Lundi, Hélène Darroze est allée chercher un grand prix. La chef française d'origine landaise, l'étoilée Michelin du restaurant éponyme à Saint-Germain-des-Prés et double étoilée du restaurant de l'hôtel Connaught à Londres, a officiellement été consacrée meilleure femme-chef du monde par Veuve Clicquot.

Chaque année maintenant, la marque de champagne légendaire souligne le travail exceptionnel d'une femme-chef et attache son prix au gala des 50Best à Londres, où l'on apprend quels sont les 50 meilleurs restaurants au monde selon une liste compilée par le magazine britannique Restaurant.

Après la Française Anne-Sophie Pic, l'Espagnole Elena Arzac, l'Italienne Nadia Santini et la Brésilienne Helena Rizzo, c'est donc au tour de la chef de 47 ans originaire de Mont-de-Marsan, d'aller chercher cette reconnaissance.

«On m'appelle d'Australie, de l'Uruguay... C'est un immense honneur pour la cuisine française», explique-t-elle, jointe à Londres par Skype, d'une voix douce où l'on entend le Sud-Ouest de son enfance.

Une nouvelle reconnaissance

Les restaurants d'Hélène Darroze n'étaient pas sur la liste des 50Best l'an dernier, ni l'année d'avant, mais il y a longtemps qu'elle compte parmi les acteurs importants de la cuisine française, ceux et celles qui la font rayonner à la maison et à l'étranger.

Darroze - dont on dit qu'elle a inspiré le personnage de Colette dans Ratatouille - était jurée à la très populaire émission française Top Chef cette saison, ce qui a propulsé son sourire franc et ses boucles blondes partout dans le pays.

La grande cuisinière issue d'une famille de restaurateurs et formée notamment par Alain Ducasse au Louis XV, dirige en outre depuis 2008 les cuisines du Connaught, hôtel mythique du très beau quartier de Mayfair à Londres.

Et à Paris, son adresse du 6e, ouverte par la chef alors qu'elle avait à peine 32 ans, est aussi un incontournable, le temps venu de manger un repas classique des Landes modernisé, avec tout ce que cela comprend de jambon de Bayonne, de foie gras ou de ce fameux baba à l'armagnac, signature de la maison.

Lorsqu'on lui demande si elle aurait préféré être consacrée meilleur chef, et non meilleure femme-chef, Darroze répond qu'elle prend toutes les opportunités qui passent pour faire valoir la cuisine française.

Photo tirée du site web d'Hélène Dorroze

La Françaose présente ses meilleurs plats au mythique hôtel Connaught, à Londres.

Mais les femmes cuisinent-elles différemment?

Oui, répond-elle. Leurs approches sont inversées. La chef croit, de façon très générale, que les femmes choisissent d'exprimer des émotions avant de déterminer quelles techniques elles utiliseront pour le faire, alors que les hommes-chefs optent pour la maîtrise de la technique avant de voir comment ils s'en serviront pour dire quelque chose.

Aime-t-elle la cuisine de femmes?

Beaucoup, répond-elle, notamment celle des Britanniques Angela Hartnett ou Sam Williams au Café Murano. «Il y a tant d'émotions, tant de générosité. J'adore cette fille», dit-elle. Darroze estime aussi travailler dans le «même esprit» que Nadia Santini, la triple étoilée italienne, consacrée meilleure femme-chef au monde en 2013, pour son travail au Pescatore, en Lombardie.

Trouver sa place

Les femmes-chefs ont-elles le devoir d'aider les autres femmes? «Je ne le fais jamais assez...»

Pourtant, il y a plusieurs années, elle n'a pas hésité à poser seins nus dans le magazine Marie Claire, avec de nombreuses autres vedettes, dans le cadre d'une campagne de prévention du cancer du sein ou encore à se déguiser en homme pour un reportage du 8 mars sur l'égalité.

Cela dit, Hélène Darroze estime avoir, elle, toujours trouvé sa place dans le milieu masculin des grandes cuisines. Et son conseil aux jeunes femmes qui veulent devenir chef? «Allez au bout de vos passions et n'oubliez jamais que vous êtes une femme. Soyez vous-mêmes, ne cherchez pas à être un mec.»

Maman de deux petites filles adoptées au Viêtnam qui étudient à Londres, le pied-à-terre qu'elle a choisi, la chef se dit heureuse d'avoir enfin trouvé un rythme de vie qui lui permet un peu de conciliation travail-famille. «J'ai enfin la maturité pour me permettre de déléguer», note-t-elle.

La chef pense même ouvrir un autre restaurant, où elle ferait des recettes de ses grands-mères, thème d'un livre publié l'an dernier. Londres est encore une possibilité, Paris aussi, mais la chef aimerait bien tenter sa chance à New York. Elle songe à quelque chose de bistronomique, pour cette ville. «En fait, dit-elle. Ça a toujours été un rêve.»