Une fois qu'on a saisi le principe (et non la viande), les tartares, carpaccios et tatakis se déclinent à l'infini. Petits plats simples et en finesse, pour carnivores assumés. Tout pour savoir comment les apprêter.

On opte volontiers pour un tartare au restaurant, mais on hésite encore à le faire à la maison, s'étonne Jean-François Plante, restaurateur et auteur du livre Tartares à volonté, qui vient de paraître aux Éditions de l'homme. Pourtant rien de plus simple à cuisiner, pour peu qu'on connaisse certaines notions de base.

L'origine du tartare est incertaine. Certains en attribuent la création aux Mongols, autrefois appelés Tartares, qui salaient la viande de cheval et la glissaient sous leur selle afin de l'attendrir et de la vider d'un surplus de sang. La viande, découpée en cubes, était ensuite dégustée crue. Astucieux, mais un peu complexe pour un souper du jeudi.

On arrive heureusement à faire plus simple. Tellement simple, en fait, qu'on s'étonne que ce type de plat ne s'inscrive pas plus souvent au menu de la semaine. «C'est un peu une hérésie. La maison est pourtant le meilleur endroit pour s'assurer que le produit est frais et qu'il a été bien manipulé», estime Jean-François Plante.

À 2 ou 3 $ la portion (compter 150 g à 175 g de viande pour un repas), incluant les condiments, on s'en tire avec un repas abordable. Relativement santé aussi, puisque la nature du plat exige des viandes maigres et de première qualité. Généralement, une portion plus modeste que pour une viande cuite suffit par ailleurs à se sustenter. «Avec une salade croquante et quelques croûtons, ça fait une sacrée belle assiette!», fait remarquer le restaurateur.

Quel type de viande choisir

Plusieurs viandes s'apprêtent bien crues: c'est le cas pour le boeuf, le veau (tendre, mais un peu moins goûteux que le boeuf), le cheval (qui donne un tartare rouge et sanguin), le bison, l'agneau, le canard et certains gibiers, qui ont du caractère en terme de goût. Le poulet est à proscrire, car il peut représenter un danger pour la santé s'il n'est pas cuit, en raison du type de bactérie qu'il contient. C'est le cas aussi pour le porc qu'on peut toutefois cuisiner en tataki en le gardant rosé au centre.

Peu importe le type de viande choisi, la consigne reste la même: rechercher la qualité et la fraîcheur. Pour éviter tout risque de contamination, on s'en remet à un boucher de confiance qui pourra nous servir ses viandes les plus fraîches et les apprêter correctement.

À moins de faire hacher la viande au couteau par son boucher, on achète une pièce entière (plus une viande est découpée, plus on augmente le nombre de surfaces exposées à l'air et aux bactéries): jamais celles qui sont préemballées et dont on ne connaît ni les conditions et les dates d'emballage, ni la qualité. Même chose pour les viandes marinées dont la fraîcheur est difficile à détecter et pour lesquelles on ignore le temps de trempette.

Pour des raisons de santé, on ne fait jamais ce type de plat à partir d'une viande hachée ou tranchée mécaniquement, précise également Jean-François Plante. Le procédé induit inévitablement des bactéries pathogènes dans la viande. Les viandes précoupées doivent, par conséquent, être cuites.

Pour la coupe, inutile de chercher les viandes les plus tendres comme les filets, puisque les pièces seront de toute façon hachées finement. Par ailleurs, c'est une fois cuite que la chair devient plus coriace.

Certaines pièces plus abordables et plus goûteuses donnent un résultat plus intéressant, dans la mesure où elles sont maigres. « Une viande persillée est intéressante lorsque grillée, mais le gras n'ajoute aucune saveur ou texture intéressante dans ce type de plat. Il est, au contraire, désagréable en bouche », indique l'auteur de Tartares à volonté.

La préparation: une question d'équilibre

Avec le tartare, tout est question de contraste entre les saveurs et les textures: «On veut s'assurer d'aller chercher un bel équilibre entre le moelleux de la viande, le croquant, l'acidité, le sel, le piquant ou le relevé, explique Jean-François Plante. Une fois ce principe intégré, il y a vraiment moyen de se lâcher lousse en fonction de ses inspirations».

Quelques idées: 

Acidité: jus de citron ou de lime, vinaigres de vin ou de riz, et cornichons.

Croquant: fruits, légumes, morceaux de tempura et céréales plus fermes en bouche comme le boulgour.

Sel: herbes salées, câpres.

Piquant: tabasco rouge ou vert, sambal oelek, poivre de cayenne et sriracha.

Relevé: moutarde de Dijon, moutarde de Meaux, échalote française et oignon vert, ciboulette.

Enrober la protéine d'huile avant d'introduire les autres ingrédients, afin d'éviter qu'elle ne cuise au contact du sel et de l'acidité. Les huiles neutres (tournesol, canola ou pépin de raisin) auront l'avantage de ne pas masquer le goût des autres ingrédients, mais d'autres plus goûteuses, comme l'huile d'olive, se marient bien aux viandes crues et ajoutent du caractère au plat. Si on prépare la recette un peu à l'avance, on ne met l'acidité qu'à la dernière minute pour ne pas cuire la viande.

Conseils pratiques

La chaîne du froid

S'assurer de la fraîcheur à l'achat est la règle de base. Mais encore faut-il qu'il le reste tout au long du processus. «S'il fait chaud, on peut demander de la glace à son boucher pour le transport. Sinon, on limite les variations de température en mettant la viande sous vide», conseille Charles Bizeul, boucher en chef et gérant à la boucherie Grinder, qui alimente le restaurant du même nom. La viande doit être consommée le jour même et sortie au dernier moment pour la découpe. S'il fait chaud, on met la viande taillée dans un bol d'inox déposé sur de la glace, pour la maintenir au frais. Les morceaux de viande découpés peuvent ensuite retourner au frigo, pour être apprêtés à la dernière minute.

Et les restes?

La viande crue se mange fraîchement cuisinée ou le jour même. S'il en reste, mieux vaut la passer à la poêle et l'incorporer à d'autres plats, en burgers, raviolis, sauces ou sautés. On peut aussi tout simplement congeler les restes pour les consommer cuits plus tard.

Photo extraite du livre Tartares à volonté

Tartare d'agneau à la feta et au croustillant de merguez de Jean-François Plante

Haché menu

L'étape la plus longue, dans la réalisation d'un tartare, d'un carpaccio ou d'un tataki, est la découpe. Outillé d'un bon couteau bien aiguisé, l'opération n'a toutefois rien de bien sorcier. La technique est illustrée par Charles Bizeul, boucher en chef à la boucherie Grinder.

Tartare

Dans un premier temps, enlever une fine lamelle tout autour de la pièce de viande, pour retirer la couche superficielle qui a été exposée à l'air et aux bactéries. Tailler la pièce de viande en tranches fines, puis en lamelles. Couper ensuite en petits cubes d'un centimètre ou moins. «Évitez le hachoir qui donne une pâte de viande beaucoup moins intéressante que lorsqu'on coupe la viande au couteau», conseille Charles Bizeul.

Carpaccio

Enlever une fine lamelle tout autour de la pièce de viande et la découper en tranches très fines. Pour faciliter la découpe, on peut faire séjourner la pièce une à deux heures au congélateur avant de la trancher. Une autre technique consiste à découper la viande en tranches qu'on aplatit ensuite à la main jusqu'à obtenir des lamelles de 2 ou 3 mm d'épaisseur, tout au plus.

Tataki

À cheval sur la technique du cru et du cuit, la pièce est saisie dans une poêle bien chaude pour former une croûte à l'extérieur, tout en conservant la viande crue en son centre. La viande est marinée avant ou après, selon les recettes.

Les choix de coupe pour chaque viande

Agneau: gigot et épaule.

Boeuf: pointe de surlonge, bavette, intérieur de ronde, bifteck de Boston. Pour le tataki, le boeuf wagyu du Québec (qui est croisé avec l'Angus) donne un résultat intéressant puisque persillé très finement.

Canard: magret cru qu'on aura dégraissé en enlevant partiellement la couche de gras pour un carpaccio ou un tataki, ou la totalité pour le tartare.

Cheval: mêmes parties que pour le boeuf.

Porc: filet (en tataki).

Veau: plusieurs pièces s'y prêtent puisque le veau est tendre et peu gras.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Un tartare de bison

Recettes de tartares

Tartare de boeuf à l'italienne du Marché 27

(entrée pour 2 personnes)

200 g de boeuf 


2 c. à thé d'huile de truffe

2/3 de tasse de parmesan râpé


2 c. à soupe d'oignon rouge
 ciselé

2 c. à soupe de ciboulette ciselée

Sel et poivre


Hacher le boeuf en petits cubes. Enrober la viande d'huile et y ajouter les autres ingrédients préalablement mélangés. Mouler le tartare dans un contenant circulaire et retourner dans l'assiette sur quelques feuilles de roquette. Garnir de quelques pousses de micro herbes et de croûtons.

Marché 27, bar à tartares

27, rue Prince-Arthur O, Montréal

www.marche27.com

Tartare de bison de la boucherie Grinder

(repas pour deux personnes)

360 g d'intérieur de ronde de bison

1 c. à soupe d'huile d'olive

1 c. à soupe d'échalote française ciselée

2 c. à soupe de ciboulette ciselée

2 c. à soupe de Jack Daniels

3 c. à soupe de sauce barbecue légèrement épicée

2 c. à soupe de canneberges séchées

2-3 gouttes de tabasco chipotle (ou au goût)

Sel et poivre

Enrober la viande découpée d'huile d'olive. Mélanger tous les autres ingrédients et incorporer à la viande.

Boucherie Grinder

1654, rue Notre-Dame O, Montréal

boucheriegrinder.ca/fr

Tartare d'agneau à la feta et au croustillant de merguez de Jean-François Plante

(repas pour 4 personnes)

200 g de merguez

5 c. à soupe d'huile d'olive extra vierge

400 g d'épaule d'agneau hachée finement au couteau

100 g de fromage féta grossièrement concassé

1 c. à soupe de moutarde de Dijon

3 c. à soupe d'oignon rouge haché finement

3 c. à soupe de persil plat ciselé finement

1 c. à soupe de basilic frais ciselé finement

1 c. à soupe de menthe fraîche ciselée finement

4 olives vertes dénoyautées hachées grossièrement

2 c. à soupe de petites câpres hachées grossièrement

2 c. à soupe de jus de citron

2 c. à café de harissa

Sel et poivre du moulin

Retirer la chair des merguez de leur enveloppe. Dans une poêle à frire, à feu moyen-vif, mettre 2 c. à soupe d'huile d'olive et cuire la chair en la défaisant en petits morceaux, de 5 à 10 minutes, jusqu'à ce que la viande devienne croustillante. Réserver.

Mélanger les 3 c. à soupe d'huile d'olive restantes et l'agneau. Ajouter le reste des ingrédients (à l'exception de la merguez) et mélanger. Saler et poivrer, au goût. Ajouter les 2/3 du croustillant de merguez et mélanger. Répartir le tartare dans 4 bols. Garnir du reste du croustillant de merguez et d'un peu d'huile d'olive et de jus de citron, si désiré.

Extrait du livre Tartares à volonté, et autres délices crus à faire à la maison, Les éditions de L'Homme, 2016.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Recettes de carpaccio et tataki

Tataki de magret de canard à la roquette, aux framboises et à l'huile de noisette, de Jean-François Plante

(entrée pour 4 personnes)

Tataki: 

1 magret de canard de 500 à 600 g

1 c. à soupe d'épices à bifteck

1 c. à soupe d'huile de canola

4 tasses de jeunes feuilles de roquette

½ petit oignon émincé très finement

12 framboises fraîches

Poivre du moulin

Vinaigrette: 

3 c. à soupe d'huile de noisette

1 c. à soupe de confiture aux framboises

1 petite gousse d'ail fraîchement pressée

2 c. à soupe de sauce tamari

¼ de tasse d'huile de canola

1 c. à soupe de vinaigre de vin rouge

sel et poivre du moulin

Retirer la moitié du gras du magret. Saupoudrer les deux côtés du magret des épices à bifteck et de poivre, au goût. Saisir le magret dans l'huile chaude à feu moyen-élevé, 3 minutes côté peau et 1 à 2 minutes de l'autre côté, en s'assurant de créer une croûte dorée sur toute la surface. Réserver au frigo environ 1 heure. Fouetter tous les ingrédients de la vinaigrette. Trancher le magret et déposer les morceaux sur une assiette. Mélanger la verdure, les oignons et les framboises avec la vinaigrette. Garnir le magret de la salade. Arroser de vinaigrette, et saler et poivrer au goût.

Extrait du livre Tartares à volonté, et autres délices crus à faire à la maison, Les éditions de L'Homme, 2016.

Carpaccio de cheval aux oeufs de caille, du Lustucru

(en entrée pour 4 personnes)

4 escalopes de filet de cheval (60 g chacune)

12 oeufs de caille

20 copeaux de parmesan

roquette

1 citron découpé en quartiers

huile d'olive

fleur de sel et poivre du moulin

Salsa verde:

1 bouquet de persil plat

1 petite échalote

1 c. à soupe de câpres

1 gousse d'ail

le jus d'un demi citron

3 c. à soupe d'huile d'olive

quelques gouttes de tabasco

sel et poivre

Mettre les escalopes entre deux pellicules de plastique et les aplatir à l'aide d'un marteau de boucherie ou d'un rouleau à pâte pour obtenir de fines tranches d'environ deux mm d'épaisseur. Broyer les ingrédients de la salsa au mélangeur (la texture devrait être semblable à celle d'un pesto). Plonger les oeufs de caille trois minutes dans l'eau bouillante, les refroidir dans une eau glacée et les peler délicatement.

Déposer le carpaccio sur une assiette plate. Assaisonner uniformément avec la fleur de sel. Verser 3 c. à thé de sauce sur chaque portion de viande. Ajouter les oeufs de caille coupés en deux (3 par personne), les feuilles de roquette et les copeaux de parmesan. Arroser d'un filet d'huile, poivrer et garnir d'un quartier de citron.

Bistro Lustucru

5159 Av du Parc, Montréal

www.bistrolustucru.com

Photo Ivanoh Demers, La Presse