier.

Enfin, le fromage Curé Hébert serait un bon compagnon, selon Émilie Poissant, conférencière en accord gourmand avec le thé. « C'est un fromage de lait cru de vache à pâte semi-ferme. Le thé fait ressortir le côté soyeux et salé du fromage qui, lui, fait ressortir le côté boisé du thé et le fumé plus en douceur ainsi qu'une légère note minérale. »

Où le trouver?

Chose étonnante, le Lapsang Souchong ne jouit que d'une faible notoriété dans son pays d'origine, où il est même surnommé « le thé des Occidentaux ». En effet, une grande majorité des boutiques de thé en proposent dans nos contrées. Au Québec, il figure généralement dans les sélections des magasins indépendants (Camellia Sinensis, Un amour des thés...), comme dans celles des chaînes (David's Tea). Vous pourriez aussi tomber sur son cousin taïwanais, le Tarry Souchong, similaire mais boucané à l'extrême.

Un thé abordable

Autre bonne nouvelle : il est très abordable, puisque son prix varie entre 5 $ et 9 $ pour 50 grammes. Certaines enseignes proposent des versions biologiques. Inutile d'en acquérir des tonnes, il se boit plutôt occasionnellement. À goûter impérativement avant tout achat : on l'adore ou on l'abhorre.